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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Leroi, Paul: L' Exposition de Lille, [1]
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L'EXPOSITIO

N DE LILLE.

femmes si elles n'avaient de ces charmantes inconséquences —
et il connaissait trop bien de quelle puissance est leur aide,
pour ne pas tenir par-dessus tout à leur plaire. La riche
collection lilloise doit plus d'une œuvre de choix à des inter-
ventions féminines que Reynart sut faire naître en se tenant
habilement plus ou moins dans la coulisse.

Sans son action pendant tant d'années dominante,
jamais son plus actif, son plus infatigable lieutenant, son
si digne successeur, ce vaillant mais infiniment trop modeste
Auguste Herlin n'eût remporté aujourd'hui l'éclatant succès
auquel il se dérobe, fort à tort au gré de tous ceux qui depuis
longtemps ont su l'apprécier et ont chaque jour appris à
l'estimer, à l'aimer davantage.

Reynart did pave the way, comme disent si bien les
Anglais.

III

Ayant eu l'honneur de vivre dans l'intimité d'Edouard
Reynart et de compter au nombre de ses plus sincères amis,
je me suis attaché à tracer de lui un portrait, dont l'unique
mérite est d'être strictement vrai.

Le pinceau et le ciseau l'ont au contraire, l'un et l'autre,
trahi au Musée de Lille. On l'y voit peint par M. Carolus
Duran avec des airs épais de bourgeois considérable qu'il n'eut
jamais, et M. Crauk, beaucoup mieux inspiré pour son buste
de M. Brasseur a taillé dans le marbre un Reynart en robe
de chambre, dont la tenue fait involontairement songer à la
chanson de Béranger,— à Babet, au lait de poule et au bonnet
de nuit. Reynart ne conversa jamais avec Babet; Babet man-
quait de race. Au lait de poule il eut l'esprit de préférer, en tout
temps, un verre d'Ay ou de Sillery mousseux; cela ne pétillait-il
pas comme toute sa personne ? Et nul ne fut moins bonnet de
nuit, ni ne connut moins le bonnet de nuit.

Si Reynart avait parfaite conscience de sa valeur et
n'oubliait guère le quia nominor leo, sans y apporter la moindre
vantardise, mais avec la légitime fierté d'avoir fait œuvre
durable, Auguste Herlin, son bras droit, son intime par excel-
lence, son continuateur-né, Herlin qui depuis quarante ans se
dévoue avec un désintéressement absolu, à cette même œuvre,
Herlin dont le labeur a toujours été incessant et continue à
l'être, Herlin qui s'y est sacrifié tout entier, pratique l'efface-
ment jusqu'aux extrêmes limites de l'impossible; cela en serait
irritant, si sa modestie n'était égalée par son extrême sincé-
rité.

Heureusement doué, fort instruit, esprit très fin, très
délicat, des plus ingénieux, artiste plein de talent, et d'un
talent tout à fait distingué, connaisseur sérieux et d'un goût
sûr, nature bienveillante au possible, il a tout ce qu'il faut
pour briller au premier rang, mais quelque fée maudite est
intervenue à sa naissance en décidant qu'il s'ignorerait lui-même.
Il était né modeste, elle le fit modestissime. Ce mal-là, il eût pu
le conjurer en quittant, quelque dix ou vingt ans, la province
pour Paris, et il ne la quitta pas. C'est grand dommage. Il eût
ensuite bien plus puissamment aidé à la décentralisation artis-
tique.

IV

Un simple exemple suffit à démontrer l'action essentielle-
ment différente, mais également féconde, des deux hommes,
l'un complétant l'autre.

Reynart savait et de reste que le Jeu et la Folie d'Haydée2,
ces chefs-d'œuvre de M. Charles-Louis Muller, de l'Institut,
ont les affinités les plus intimes avec le papier peint. Il n'en
eût certes pas voulu chez lui, mais il leur laissait au Musée les

1. Ce buste fait pendant a celui de Reynart au Musée de Lille.

2. N" 377 et .I76 du Musée de Lille.

Tome XXVI.

honneurs de la cimaise, parce que cette peinture-là avait le
malheur d'être très populaire, qu'on la copiait plus que toute-
autre, et que la première chose à ses yeux fut toujours de voir
la collection lilloise très fréquentée. C'était un argument favori
qu'il employait sans cesse avec succès quand il lui fallait obte-
nir quelque chose de l'État, de la Mairie ou des gens du monde
à qui il prouvait à tout propos que les Beaux-Arts sont bon
genre; il les amenait à acheter de la peinture ou à en faire
don dans la crainte de paraître mauvais genre. C'est ainsi qu'il
créait des amateurs qui ont fini par s'y connaître, tout comme
bien d'autres.

Herlin, lui, avant tout artiste jusqu'au bout des ongles, était
horripilé ni petto par les deux susdites merveilles académiques;
aussi s'empressa-t-il, dès le premier remaniement qui se pro-
duisit à la suite de son entrée en fonctions, de les transporter
de la cimaise vers des sphères plus élevées. Il a bien fait.
Revnart, tout en ayant ses préférences et très nettes, s'était
appliqué à exciter le goût de la peinture quelle qu'elle fût;
lui s'est chargé d'épurer ce goût. C'est dans cette excellente
voie que son action s'est particulièrement affirmée en organi-
sant l'exposition actuelle.

V

Il y a un règlement à cette exposition, règlement approuvé
par le maire en date du 3 r janvier 1881. Herlin — j'ai dit qu'il a
beaucoup d'esprit — comprit qu'il était surtout fait pour être
violé; il y allait du succès de l'entreprise.

En vertu du Salus patriœ suprema lex, Reynart aurait
passé outre, tambour battant, toutes les fois que la réussite en
eût dépendu à ses yeux; il n'aurait songé à ses collègues que
pour recevoir leurs remerciements en présence du fait accompli
et de ses heureux résultats. Notre doux persévérant n'a pas
mené les choses de la sorte. Cela ne rentre en aucune façon
dans son tempérament; mais, tout en ne suivant pas la même
méthode, il a su atteindre au même but; il a recouru, sans
avoir l'air d'y toucher, tout tranquillement, le plus pacifique-
ment du monde, à la stratégie des mouvements tournants, et
je ne voudrais pas jurer que ses collègues ne demeurent per-
suadés que ce sont eux et non lui, qui ont manœuvré avec
cette calme habileté. Il doit le leur avoir prouvé, ne fût-ce que
pour se reléguer volontairement, une fois de plus, à l'arrière-
plan.

Quoi qu'il en soit, l'article 3, qui ne permettait pas aux
artistes d'envoyer plus de deux ouvrages du même genre, passa
à l'état de lettre morte toutes les fois qu'il parut faire obs-
tacle à l'éclat de l'exposition, et il en fut de même du dernier
paragraphe de l'article ier qui n'admettait que les œuvres des
artistes vivants ou décédés depuis un an. Herlin tourna la
difficulté par la plus heureuse, par la plus délicate des inspi-
rations : au haut de l'escalier qui conduit aux galeries supé-
rieures, s'ouvre une salle qui domine toute l'exposition; cette
salle il l'a transformée en une glorieuse tribune d'honneur
d'où les vivants du rez-de-chaussée semblent présidés par
Delacroix, Rousseau, Paul Huet, Millet, Corot, Diaz, Leys,
Daubigny, Raffet, Henri Regnault, Jules Lafranee, etc.

Herlin s'est peint tout entier dans cette idée-là.

Ce n'est pas tout : comme l'article 18 et dernier a de
l'élasticité — ne stipule-t-il pas que 0 la Commission se réserve
d'introduire au règlement les modifications de détail qui
seraient de nature à augmenter le succès de l'Exposition? » —
Herlin en conclut logiquement qu'il était indispensable de
supprimer le détail en trois paragraphes qui constituait tout
l'article 5. La ville prend à sa charge — article 6, — les frais
d'expédition, aller et retour, des œuvres des artistes invités
par lettre à exposer, mais les autres devaient livrer leurs

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