Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

DOI Artikel:
Chasrel, T.: Les Musées de Berlin: discours de M. Mommsen
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0023

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LES MUSEES DE BERLIN

DISCOURS DE M. MOMMSEN

axs sa séance du 16 mars la Chambre des députés
| du Landtag prussien a voté la résolution suivante for-
emulé par MM. Mommsen, Lasker et Wehrenpfennig :

« La Chambre des députés,

« Considérant qu'une réforme de l'organisation des musées
royaux paraît de tous points nécessaire afin de mettre un terme
aux défectuosités d'un système aussi compliqué que le système
actuel ;

« Considérant en outre que les propositions de la Commission
du budget ne sont pas suffisantes pour amener une réforme sé-
rieuse, la Chambre émet le vœu que le gouvernement introduise
dans l'administration des musées des changements dans le sens
d'une simplification et de la décentralisation. »

Voici dans quelles circonstances la résolution a été proposée
et adoptée.

La Chambre "discutait le budget de l'intérieur, chapitre
Arts et Sciences, comprenant des crédits s'élevant au total de
2,438,230 mark (soit 3,047,782 fr. 50) et notamment les allo-
cations suivantes :

Traitements............. 156,000 mark.

Employés, huissiers, secrétaires, etc. . . . 56,614
Fonds pour l'entretien des collections et les

achats.............. 448,375

Entretien des bâtiments et jardins des musées 56,620

Frais divers............. 215,783

La Commission du budget demandait au gouvernement de
répartir entre les différents musées et selon les sections des som-
mes suffisantes destinées à enrichir les collections. Ces sommes
eussent été mises à la libre disposition des directeurs de chaque
section et employées sous leur responsabilité. En outre un fonds
de réserve plus considérable eût été mis à la disposition d'un
Comité composé de tous les chefs de section délibérant sous la
présidence d'un directeur général. La Commission demandait en
outre qu'il fût pourvu dans le plus bref délai aux places de di-
recteurs vacantes ou occupées seulement par des fonctionnaires
nommés ad intérim ou à titre provisoire.

C'est sur la proposition de la Commission du budget que
s'est engagé le débat.

Appuyée par les uns, critiquée par les autres, la proposition
de la Commission du budget a été surtout vivement combattue
par M. Mommsen, l'éminent historien, archéologue et épigraphiste,
le célèbre auteur de VHistoire romaine^ qui a prononcé le dis-
cours suivant :

Messieurs,

« C'est un devoir pour moi de ne pas garder le silence sur
le sujet soumis en ce moment à vos délibérations. D'abord je
partage les sentiments exprimés il y a un moment à cette tribune
par plusieurs de mes collègues. Ensuite mes fonctions me mettent
à môme, je puis le dire en toute conscience, d'examiner de près
la situation, de connaître les abus sans ignorer les difficultés qu'il
faut surmonter pour les réformer.

« Il m'est difficile, messieurs, de remplir ce devoir sans blesser
certaines personnes avec lesquelles pourtant je suis lié par de
longs rapports d'amitié, et dont le nom figure avec honneur dans
les annales de la Prusse. Je m'acquitterai cependant de ma tâche.

« Il est pourtant une considération qui m'a fait hésiter à inter-

venir dans le débat. C'est que la situation où se trouvent nos
musées royaux est à tel point déplorable, que l'on a lieu de se
demander s'il est utile de prendre sur ce sujet la parole ou s'il ne
vaudrait pas mieux ne rien dire (Ecoutej! Ecoutei.') car que l'on
parle ou qu'on se taise, cela revient au même, quelque sincérité
qu'on y mette et si justes que paraissent les observations que l'on
peut faire. Mais qu'importe, je veux essayer. Je sais en effet que
vous, messieurs, et le gouvernement, vous portez un vif intérêt à
ces institutions ; et vous croyez avec moi que sur ce terrain où
la véritable civilisation (cultur) est en jeu, le Culturkampf doit un
moment cesser C'est sous l'empire de cette conviction que je
m'adresse à vous.

« Le premier point sur lequel je veux appeler votre attention
est celui-ci : il est incontestable que les critiques que nous for-
mulons s'adressent à deux sortes d'abus : ceux qui sont inhérents
à nos institutions mêmes, et ceux qui proviennent du personnel.
Je n'insiste pas sur ceux-ci : ce n'est ici ni le lieu, ni le moment...
Je m'attacherai seulement au premier point. A ce propos, vous
me permettrez de vous rappeler en quelques traits généraux le
système actuel d'administration de notre département des Beaux-
Arts et des Sciences, et je vous demanderai ensuite s'il est pos-
sible qu'avec ce système on arrive à des résultats autres que ceux
auxquels nous avons abouti.

« Vous êtes tous d'accord avec moi pour penser que tout le
poids de l'administration retombe en somme sur le directeur de
chaque subdivision; c'est pourquoi nous ne disons pas le Musée,
mais les Musées royaux, parce que les collections réunies sous
une seule dénomination sont en réalité des établissements séparés,
ayant chacun son but distinct, sa vie propre, pour ainsi dire, et
s'adressant chacun à un public distinct de savants. Les directeurs
de chacun de ces instituts devraient avant tout avoir une position
qui leur permît d'agir librement à tous égards, et de consacrer
toute leur activité au but élevé des arts et de la science. Est-ce
là, messieurs, ce que nous voyons ? Il n'y a pas bien longtemps
encore, c'était une chose très-rare qu'un directeur de Musée qui
ne fût pas en même temps professeur de quelque Université ou
dans une école supérieure. Aujourd'hui c'est encore à peu près
la même chose. Les exemples de ces cumuls malheureux d'em-
plois sont encore très-nombreux, et cependant ce sont là des
emplois sérieux qui demandent toute l'activité d'un homme, fût-il
des plus actifs, et l'empêchent de se consacrer avec fruit à celui
pour lequel il a été nommé. C'est ne pas avoir de carrière que
d'en avoir deux ou trois. (Très-bien !) Et c'est là malheureuse-
ment le cas dans nos départements les plus importants.

« Messieurs, pendant de longues années il nous a fallu jouer
en Prusse un rôle prodigieusement difficile et infiniment délicat,
c'est-à-dire nous évertuer à paraître une grande puissance quand
nous ne l'étions pas encore. Il nous fallait le cadre d'une grande
puissance. Et tous ces chefs de sections, qui étaient en même
temps professeurs, aidaient à le remplir. Il n'en fallait pas davan-
tage alors. Mais aujourd'hui que nous avons au budget un fonds
spécial qui peut compter, maintenant que nous pouvons avoir
des Musées non plus seulement in abstracto, mais de vrais
Musées pour lesquels on fasse des achats, cette situation ne peut
plus durer. A quoi sert de mettre des fonds à la disposition de
ces directeurs divisionnaires ? Vous leur accordez une somme
importante afin qu'ils puissent avant tout voyager pour enri-
chir leur Musée, et ils ne le peuvent pas. Un directeur de
Musée doit être constamment en route et à l'étranger, là où il

1. On sait qu'en Allemagne -le Culturkampf, littéralement, le « combat de la civilisation », désigne spécialement la lutte du parti libéral national contre les
tendances ultramontaines et de l'État contre l'Église catholique. L'orateur joue sur le double sens du mot Cultur.
 
Annotationen