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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Bonnaffé, Edmond: Les amateurs de l'ancienne France: le surintendant Foucquet
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0248

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L'ART.

soy-mesme ». Le grippé des verres et le grippé des pierreries vantent leur prédilection, chacun à
sa manière. Il y a encore le grippé des fleurs, le grippé du Petun, le tabac « qu'on appelle
l'herbe à la Reyne », le grippé des poules et des pigeons.

Et la liste est loin d'être complète; notre chansonnier anonyme ne parle ni des estampes, ni
des pierres gravées, ni des armes, ni des chinoiseries, etc.

En 1648, à la veille de la Fronde, quatre-vingt-dix villes en France sont déjà pourvues
d'un ou de plusieurs amateurs 1 ; Paris compte cinquante cabinets curieux à une époque où Rome
n'en possède que huit2 et Londres cinq3. La curiosité pénètre dans toutes les classes et dans
tous les mondes ; c'est un terrain neutre où les ducs de Richelieu, de la Vrillière, de Créqui, de
Liancourt, de Verneuil, de Grammont, font concurrence au banquier Jabach, au médecin Delorme
et au brodeur Henry. Le curieux est homme de cour avec Bussy-Rabutin et Beringhem, apothi-
caire avec Nodin et Catelan, homme d'église avec La Noue, de Marolles, Claude Maugis,
Séguin, Feydeau, l'abbé de Louvois. Il est orfèvre, magistrat, horloger, avocat, diplomate, bour-
geois, artiste, prince du sang comme Gaston d'Orléans, poète comme Scudéry et pâtissier comme
Tribou, qui collectionne « les tableaux, les armes des Indes, les couteaux de Turquie et de
Perse'' ».

La finance à son tour se jette dans le mouvement avec son cortège de partisans, de gens
d'affaires et de fermiers. Tous ces parvenus faisaient alors grand tapage, renversant les vieux
hôtels parisiens pour bâtir leurs nouveaux palais, détruisant des villages et comblant des vallées
pour installer leurs châteaux, leurs parcs et leurs pièces d'eau5. Du jour où la curiosité devint
un luxe, ce fut à qui aurait les tableaux des plus grands maîtres, les cabinets les plus rares, les
bibliothèques les mieux pourvues6, les galeries les mieux décorées. La Basinière, trésorier de
l'épargne, protège Le Brun ; d'Hervart, que l'amitié de La Fontaine a rendu célèbre, patronne
Mignart ; Guénégaud réunit à son château de Fresnes une remarquable collection de tableaux ;
de Chambré, trésorier des guerres, grand amateur de musique et de peinture, fait illustrer par
Le Sueur, Abraham Bosse et Nanteuil, les compositions musicales de son ami Denis Gaultier.
On cite les livres et les estampes de Querver, receveur général des finances, les tableaux de
Mauroy, les médailles de Charron et de Basin de Limeville, intéressé dans les fermes. Les
financiers de province rivalisent avec leurs confrères parisiens : à Lyon, à Aix, à Rouen, à
Bordeaux, de Pianelle, Sibon, Bigot, de Boisgarnier forment des recueils célèbres de tableaux,
de livres, d'antiques, de monnaies, de manuscrits.

L'heure était venue pour Foucquet d'entrer en scène.

(La suite prochainement.)

Poquelin, qui faisait un grand commerce de points et de glaces de Venise. C'est lui, dit Savary (Dictionnaire), «qui trouva le moyen d'attirer
des ouvriers vénitiens qui vinrent à Paris, où, après quelque temps, les ouvriers français qui travaillèrent d'abord sous eux, se perfection-
nèrent de telle manière que les glaces soufflées de France devinrent infiniment plus belles que celles de Venise. » En i665, Poquelin obtint,
avec Nicolas du Noyer, le privilège pour l'établissement de la première manufacture de glaces qui fut installée à Tourlaville, près de
Cherbourg.

1. J'ai réuni une liste de 1,000 noms environ d'amateurs français au xvn" siècle ; cette liste sera pufeliée prochainement.

2. Sans compter les galeries de tableaux et de sculptures.

3. Les collections fameuses de Charles 1", de lord Arundel, du duc de Buckingham, le cabinet de John Baçgrave, et celui des frères
Tradcscant. Ce dernier fut légué à Élie Ashmol et donné par lui à l'Université d'Oxford en i683. Voir à ce sujet un excellent travail de
M. Nesbitt dans la Qitarterly Revieip, oct. 1880.

4. J. Spon, Antiquités de la ville de Lyon, iC>j3. Evelyn écrit dans son Journal en 1632 : « Ici (à Paris) tout personnage de rang, qui
se bâtit une maison, se croit obligé, quelles que soient d'ailleurs ses prétentions intellectuelles, d'avoir son cabinet et sa bibliothèque. »

5. Sauvai, III, 5i.

6. Voire même des bibliothèques pour la montre, ne contenant que des dos de volumes. Sauvai, I, 18, et II, 353.

Est-il une grippe plus belle
Que d'avoir poules et pigeons
Qui soient à la mode nouvelle?

Edmond Bonnaffé.
 
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