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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Chronique française
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Chronique de l'hôtel Drouot
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0275

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240 L'A

par la nièce d'Arouet qui la donna avant même son achèvement à
l'Académie, laquelle l'accepta avec reconnaissance ; dans l'inter-
valle, un sot mariage, à soixante-dix ans passés, avecun monsieur
Duvivier dit Toupet, ayant éloigné delà maison de Mme Denis les
gens de lettres et les philosophes, la dame s'en vengea en reprenant
le cadeau qu'elle avait fait à l'illustre corps pour le donner à la
Comédie française. Mais dans la maison de Molière, Préville ne
voulut pas laisser ainsi occuper la première place par Voltaire et
l'on relégua le chef-d'œuvre de Houdon au garde-meuble. Récla-
mation de Mme Denis ; plaintes du public ; il fallut un ordre
supérieur pour forcer les Comédiens à mettre le Voltaire assis
à un endroit convenable. Quant à l'Académie elle eut bientôt
pour se dédommager le Molière assis de Caffieri, aujourd'hui
relégué dans un endroit obscur du palais Mazarin.

— Une autre histoire de théâtre, moins importante, mais
écrite avec un sentiment littéraire plus délicat, est celle du
théâtre de Saint-Cyr, par M. Achille Taphanel. Le couvent
fondé par Mme de Maintenon eut, ma foi, une véritable scène
dramatique avec un orchestre, un amphithéâtre^ un magasin de
décors, des acteurs consciencieux, un répertoire complet qui

RT.

comptait deux chefs-d'œuvre, Esther et Athalie. C'était, à la
cour, une guerre d'intrigues pour obtenir la faveur d'assister à
ces représentations données par les jeunes protégées de Mn,e de
Maintenon. Aussi pendant quelque temps les spectacles eurent
un grand éclat. Tous les décors et les costumes étaient peints ou
dessinés par Bérain, artiste fort habile et très-estimé encore
aujourd'hui ; Louis XIV avait donné les pierreries dont il s'était
paré dans sa jeunesse, alors que lui aussi montait sur les théâtres.
Quand on vendit, sous la Révolution, le matériel de cette petite
scène, on trouva encore parmi les divers accessoires qui avaient
servi pour la représentation à'Athalie « le pectoral du grand
prêtre » qu'avait porté la jeune actrice chargée de ce rôle masculin.

Le livre de M. Achille Taphanel est accompagné d'un plan
du théâtre de Saint-Cyr et d'un portrait inédit de Mme de Mainte-
non. C'est une eau-forte de M. Ch. Waltner, d'après une minia-
ture à la gouache de la fin du xvir siècle, ayant appartenu à
Louis XIV et représentant la fondatrice de Saint-Cyr dans le
costume connu du tableau de Mignard. Ce médaillon est actuel-
lement en la possession de M. de la Rivière ; le graveur en a
très-habilement rendu la finesse.

CHRONIQUE DE L'HOTEL DROUOT

En dehors de deux collections hollandaises dont nous parle-
rons prochainement en publiant la fin de la vente Schneider, il
n'y a à signaler que quelques enchères isolées — encore sont-
elles en très-petit nombre, — qui tranchent par leur importance
sur la monotonie quotidienne des adjudications ordinaires. Nous
aurons soin d'indiquer tout ce qui peut être d'un réel intérêt
pour les collectionneurs, les curieux et les artistes. Aujourd'hui
que l'espace nous est plus que jamais mesuré, nous nous borne-
rons à mentionner une véritable mystification qui a indigné tous
ceux qui ont étudié l'école anglaise et apprécient la haute valeur
de ses maîtres.

Le 20 avril il a été procédé à la vente de Tableaux anciens
et modernes, et de tableaux de l'Ecole anglaise provenant de la
collection E. G... (Commissaire-priseur : Me Escribe; Expert :
M. Haro). Qu'on soit parvenu à tromper l'honorable officier
ministériel sur l'authenticité de toiles audacieusement données
aux plus grands paysagistes de l'Ecole, cela n'a rien de surpre-
nant, il n'est nullement tenu à connaître ces glorieux artistes et
leur œuvre, mais qu'un expert quelconque ait pu s'y laisser
prendre ; qu'il ne se soit pas dit que jamais on ne lui eût envoyé
de Londres des œuvres originales qui s'y seraient vendues à
très-haut prix ; qu'il ait au contraire tellement admiré ces pitoya-
bles copies qu'il se soit empressé de publier en leur honneur un
catalogue illustré d'eaux-fortes — au moins aussi mauvaises,
il est vrai, que les tableaux1, — voilà qui est à peine croyable,
et cependant il y a plus fort encore que tout cela ! Ne s'est-il pas
trouvé un journal d'art pour publier gravement les prix déri-
soires qui eussent dû suffire à lui révéler, à défaut de savoir,
qu'il avait affaire à de faux Constable, à de faux Crome, à de
faux Turner ! Comment aussi ce passage grotesque de la préface

du catalogue — car il y avait une préface à pareil catalogue, et
signée de l'expert, s'il vous plaît ! — comment ce passage, qui
tient de la plus haute fantaisie, n'a-t-il pas dès la première phrase

— une phrase à encadrer, — ouvert les yeux au journaliste si
peu clairvoyant qu'il fût : « Le sens du Water-Colour inné
chez les Anglais se conserve presque intégralement dans leurs
tableaux à l'huile; aussi, est-ce toujours une nouveauté que de
voir réunis un certain nombre de tableaux de cette école que
nous connaissons si peu, bien qu'elle ait eu une influence consi-
dérable sur les paysagistes modernes. » M. de la Palisse applau-
dirait des deux mains. Lui aussi a toujours été d'avis que ce que
l'on connaît peu a toujours Pair d'une nouveauté. Seulement il
est douteux qu'il ait été de force à découvrir que les tableaux à
l'huile de Constable, d'Old Crome, de Nasmyth, de Turner,
conservent presque intégralement le sens de l'aquarelle'! Il n'est
pas un critique d'un peu de valeur qui ne sache et n'ait signalé
l'enthousiasme inspiré à Géricault par l'Ecole anglaise — voir sa
célèbre lettre à Horace Vernet, — l'influence décisive exercée
sur Géricault, sur Eugène Delacroix, par leur séjour en Angle-
terre, la sensation profonde produite par l'apparition de tableaux
de Constable au Salon de Paris, Constable le peintre à la pra-
tique robuste, l'illustre initiateur des grands paysagistes français
qui tous ont salué en lui un précurseur. .Et c'est en présence de
faits aussi publiquement établis qu'on vient en l'an de grâce 1876

— en plein Paris, — imprimer que les toiles d'un pareil maître
font songer à des aquarelles ! Les Géricault, les Delacroix, les
Paul Huet, les Théodore Rousseau, les Jules Dupré, les Diaz,
les Daubigny protesteraient indignés de tant d'ignorance, s'ils ne
préféraient — et, avec raison, — se contenter de hausser les
épaules.

1, Nous ne cesserons de protester contre les aquafortistes qui oublient ce qu'ils doivent à eux-mêmes et au public, en signant des planches aussi informes;
plusieurs d'entre eux compromettent de la sorte un talent incontesté et qui nous est des plus sympathiques.

Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.
 
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