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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Vosmaer, Carel: Un mot à propos de Rembrandt
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0200

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UN MOT

A PROPOS DE REMBRANDT

.ans la Revue des Deux Mondes du ier mars 1876, M. Eugène Fromentin
a consacré une étude savante et extrêmement intéressante aux Gardes
civiques de Banking Cock1, peints par Rembrandt. Plusieurs critiques de
M. Fromentin sont fondées, sinon absolument, du moins sous quelques
réserves ; elles méritent toutes qu'on y réfléchisse mûrement. Je de-
mande cependant la permission de formuler ici quelques objections
sommaires, en rappelant le chapitre que j'ai consacré à ce tableau dans
ma Vie de Rembrandt, dont tine édition revue et augmentée va paraître
chez M. Martinus Nijhoff à La Haye. « Le tableau, dit M. Fromentin, n'a
aucun charme; presque toujours il a commencé par déplaire. »

C'est l'effet ordinaire d'une œuvre d'art exceptionnelle, de beaucoup de tableaux d'un rang supé-
rieur. Raphaël ne satisfait pas toujours le premier venu, ni au premier coup d'œil. Souvent même des
artistes consommés, le voyant pour la première fois, ont dit : n'est-ce que cela ? Pour goûter Shakes-
peare, il faut le comprendre, et le comprendre ne s'obtient qu'à force de se pénétrer peu à peu de ses
œuvres. L'art égyptienne charme pas du premier coup; quand on y pénètre, il vous subjugue.

Ce tableau de Rembrandt perd tout ce qu'il a d'abord d'incompréhensible, dès qu'on l'aborde
naïvement. Qu'on laisse les idées préconçues. C'est tout simplement une compagnie de gardes civi-
ques allant au tir ; la jeune hlle, motif purement pittoresque choisi par Rembrandt, porte le coq destiné
au tir; la lumière est la lueur j)oétique familière à Rembrandt, son soleil à lui.

Les gestes me paraissent admirablement rendus, non pas par des lignes et des contours à dessin
exact, mais par le jet, le mouvement, la vie, manière ordinaire de Rembrandt. « Quelques tètes sont
belles, » dit M. Fromentin. J'en vois une foule, et presque toutes intéressantes et individuelles. « La
taille de la jeune fille est celle d'une poupée. » C'est la coupe usitée pour les jeunes personnes. Com-
parez la jeune fille de Beresteyn par Hais ; c'est la même coupe de robe longue que portaient les
enfants comme les personnes âgées.

M. Fromentin insiste sur un point capital, la qualité de Rembrandt comme coloriste. « Une loi,
dit-il, est commune (à tous les coloristes), c'est la parenté de l'ombre et de la lumière et l'identité du
ton local à travers tous les incidents de la lumière. » Or « un coloriste est un peintre qui sait conserver
aux couleurs de sa gamme leur principe, leur propriété..., dans l'ombre, dans la demi-teinte, et
jusque dans la lumière la plus vive. » — On ne peut mieux dire, mais, c'est qu'à mon avis Rembrandt
justement n'est pas un peintre coloriste, dans le sens strict du terme. Jamais, ou presque jamais il n'a
conservé les couleurs locales justes; toujours il les a rompues et les a fait se pénétrer les unes les
autres. 11 peint dans une dominante, dans certain ton selon le besoin et selon sa fantaisie. Il n'est pas
coloriste, il est clair-obscuriste, ou mieux encore, — si l'on veut permettre le mot : — toniste ou tona-
liste. Chez les peintres qui peignent comme cela, voyant et sentant comme cela, tous les
objets perdent leurs couleurs locales, qui rentrent sous la domination d'un ton voulu. Ce ton correspond

au sentiment dont il dépend. Les paysages de Rembrandt en offrent des exemples frappants. Là toute
*

la nature échange ses couleurs pour les teintes d'un certain ton. Ce système, cette manière de sentir
et de faire peuvent être facilement expliqués par l'exemple inoins compliqué de la grisaille. Ainsi que la
grisaille traduit les choses au moyen de couleurs grises, brunes, rousses, ainsi Rembrandt fait en
quelque sorte des grisailles un peu plus coloriées. La Bénédiction de Jacob à Cassel, la peinture allégo-

1. Qu'on appelle à tort la Ronde de nuit.
 
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