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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Yriarte, Charles: Lettres de Milan, [3]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0236

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208

L'ART.

plus dans l'ensemble, c'est le Rédempteur, demi-nature,
bronze vénitien du xv° siècle, d'une superbe patine, avec son
piédestal qui porte la griffe de saint Marc. Une vasque arabe
et quelques beaux bassins vénitiens et nombre de beaux
fragments antiques méritent aussi qu'on s'y arrête.

Les Meubles sont catalogués sous trente-quatre numéros
dans lesquels on a compris des meubles modernes dont nous
avons admiré l'exécution sans toujours en approuver l'esprit.
Quelques beaux cassoni du xvi° siècle, un damier en noyer
ayant appartenu à Barnabo Visconti, avec trente pions sculptés
représentant des figures du temps, des fauteuils ronflants, des
consoles tarabiscotées, des cabinets italiens de tous types, un
cadre tout à fait hors ligne du Brustolone, et un prie-Dieu
d'Andréa Fantoni (xvn° siècle), tellement fouillé et fourni de
figures qu'il fait penser aux sculptures des Chinois ivres
d'opium : tels sont les objets les plus dignes de retenir
le visiteur.

Poldi Pezzoli devait avoir un goût particulier pour la
céramique, mais, soit tendance personnelle, soit hasard des
rencontres, il a plutôt sacrifié à la porcelaine qu'à la maiolica,
dont l'intérêt est supérieur parce qu'elle reflète mieux l'esprit
d'un temps. Nous nous attendions à trouver là des Gubbio,
des Pesaro, des Urbino des bons siècles, et nous avons
surtout admiré du Japon, du Sèvres, du Saxe, du Vienne, du
Vincennes et du Capodimonte. Cependant, dans l'ensemble, qui
se compte souvent par vitrines et non plus par numéros, nous
pouvons signaler quelques beaux spécimens des îles de Rhodes
et des vases à reflets métalliques, à côté des Wedgwood qui
nous touchent moins, et des Buen Retiro que nous admirons
surtout à cause de la nuance qu'ils représentent dans l'histoire
de la céramique française transplantée en Espagne par nos
Bourbons.

On a réuni au catalogue dans la même catégorie l'Orfèvrerie
et les émaux qui comprennent cent soixante-neuf numéros,
dont soixante-neuf s'appliquent aux bijoux antiques. En dehors
de cette série spéciale, les dernières époques de l'art sont le
mieux représentées ; il y a cependant aussi quelques œuvres
intéressantes du xiv°, du xvu et du xvi° siècle : il est entendu
que nous ne signalons jamais que ce qui sort du banal et
pourrait soutenir la comparaison avec les pièces des grandes
collections. Parmi ces dernières nous citerons le collier d'or
de l'époque dite en Italie greco-sicula, enrichi de cinq pendo-
loques exquises (n° 23); un collier vénitien en filigranes
enrichis d'émaux; un baiser de paix orné de nielles, pièce
tout à fait rare ; une coupe de tournoi exceptionnelle ; une
croix d'argent doré qu'on a attribuée au Verocchio en la
comparant au devant d'autel de San Giovanni; enfin de nom-
breux émaux du xvi° siècle, italiens et limousins, mais parmi
lesquels il n'y a rien de tout à fait hors ligne. Il faut signaler
aussi une série de bagues et anneaux de tous temps et de
toutes régions, appréciables quelquefois par la monture et
souvent, au contraire, par les pierres qui les ornent.

La catégorie du Verre est restreinte mais très choisie.
Ce n'est pas le cas de compter pièce par pièce, mais bien
par vitrine; il faut signaler parmi vingt-cinq beaux spécimens
antiques variés, coupes, fioles, patères, amphores, lacrymatoires.
dont quelques-uns sont émaillés, une amphore couleur d'ambre
(n° i), décorée d'émaux bleu céleste avec une anse émaillée
en forme de masque tragique, admirable petit objet trouvé en
Sardaigne. Murano est naturellement le mieux représenté chez
Poldi Pezzoli; un certain nombre de pièces, parmi les cent
cinquante qui figurent dans les vitrines, sont richement
montées en argent ou en bronze doré. Nous avons remarqué
au milieu des pièces vénitiennes quelques-unes qui nous
semblent dues à l'industrie de Bohême.

La Terre cuite figure comme série au catalogue ; elle n'est
cependant représentée que par un beau Lucas : l'Archange
Gabriel, en plein relief à plusieurs couleurs, et par une série

d'objets romains ou étrusques ou siculo-grecs, trouvés çà et là
dans les tombes et qui ne dépassent pas les dimensions des
rythons et lampes si communs en Campanie et dans l'Étrurie.

Les Marbres (quatorze numéros) sont presque tous
modernes et dus à la libéralité des père et mère de Poldi
Pezzoli, qui probablement ont connu et protégé les Bartolini,
les Vela et les Bandini. Il y a là cinq marbres de Bartolini qui,
en son temps, jouit d'une grande réputation à Florence et
semblait continuer la tradition de Canova. Notre époque, qui
marquera dans la sculpture, reste assez froide en face de ces
compositions correctes qui font penser à l'Empire. Entre toutes
ces œuvres, il faut s'arrêter devant la composition intitulée :
la Foi en Dieu, commandée par donna Rosa Poldi Pezzoli,
mère du donataire, à Lorenzo Bartolini qui l'a exécutée
en 1835. Une inscription touchante, dictée par la fille des
Trivulzio l'année même de l'achèvement de l'œuvre, en faisait
pour Poldi Pezzoli un cher souvenir : « Lorenzo Bartolini a
fait cette œuvre pour moi, Rose Trivulzio, veuve Poldi, depuis
que j'ai mis ma seule foi en Dieu, protecteur et consolateur
unique de ceux qui l'invoquent. — 1835 ».

Il me resterait, avant d'aborder la série Armes et armures,
à signaler une autre série dite Miscellanea, dans laquelle on a
fait rentrer tous ces menus objets mal définis comme genre et
comme usage, objets de main, objets de fantaisie, qui ne sont
ni émaux, ni sculptures, précieux souvent comme matière, ou
qui, étant uniques ou à peu près, ne constituent pas une série:
tels sont les coquilles montées en argent, les écailles ornées,
les coffrets, cires, miniatures montées, etc.

De tout temps, YArmeria de Poldi Pezzoli avait été
célèbre à Milan, où l'on apprécie les armes en raison d'une
longue tradition d'illustration parmi les ouvriers et artistes du
fer et du bronze. En ceci, il est certain que Poldi Pezzoli avait
le goût sûr et la connaissance précise. On a lieu de s'étonner
pourtant qu'une foule d'objets hors ligne de fabrique milanaise,
achetés depuis trente ans à Milan même ou dans la région par
des amateurs, aient pu lui échapper. Il a acheté longtemps,
avec suite et avec goût, mais jamais il n'a soutenu la concur-
rence avec ces grands amateurs qui font de lourds sacrifices
pour enlever au feu des enchères ou de gré à gré une de ces
pièces hors ligne qui deviennent l'honneur d'une collection ;
et, somme toute, l'ensemble de cette belle Armeria n'égale
peut-être pas comme dépense totale le prix de trois ou quatre
objets achetés dans ces dix dernières années par les Adolphe,
les Gustave et les Alphonse de Rothschild ou les Wallace. Et
ceci est certainement tout à l'honneur de la sagacité de Poldi
Pezzoli. En somme, là, l'intérêt est réparti sur tout, et si l'on
ne peut citer ni une rondache digne d'un Benvenuto ou d'un
Gaspero Mola, l'amateur trouve un intérêt particulier dans
presque toutes lés pièces de vitrine ; car si elles n'offrent ni
richesse de métal, ni travail précieux, elles se recommandent
par la forme même, la provenance ou la particularité d'école
qu'elles représentent.

Le tout est disposé dans une salle unique de style
gothique, dont l'ornementation est due à un décorateur
habile, le Peroni. Des stucs du Grazioli décorent la voûte, et
des'vitraux de Pompeo Bertini tamisent la lumière qui éclaire
Y Armeria.

Le parti pris est excellent, toutes les armes et armures qui
n'ont qu'un caractère décoratif et ne présentent pas de par-
ticularités au point de vue de la forme et de l'histoire, et
dont, par conséquent, on connaît beaucoup d'analogues, sont
réunies en trophées appliqués à la muraille. Tout autour, sur
la corniche, formant une frise qui règne dans toute la salle,
cent soixante salades, casques, motions, bourguignottes et
pichetti sont simplement posés sur la saillie, rompus de dis-
tance en distance par neuf armures complètes de guerre et
des étendards turcs provenant des dépouilles de Venise. Il n'y
a pas grande particularité à signaler parmi ces pièces, mais
 
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