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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Champier, Victor: George Sand, critique d'art
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Lettres romaines
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0321

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284 L'A

maine?... » Le lendemain tout le Paris artiste avait lu l'article
si ingénieux, si fin de George S and dans lequel elle disait, par-
lant de Léonard de Vinci : 0 II n'était pas très-modeste. Ce
n'était pas la mode en ce temps-là pour les grands artistes. »

L'influence de Gustave Planche, quoique très-réelle et appré-
ciable, fut courte. L'esprit chagrin, l'humeur noire du critique
ne convenaient point au caractère bienveillant, au goût facile de
l'auteur de Mauprat. George Sand, en fait d'art, n'aimait guère
les systèmes et prenait son plaisir un peu partout, ne regardant
dans les choses que ce qu'elle y trouvait d'agréable. Son esthé-
tique tout entière pourrait se résumer dans cette phrase : « Il
n'y a qu'une vérité dans l'art, le beau. » Elle avait parfois des
discussions avec Planche et défendait contre ses anathèmes cer-
taines œuvres qui ne lui semblaient pas mériter absolument le
dédain, quoique inférieures par de certains côtés.

Delacroix, on peut l'affirmer, fut le grand maître de George
Sand; cet illustre artiste exerça sur son goût une autorité toute-
puissante. Il la voyait souvent, dînait fréquemment chez elle, où
il se rencontrait avec Chopin qu'il aimait on peut dire tendre-
ment; il donnait aussi des leçons et des conseils à M. Maurice
Sand, et la mère, comme le fils, profitaient des paroles du grand
peintre. A-t-on oublié cet étincelant feuilleton publié en 1871
dans le Temps, par George Sand, dans lequel elle raconte une
conversation de Delacroix avec elle sur la Stràtonice que M. Ingres
venait d'achever? N'était-ce pas un critique d'art, et un des plus
fins et des mieux excercés et des plus instruits, la femme qui savait
ainsi tenir tête à l'un des maîtres de la peinture, qui pouvait
exposer avec cette lucidité et cette force la théorie des reflets des
couleurs? A-t-on oublié?... Mais,que l'on s'en souvienne ou non,
qu'on nous permette de reproduire quelques passages de ce mer-
veilleux feuilleton, celui, par exemple, où George Sand fait par la
bouche de Delacroix la critique du tableau d'Ingres. Les belles
choses ne sauraient être trop relues. ,

« Avez-vous remarqué, est censé dire le maître, avez-vous
remarqué que, dans la Stràtonice. il y a un luxe de coloration
très-ingénieux, très-cherché, très-chatoyant, qui ne produit pas
le moindre effet de couleur? Il y a un pavé de mosaïque d'une
exactitude à désespérer un professeur de perspective. Du premier
plan au dernier, il y a peut-être mille petits losanges d'une exac-
titude rigoureuse quant à la fuite des lignes. Ça n'empêche pas ce
pavé-là de se tenir tout droit comme un mur. Ça reluit comme un
miroir. On s'y regarderait pour faire sa barbe, mais on n'oserait
jamais marcher dessus, à moins d'être une mouche. Avec tant
soit peu de vraie couleur, son pavé fuirait et il n'aurait pas eu
besoin de ce millier de petites lignes. Pourtant il a essayé d'y
jeter des lumières, mais ce sont encore des lumières découpées à
la règle et au compas, on sent qu'elles sont fixées là pour l'éter-
nité et que le soleil de M. Ingres ne changera jamais de place
par rapport à la terre. N'importe! il a mis du soleil là où il en
faut rigoureusement, et je suis sûr qu'il est content. Il croit que
la lumière est faite pour embellir, il ne sait pas qu'avant tout elle
est faite pour animer. Il a étudié avec une précision très-délicate
les plus petits effets de jour sur les marbres, les dorures, les
étoffes, il n'a oublié qu'une chose, les reflets. Ah! bien oui, les
reflets! Il n'a jamais entendu parler de ça. Il ne se doute pas que
tout est reflet dans la nature et que toute la couleur est un échange

RT.

de reflets. Il a semé sur tous les objets qu'il a fait poser devant
lui des petits compartiments de soleil qu'on dirait saisis au daguer-
réotype, et il n'y a ni soleil, ni lumière, ni air dans tout cela. Le
lit d'Antiochus rentre dans le mur, le malade y est incrusté. Il
se débat en vain par un mouvement très-joli pour cacher sa rou-
geur. Ce n'est pas Stràtonice qui le force à se tortiller, c'est la
souffrance de se trouver cloué à la ruelle de son lit. Les person-
nages du second plan éprouvent la même torture et font des
efforts inouïs pour s'arracher de ces parois collantes. Rien ne se
détache, par conséquent rien n'existe dans ce tableau charmant
d'une niaiserie bizarre. Oh! je sais bien, moi, ce qu'il s'est dit!
Il s'est dit : Je veux faire une œuvre irréprochable, je ne veux
pas seulement qu'elle enseigne et démontre, je veux qu'elle plaise,
je vas y fourrer de la couleur, oh ! mais de la couleur, en veux-tu,
en voilà! Je vas épater mes adversaires, ils n'auront plus rien à
dire maintenant, ils seront aplatis de toutes les façons. Arrivez,
mes élèves, et regardez bien, je vas vous montrer ce que c'est
que la couleur! Et le voilà qui s'est mis à flanquer des tons sur
son sujet, après coup, comme on met de la non-pareille sur un
gâteau bien cuit. Il a mis du rouge sur un manteau, du lilas sur
un coussin, du vert par ici, du bleu par là : un rouge éclatant,
un lilas d'une exquise fraîcheur, un vert printanier, un bleu
céleste. Il a le goût de l'ajustement et la science du costume. Il
a mêlé à ses cheveux, à ses étoffes, des bandelettes, des bordures,
mille coquetteries d'ornementation très-amusantes, mais qui n'amè-
nent rien du tout dans la production de la couleur. Les tons
livides et ternes d'un vieux mur de Rembrandt sont bien autre-
ment riches que cette prodigalité de tons éclatants plaqués sur
des objets qu'il ne viendra jamais à bout de relier les uns aux
autres par leurs reflets nécessaires, et qui restent crus, isolés,
froids, criards. Remarquez que le criard est toujours froid... »

Et cela continue ainsi pendant douze colonnes, avec cet entrain,
avec cette sûreté de main, cette magistrale verve, cette précision
de mots s'ajustant à une pensée qui sait sa mesure. Après Dela-
croix, c'est George Sand elle-même qui prend la parole, et de
quelle souveraine façon !

« Il y a, dit-elle, dans la couleur des mystères insondables,
des tons produits par relation, qui n'ont pas de nom et qui n'exis-
tent sur aucune palette. A ces effets qui se pénètrent mutuelle-
ment, il n'y a pas de limites absolues et de leurs mystérieux
hyménées naissent sans cesse des combinaisons qui peuvent s'accu-
muler sans s'épaissir. Il n'y a pas de noir dans la nature, il n'y a
pas de parties mortes dans la peinture. Tout corps en contact
avec un autre corps donne et reçoit l'éclair de la couleur. Le plus
éclairé domine l'autre, mais jamais jusqu'à paralyser son effet.
C'est le secret de la transparence des ombres, c'est aussi le secret
du relief des objets, que les ingristes ignorent absolument. »

Pour ceux qui jusqu'à présent auraient ignoré le talent de
George Sand comme critique d'art, de telles citations ne suffi-
sent-elles pas pour prouver jusqu'à quel point cette femme
extraordinaire avait étudié de près la nature et quel juge sagace
les artistes pouvaient trouver en elle ? Nous n'ajouterons rien à
ces remarques. Que font des phrases devant des indifférents? Le
silence convient aux grands deuils.

Victor Champier.

LETTRES ROMAINES

{Correspondance particulière de l'Art.)

M. La Volpe, le doyen d'âge des peintres napolitains, vient
de mourir. Nous avans parlé des deux marines intéressantes qu'il
avait envoyées cette année à l'Exposition de la place du Peuple,
à Rome. Il avait quatre-vingt-six ans.

Rome, 12 juin-

— On n'ignore pas que l'Espagne a, comme la France, son
Académie des Beaux-Arts à Rome. Cette Académie, qui a son siège
au palais d'Espagne, et qui compte treize élèves, expose chaque
année, comme celle de France, les envois de ses pensionnaires.
 
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