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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Léris, G. de: A deux siècles de distance: à propos du livre de M. de Goncourt: La Maison d'un Artiste
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0213

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Bronzino, de Guido Reni, de Raphaël, d'Albert Durer, de Conta-
rini, du Titien, de J. B. del Piombo, du Parmigianino, etc., etc.

Prenons seulement comme type de ses descriptions les
vers suivants qu'il consacre à la Madone du Corrège :

Finîo non e, ma spira
îl divin pargoletto,

Gh' a la Vergine madré in grembo posa
Mira i dolci atti, mira
Con quai pietoso affetto
Le ride, e scherza. E ben mover vedrcsti
I bei membri celciti ;
Ma non vuole; c non osa,
(Si lo stringe d'amor tenace laccio)
A la gran génitrice uscir di braccio.

La préciosité de ces quelques vers explique l'engouement
dont jouit leur auteur à l'hôtel de Rambouillet. Après bien des
vicissitudes, après avoir été sauvé des prisons du duc Charles-
Emmanuel de Savoie, son ancien maître, ce poète s'était
réfugié en France, en i6i5, où la protection de la reine Marie
de Médicis lui fit de nouveau goûter la fortune. Ses vers légers,
faciles de style, mais enflés, d'une mièvrerie fastidieuse que
relèvent cependant de ci de là des traits charmants, en firent
un dieu à cette époque. Il n'y avait de jolis sonnets que com-
posés par Marin et. « lorsqu'il faisait visite à l'hôtel de Ram-
bouillet, la porte s'ouvrait comme pour recevoir le prince de
Condé. Il s'avançait la tête haute, en tirant son gant avec une
gravité castillane, il baisait la main de la marquise; son salut
était ordinairement accompagné de quelque compliment tendre
et fleuri qu'il glissait avec l'abandon de l'impromptu '. » Cha-
pelain donne bien du reste la note de l'enthousiasme qu'exci-
tait le poète, lorsqu'il écrivait dans sa lettre à Favereau : « Les
œuvres de Marino sont sans reproche et portent en son nom
leur inviolable passeport. »

Et l'homme qui savait si bien préparer ses impromptus
profitait du présent pour préparer l'avenir, et sans doute il
réunissait déjà quelques-unes des toiles dont il voulait orner
la maison qu'il faisait bâtir en son pays natal, près de Naples,
sur le penchant du Pausilippe, entre le tombeau de Virgile et
les jardins de Sannazar.

III

Un des rares auteurs contemporains2 qui ont étudié la
vie du Cavalier Marin dit que de ce succès étonnant pour une
œuvre si ordinaire « il résulta dans la littérature une foule de
cabinets hétéroclites à effrayer les artistes de tous les âges ».
Ces descriptions sans valeur ont eu le sort qu'elles méritaient :
un profond oubli, et si nous connaissons encore le Cabinet de
M. de Scudéry, son talent de critique d'art n'y est pour rien.
En effet, vingt-six ans après le Cavalier Marin, Scudéry, gagné
par l'exemple de son ami dont il venait de traduire en partie
l'Adonis — l'œuvre que vantait Chapelain —■ se mit en tête
de décrire son Cabinet. Rendons hommage à son imagination
seule, quoique le même Chapelain, peu avare de compliments,
se soit déclaré à cette lecture « ravi, transporté, enlevé » ;
mais ses vers d'une facture lâchée, d'un enfantin à faire
hausser les épaules, rappellent, qu'on nous pardonne le mot,
des vers de mirliton, sans qu'ils aient même le mérite que
donne à ces derniers une sorte de naïveté inconsciente.

L'amour-propre de Scudéry qui est resté légendaire éclate
dès les premières lignes de son avis au lecteur. « Puisque le
Cavalier Marin, dit-il, a bien fait une galerie, j'ai cru qu'il
n'était pas hors de mon pouvoir de faire aussi un cabinet... »
Il se défend en outre de toute imitation et ajoute : « J'avoue
que je n'ay pas eu peu de satisfaction en travaillant à cet
ouvrage parce qu'il m'a remis dans la mémoire et presque
devant les yeux tant de belles choses que j'ay veues, et tant

A DEUX SIECLES DE DISTANCE. 187

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d'autres que j'ay possédées. » C'est sans doute se flatter un
peu, car, à part quelques portraits qui lui avaient été donnés,
le besoigneux Scudéry, qui, selon un auteur du temps, « man-
geait son pain sec en se cachant sous son manteau au jardin
du Luxembourg », n'était guère en situation de posséder la
plus ordinaire des collections.

Puis il ajoute : « Je m'asseure que par l'observation des
manières et par la différence des coloris vous connaîtrez faci-
lement que je ne parle pas d'une matière que j'ignore : que
ma passion n'a pas esté aveugle et que j'ay bien sceu qu'il faut
connaître pour aimer. »

Voyons de suite comment il tient ces belles promesses.
Voici d'abord la description d'un tableau représentant une
nature morte, des Poissons, de la main de Senèdre :

Non, non, ne crois pas qu'un pinceau
Ait formé les objets dont ton âme est ravie :
Si ces poissons avaient de l'eau,
Tu verrais bien qu'ils sont en vie.

Que vous semble de ce quatrain qui fait songer à M. de
la Palisse !

Mais ce n'est rien encore. Prenons seulement les huit
derniers vers que Scudéry a consacrés à une gravure de
Silvestre représentant le Profil de la ville de Poissy.

Que ce pont est rustique et beau !
Que le graveur eut d'adresse,
D'en bastir un autre en l'eau,
Malgré sa délicatesse i
Car ainsi qu'en un miroir
Cette image vagabonde
Fait que notre œil en peut voir
L'un en l'air et l'autre en l'onde.

Remarquons que Scudéry « ne parle pas d'une matière
qu'il ignore ! » Cela se voit de reste. Quelle finesse de goût !

Mais citons encore quatre vers entre les cinquante-six
dans lesquels il décrit la Mort de Sénèque, « de la main du
Brun » :

Sa teste d'un côté nonchalamment panchée,
Et sa bouche entre-ouverte en ce triste moment,
Font voir que de ses jours la trame est retranchée,
Ou qu'il n'a plus qu'à faire un soupir seulement.

Il semble d'ailleurs, quoi qu'en ait dit Chapelain, que le
succès de cette versification si médiocre ne fut pas aussi com-
plet que l'espérait Scudéry. En effet il avait écrit dans sa
préface : « Enfin, lecteur, en achevant ce volume je me suis
satisfait et j'ay tasché de te satisfaire : si j'apprends que je
sois arrivé à ma fin je n'en demeurerai pas là. » Or il ne publia
pas la seconde partie de ce merveilleux cabinet dont le pre-
mier volume ne comprend que les peintures. C'est un in-quarto
relié en parchemin; il porte à sa première page les mentions
suivantes : Le Cabinet de M. de Scudéry, gouverneur de
Notre-Dame de la Garde, à Paris, che^ Augustin Courbe,
libraire et imprimeur de Monseigneur le duc d'Orléans, dans
la petite salle du Palais, à la Palme. La date est 1646.

A la première page, aussi bien qu'au recueil du Cavalier
Marin, une planche assez bien gravée représente trois per-
sonnages en costume du temps qui visitent une galerie. L'un
d'eux, sur la gauche, examine un buste de femme, tandis que,
sur la droite, un seigneur et une noble dame sont arrêtés
devant un guéridon qui supporte une aiguière et une statuette.

Les peintures décrites sont du Carrache, du Parmesan, de
Jules Romain, de Raphaël (le Déluge, la Mort d'Adonis), du
Corrège, du Poussin, du Titien, de Rubens, du Guerchin, du
Tintoret, d'Albert Durer, de Cimabuée, etc., etc.... Puis la
collection de portraits est considérable. Elle comprend toute
la société de l'hôtel de Rambouillet.

1. M. de Puybusque.

2. M. Le Fèvre-Deumier.
 
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