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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Courajod, Louis: Jean Warin: ses œuvres de sculpture et le buste de Louis XIII du Musée de Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0330

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290 L'ART.

de leur pays, après s'être enquis dans un musée du prix d'un objet et du nom de son auteur,
n'arrêtent leur sublime attention que sur les pièces qui en sont dignes par la haute situation
qu'elles ont conquise dans l'opinion publique. Ils laissent les anonymes à la loupe de la science;
ils ne veulent que des œuvres des maîtres ; ils demandent bruyamment qu'on expulse des collections
nationales tous les travaux sans aveu, tout ce qui ne porte pas un nom bien sonore, bien coté
sur le marché, un nom connu des guides et des domestiques de place, une grosse étiquette enfin,
bien pesamment affirmative. Le bon billet qu'ont tous ces La Châtre dans la déclaration d un
rédacteur de catalogue dont le savoir n'a pas, peut-être, plus de répondants que la vertu de
Ninon ! C'est ainsi, pour ne citer que quelques exemples, qu'une peinture est sortie croûte du
Louvre pour y rentrer baptisée par un savant, avec toute certitude, du nom de Raphaël, après

avoir été payée 5g francs en vente publique devant
les premiers connaisseurs de Paris 1 et à la barbe
de tout un bataillon d'hommes de goût. C'est ainsi
qu'un des plus célèbres tableaux de Jean Van Eyck,
aujourd'hui l'honneur de la galerie nationale de
Londres, après avoir été longtemps conservé dans
des collections princières, avait fini, au commence-
ment de ce siècle, par se trouver chez un bourgeois
de Bruxelles qui en ignorait la valeur2. Parlerai-je
des nombreuses copies révérées clans les musées de
l'Europe comme œuvres originales, quand les œuvres
originales elles-mêmes sont ou ont été oubliées,
dédaignées et même aliénées ? Parlerai-je des falsi-
fications absolument modernes qui usurpent quel-
quefois la place des ouvrages anciens, exposés
pendant quelque temps, puis déchus dans l'opinion
et peu à peu relégués dans les magasins en atten-
dant une proscription plus rigoureuse encore ? Des
pièces remarquables peuvent narguer pendant de
longues années la perspicacité des amateurs sans
exciter le moindre tressaillement nerveux dans le
troupeau qui défile chaque jour devant elles. La
cohue ne s'arrête que devant les grosses enseignes
et ne s'enthousiasme qu'à bon escient après rensei-
gnements pris auprès du banquier qui fait les cours.
Aux ventes, elle ne s'ébranle qu'après l'excitation
et l'encouragement d'une première enchère ; dans
une collection, elle n'accorde ses hommages qu'après
avoir réclamé caution et s'être fait donner des garanties. Aujourd'hui la haute curiosité est presque
exclusivement dans la main de grands industriels qui, abandonnant leur traditionnel négoce de
brocanteurs pour le métier plus lucratif d'amateurs, lui appliquent les règles ordinaires de la
banque et toutes les prescriptions du commerce de l'argent. 11 faut à un objet d'art des protec-
tions de famille, la recommandation d'un nom illustre, de véritables lettres de noblesse ou, si
l'on veut, un capital de notoriété, pour se maintenir à un certain rang, je ne dis pas seulement
dans l'estime des ignorants, mais même clans les galeries d'un musée public. Il importe donc
de diminuer autant que possible le nombre des œuvres considérées à tort comme roturières
ou d'une insuffisante solvabilité, et injustement méprisées parce qu'elles sont sans nom ou qu'elles

1. Voyez Notice des tableaux exposés dans les galeries du Musée national du Louvre, par Frédéric Villot, i" partie. Paris, 1874, p. 2?4,
n° 378 bis.

2. Crowe et Cavalcaselle, les Anciens Peintres flamands, édit. fr., p. 64. — F. Reiset, Une Visite à la National Gallery en 187Ô,
2* partie. Paris, 1878, p. 7.

Louis X I 1 J ,
par Jean Warin. (Musée du Louvre.)
Dessin de Ch. Kreutzberger.
 
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