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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Chronique française
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Chronique étrangère
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CHRONIQUE

ne tarissait pas sur son compte, et, comme il était le sujet de toutes
les conversations et que cela devenait fastidieux, certains maîtres
de maison avaient pris l'énergique parti de mettre sur des écri-
teaux, dans leur salon : 77 est défendu de parler de M. Courbet.
Le peintre lui-même a raconté qu'un banquier bien connu, don-
nant à dîner, avait déposé à la place de chaque convive un billet
sur lequel on avait écrit : On est prié de ne pas parler de
M. Courbet.

Le jour où le compatriote de Proudhonse vit refuser l'entrée
du Salon par le jury, l'indignation le saisit. Il résolut, lui aussi,
d'organiser, comme vient de le faire M. Manet, son exposition
particulière. Il fit mieux les choses, pourtant. On se rappelle
peut-être qu'il fît construire à ses frais sur un terrain de location,
avenue Montaigne un bâtiment quasi adossé au palais des Beaux-
Arts, — imperium in imperio. — dont la porte était surmontée
de cette enseigne :

LE RÉALISME
G. Courbet
Exhibition de 40 tableaux de son œuvre
Prix d'entrée : 1 franc.

En tête du catalogue de son exhibition, Courbet avait mis
cette profession de foi :

« Le titre de réaliste m'a été imposé comme on a imposé aux
hommes de 1830 le titre de romantiques. Les titres, en aucun
temps, n'ont donné une juste idée des choses; s'il en était autre-
ment, les œuvres seraient superflues.

» Sans m'expliquer sur la justesse plus ou moins grande
d'une qualification que nul, il faut l'espérer, n'est tenu de bien
comprendre, je me bornerai à quelques mots de développement
pour couper court aux malentendus.

« J'ai étudié, en dehors de tout esprit de système et sans
parti-pris, Fart des anciens et l'art des modernes. Je n'ai pas
plus voulu imiter les uns que copier les autres ; ma pensée n'a
pas été davantage d'arriver au but oiseux de l'art pour l'art.
Non ! j'ai voulu tout simplement puiser dans l'entière connais-
sance de la tradition le sentiment raisonné et indépendant de ma
propre individualité.

« Savoir pour pouvoir, telle fut ma pensée. Etre à même de
traduire les mœurs, les idées, l'aspect de mon époque, selon
mon appréciation, être non-seulement un peintre, mais encore un
homme ; en un mot, faire de l'art vivant, tel est mon but. »

Le succès ne répondit pas, je crois, à son attente, au point
de vue pécuniaire, mais il fut grand auprès des amateurs. Entre
autres tableaux bizarres il y avait son fameux Intérieur de mon
atelier. Courbet s'était représenté lui-même au milieu de son
atelier occupé à peindre avec tous les attributs qu'il avait pu
imaginer. Derrière lui une femme nue personnifiant le modèle
vivant ; un monsieur et une dame figuraient les gens du monde
qui étaient censés lui rendre visite ; dans un coin, son ami

ÉTRANGÈRE. 143

M. Champfleury, plus loin Charles Baudelaire avec un livre ; au
fond des amoureux s'embrassant, ce qui signifiait : vive l'amour
libre. Sombrero, plumes noires et poignard roulant dans la
poussière, rien n'était oublié pour symboliser la poésie roman-
tique. Enfin une tête de mort posée comme un serre-papier
sur le Journal des Débats déplié; c'était sans doute une
manière de réponse de la part de Courbet aux articles peu sym-
pathiques de cette feuille, ou bien la traduction libre de cette
phrase de Proudhon : « Les journaux sont les cimetières des
idées. »

Nous voilà loin maintenant de M. Manet, ou plutôt de son
exhibition. Je n'y vois pour ma part aucun mal. Espérons que
le courageux artiste consentira un jour à dessiner aussi bien
qu'il sait sans doute le faire. Pourquoi non ) Son Coup de pis-
tolet n'est-il pas depuis assez longtemps tiré ? Ah ! les coups de
pistolet, qui écrira leur histoire ! N'ont-ils pas de nos jours, en
peinture, un rôle aussi important qu'au théâtre et ne pourrait-on
pas écrire un bien curieux article sur leurs bizarres conséquences
ici et là !

— Le dixième et dernier volume de l'Histoire de la Peinture
flamande, par M. Alfred Michiels, vient de paraître à la librairie
Lacroix. Les amateurs et critiques attendaient avec impatience
la conclusion de ce grand ouvrage, qui a dissipé tant d'erreurs,
élucidé tant de questions, rectifié des biographies entières,
expliqué les diverses phases d'une école célèbre et remis en
honneur une foule de talents tombés dans l'oubli. Le tome de
600 pages, que nous annonçons, suffirait, à lui seul, pour le
prouver. Il achève de faire connaître les artistes flamands qu
ont cherché un asile en France, pendant la ruine de leur patrie, et
ont fini par s'y naturaliser, comme la famille Van Loo. Puis nous
trouvons une étude approfondie sur l'école française en Belgique ;
Simon Vouet, Lebrun, Lesueur, Mignard ont eu, dans les Pays-
Bas, de fidèles imitateurs durant deux siècles. Ce phénomène
extraordinaire méritait bien les sept chapitres que M. Michiels
lui a consacrés. Enfin nous arrivons aux peintres de la décadence,
aux hommes fourvoyés qui ont rempli tout le xvm0 siècle,
et l'image de ce déclin progressif ne laisse pas d'avoir son intérêt,
comme ses enseignements. L'ouvrage se termine par le récit des
efforts tentés pour rendre à la peinture flamande la vigueur et
l'originalité qu'elle avait perdues, efforts couronnés de succès
depuis 1830. Le livre de M. Michiels est donc complet main-
tenant, et chacun pourra se familiariser sans peine avec l'en-
semble et les détails d'une école puissante, qui a précédé toutes
les autres, inventé la peinture à l'huile et fondé l'art moderne.

— Notre collaborateur, M. Soldi, vient de faire paraître en
volume les articles sur la sculpture égyptienne dont les lecteurs de
Y Art ont eu la primeur ; il a mis dans son livre les mêmes illus-
trations que notre revue avait publiées, ce qui ajoute au texte en
clarté et permet de suivre plus aisément l'auteur dans ces savantes
recherches.

On comprendra que nous ne puissions pas faire ici l'éloge
d'un ouvrage qui a paru dans ce recueil. Cependant il doit
nous être permis de féliciter notre collaborateur du succès que
le public éclairé a fait à son livre et de nous en réjouir.

CHRONIQUE

Angleterre. — La. National Gallery de Londres possède un
grand nombre de dessins de Turner, qui font partie de son legs,
et qu'on ne peut voir que par autorisation spéciale. M. Ruskin
se flatte d'avoir dressé un artiste à copier ces dessins avec une
exactitude tellement rigoureuse, qu'on les prendrait pour les
originaux et que, pour ne pas induire le public en erreur, il est
obligé d'y apposer sa signature à côté de celle du copiste. Tout
le monde ne partage par l'opinion du célèbre critique. D'après le
Times, dont l'appréciation est reproduite par le Builder qui s'y

ÉTRANGÈRE

4 mai 1876.

rallie, ces prétendus fac-similé diffèrent sensiblement des origi-
naux. Le copiste n'a saisi que partiellement la manière de Turner,
il ne s'est pas approprié le sentiment et l'inspiration de l'illustre
maître, et en général les copies sont faibles.

— Sir Charles Dilke, M. P., présentera le9 mai, à la Chambre
des Communes, une proposition ayant pour objet une adresse à
la Reine, afin qu'il lui plaise : i° communiquer au Parlement un
exemplaire du rapport de M. Edouard Charton au ministre de
l'Instruction publique sur la direction des Beaux-Arts en France;
 
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