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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Fouqué, Octave: Art musical, [2]: concours annuels du conservatoire
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ART MUSICAL.

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beaucoup plus haut. C'est la gloire qu'ils veulent conquérir,
et il ne s'agit pas pour eux de faire preuve d'une somme déter-
minée de connaissances, mais de certaines qualités de nature
ou de style qui fassent voir qu'ils ne sont pas indignes de
servir le dieu innommé du Beau. D'ailleurs, les examens
existent dans l'intérieur du Conservatoire. Aucun élève ne se
présente au concours public qu'après avoir passé par des
épreuves qui assurent, autant qu'il se peut, qu'il y fera une
ligure suffisante. Ces examens ont même été menés cette année
avec une certaine rigueur et ont donné lieu à des exclusions,
non seulement des concours mais de l'école. Quant à l'argu-
ment tiré de ce que le niveau des concours est trop sujet à
s'élever et s'abaisser en raison des candidats que le hasard
amène, croit-on que le système des examens présenterait une
base beaucoup plus solide? Rien ne force un jury à décerner
un premier prix si aucun des concurrents n'a montré de titres
suffisants à cette haute récompense; rien ne l'empêche, ayant
donné un premier prix, de retenir le second ou l'un des
accessits. Ainsi, l'usage et l'habitude aidant, le premier et le
second prix, le premier et le second accessits correspondent à
une certaine somme de talent qu'on ne gagnerait rien, crovons-
nous, à déterminer d'une façon plus absolue.

Donc nous verrons longtemps encore, selon toute appa-
rence, des concours au Conservatoire. On a tout dit sur ces
séances et le curieux public qui les suit avec une attention si
passionnée. Inutile de dépeindre la salle étouffante et étroite,
la peur affolée ou le faux aplomb des candidats, les applau-
dissements des camarades, l'œil mouillé des mères, les joies du
succès, les fureurs qu'amène la défaite.

C'est le concours de chant qui ouvre la semaine des
épreuves : le chant, cet art dominateur et charmant dont
MM. Lavoix fils et Th. Lemaire viennent pour la première
l'ois, dans un grand et beau volume, de raconter l'histoire, art
qui, s'il faut en croire les doléances des amateurs, serait depuis
des siècles en perpétuelle décadence, à tel point que personne
aujourd'hui n'en connaîtrait plus les principes et les lois!
M. Vernouillet, élève de M. Barbot, a été couronné pour avoir
chanté un air de Robert Bruce cousu de vocalises. Après lui
viennent MM. Bolly et Dethurens, élèves de M. Archain-
baud, seconds prix : M. Bolly, ténor, a chanté l'air de
Zampa, et M. Dethurens, baryton, celui du Pardon de
Plo'érmel :

O puissante magie!

Ce même air a valu un premier accessit à MM. Labis et
Jouhannet. M. Thual a partagé la même récompense, avec
l'air de Joseph, qu'on ne chante plus jamais qu'au concours du
Conservatoire. C'est d'ailleurs le charme un peu rétrospectif
de cette séance, d'entendre résonner à nouveau, chantés par de
jeunes voix, ces vieux airs de Méhul, de Chérubini, de Cima-
rosa, de Rossini, dont la coupe absolument démodée fait
retentir à vos oreilles un passé musical disparu et déjà loin.

La surprise du concours de cette année a été l'apparition
d'un jeune homme de dix-huit ans, M. Merglet, qui vocalise
comme un instrument, et avec une voix de baryton où l'on
croit entendre la résonnance de membranes non encore
formées, a débité le curieux pastiche introduit par M. Ambroise
Thomas dans son opéra-comique de Raymond. M. Merglet a
obtenu un second accessit, ainsi que MM. Poirier etDevineau.
Ce dernier ne paraît pas né pour jouer les séducteurs, et le
rôle de don Juan n'est pas son fait : mais quelle franche et
facile voix de ténor ! Sauf la note finale qu'il avait ajoutée et
qu'il a manquée — juste châtiment d'une trop grande fami-
liarité avec les chefs-d'œuvre — il a très bien chanté l'air de
l'Africaine :

Pays merveilleux...

O paradis s^rti de l'onde!

Le prix des élèves femmes a été partagé entre Mmo Rose
Delaunay, femme du peintre connu, belle-fille de l'émincnt

sociétaire de la Comédie-Française, et M110 Jacob, élève de
M. Bussine, et qui sait dès longtemps tout ce que l'école peut
lui apprendre. On a fait beaucoup de bruit autour du nom de
MI|B Lureau, lauréate du second prix. Cette jeune personne
avait obtenu un bruyant succès, et encouragée sans doute par
les réclamations d'une partie du public, s'est crue victime
d'une injuste préférence : elle a abandonné la suite des con-
cours et n'a paru ni à l'opéra-comique ni à l'opéra. C'est
grand dommage : elle nous eût peut-être révélé dans ces nou-
velles épreuves cette fleur de talent qui paraît attachée à l'idée
du premier prix et que la plus parfaite correction ne suffit pas
à remplacer. M"''s Rémy et Mansour ont partagé avec elle le
second prix : deux jeunes filles d'une intelligence affinée
comme leurs personnes. Enfin le chant a encore valu les lau-
riers de l'accessit à M,l('s Hall, Vildieu, Pierron, Chassin,
M1"" Caron.

Voici la liste des récompenses décernées après le concours
d'opéra-comique :

p'1' prix : Mllos Jacob et Fincken; 2e prix : MM. Chalmin
et Bolly, M"''s Remy et Merguillier, M""' Delaunay.

,cr accessit : M. Sujol (à l'unanimité); M"os Durié, Maria
Hermann; 20 accessit : M1,cs Pierron et Haussmann.

Il n'y a pas eu, comme on voit, de premier prix pour les
élèves hommes. M. Chalmin, second prix, est un gros
garçon réjoui, qui représente dans le Diable à l'école un Bel-
zébuth débonnaire et candide, et sait d'ailleurs animer une
scène et caractériser un personnage. M11'' Merguillier chante
la valse de l'Ombre dans le Pardon de Plo'érmel, avec une
vaillance à toute épreuve. Sa voix ne connaît pas d'obs-
tacles : elle escalade les degrés extrêmes de l'aigu sans une
hésitation ; rompue à tous les exercices d'agilité, elle jongle
avec les oppositions de nuances. Mais l'émission même de
cette voix est affectée d'un vice guttural qui la rend désa-
gréable. Quant au jeu de M"1' Merguillier, il nous a paru
exubérant sans nécessité. M"° Durié, moins parfaite vocaliste,
a pourtant étonné plus d'une fois son auditoire par la har-
diesse de ses traits. Le jeune Sujol joue gaiement et non sans
finesse.

Nous trouvons un nom nouveau en tête de la liste des
prix d'opéra : celui de M. Lamarche. Cet artiste possède une
voix vibrante, très agréable dans la force, malheureusement un
peu courte et peu assurée sur les notes élevées. Quelle sera sa
carrière ? On ne saurait le prévoir. Peut-être le mieux serait-il
pour lui de rester encore un an au Conservatoire à étudier le
chant. M. Crépaux, second prix, est une nature singulière :
chanteur mal habile, il excelle à traduire les divers personnages
qu'il a eu à représenter : Bertram de Robert, Leporello de Don
Juan, où il donnait la réplique à MM. Lamarche et Labis ; enfin
le cardinal de la Juive, qu'il jouait pour son propre compte.
M. Labis, autre second prix, a montré aussi de la souplesse
et même de l'esprit dans plusieurs scènes de Don Juan.

Un premier accessit a été accordé à M. Dethurens, qui a
paru dans Hamlet (scène de l'esplanade) ; il a donné dans le
Trouvère une intelligente réplique à M,lc Hall, second prix
pour les femmes. M11" Fincken a paru peu satisfaite de l'ac-
cessit qui lui a été décerné : si le chagrin qu'elle a éprouvé
pouvait amener quelque mobilité sur cette placide phy-
sionomie, il faudrait bénir la juste sévérité du jury !
M"° Mansour a partagé la distinction accordée à Mllc Fincken,
elle est douée d'un physique agréable, d'intelligence et de
volonté; sa voix est jolie, mais on n'a pu guère en juger à ces
séances, dénaturée qu'elle était par une indisposition persis-
tante. De même un rhume obstiné brisait à tout instant le
médium de la voix de Mllc Cour, jeune fille qui, sans un aussi
fâcheux contre-temps, eût pu briller dans ce concours d'ailleurs
assez faible, puisque le jury n'a pas cru devoir faire honneur
à sa vieille réputation de galanterie et a refusé de décerner un
premier prix aux dames.
 
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