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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Bonnaffé, Edmond: Sur la contrefaçon
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0044

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SUR LA CONTREFAÇON. 29

sont de bonne maison, êtes-vous sûr que des parvenus ne se faufilent pas dans ce monde de gentils-
hommes? On cite les noms des acquéreurs, ils ont fait leurs preuves et s'y connaissent, ils savent
qu'en pareille matière la défiance est le commencement delà sagesse, soit; mais, hélas! s'y connaître,
cela suffit-il aujourd'hui ?

J'en causais avec un des juges les plus autorisés parmi les chercheurs d'estampes. Il a passé sa
vie à étudier les maîtres, les styles, les tailles, les monogrammes, les états. Il sait par cœur tout ce
répertoire hérissé de difficultés; il connaît à fond les variétés d'encre et leur substance, les provenances
et les filigranes du papier, le pourquoi et le parce que des estampes. Eh bien, cet expert entre tous
confessait que, sur deux pièces, ■— un original et sa reproduction faite avec soin sur vieux papier
par le procédé Amand-Durand, — il ne reconnaîtrait pas la copie du premier coup.

Du moins on y parvient à la longue. L'étalon existe au cabinet des estampes, on peut toujours y
recourir; au pis aller, la décomposition chimique de l'encre fera découvrir la contrefaçon. Mais le fer!
Vous ne pouvez pas casser un morceau d'épée ou de bouclier, pour le soumettre à l'analyse chimique.
D'ailleurs cette analyse ne vous apprendrait rien; |le fer du xvie siècle et celui duxix6 sont identiques,
les procédés de soudure, les outils sont les mêmes. Pour peu que la main soit habile et le modèle pris
sur un ancien dessin, au diable votre diagnostique et votre chimie!

Naguère il se fit un grand tapage dans la curiosité. Un de mes amis, — il n'aime pas qu'on lui
rappelle cette aventure, — avait vendu 4,000 francs une serrure du xve siècle, le phénix des serrures ;
et chacun se répétait que l'heureux acquéreur de cette merveille en refusait 40,000 francs, — ce qui
redoublait la mélancolie de mon ami. — Cette fois la pièce était d'une authenticité éclatante, elle avait
cet air honnête qui prévient tout d'abord et ses parchemins en règle, ce qui vaut encore mieux.
Mais jugez quelle plus-value pour la ferronnerie en général et quelle tentation pour les habiles ! on paya
des clefs en fer ciselé 700, 800, 1,000 francs la pièce, des couteaux, des fermoirs d'escarcelle 5 et
6,000 francs. A dater de ce jour, on en découvrit beaucoup, beaucoup trop. Une autre fois, je vous
donnerai l'adresse du fabricant ; à ce prix, il a une belle marge.

Par miracle, les bronzes italiens de la Renaissance avaient échappé à la contagion ; leur patine
inimitable les protégeait. On pouvait donc acheter de confiance les fontes à cire perdue, les profils
superbes de Victor Pisano et de Sperandio, et ces adorables plaquettes tirées sur les cires originales des
grands orfèvres de Florence et du Milanais. Quel triomphe de posséder ces petites merveilles sans
inquiétude du lendemain, de les admirer à cœur ouvert, de se livrer sans arrière-pensée comme
on fait entre honnêtes gens dont on est sûr ! n'est-ce point le bonheur suprême de l'amoureux ? Et
pendant que les maigres fourrageurs de la curiosité cherchaient péniblement leur vie parmi les ronces,
les épines et les pièges à loup, on vit des hommes privilégiés, retirés dans leur paradis de la
Renaissance italienne, suivre insolemment les sentiers faciles, cueillant à pleines mains les plaquettes
virginales et les médailles immaculées.

*

Mais, ô désespoir ! voici que l'ennemi s'est introduit dans la place ; des médailles frelatées ont
paru à l'horizon, elles se renouvellent dans des proportions inquiétantes. L'alarme fut grande au
paradis italien ; on s'émut, on chercha, on découvrit quoi ? un graveur, un numismate, un fondeur ?
Vous n'y êtes point. Un ancien danseur, retiré des affaires, avait rencontré, Dieu sait comment et
pourquoi, le secret des fontes et des patines anciennes ; fort honnête homme d'ailleurs, vendant ses
produits loyalement pour d'excellentes copies, l'innocent ! tandis que le marchand qui l'exploitait les
revendait pour des originaux. Et le plus triste de l'affaire, c'est que la contrefaçon bien réussie était
insaisissable : le retrait du métal ne suffit pas pour caractériser une épreuve moderne, puisqu'il existe
d'excellents surmoulages anciens, tirés sur les premières épreuves et présentant la même différence de
module.

La contrefaçon du bois n'est pas aussi commode; il y faut beaucoup d'art et de finesse. On ne
peut pas employer le surmoulage, et le temps, qui se contente d'attaquer l'épiderme du métal, pénètre
le bois et le dévore jusqu'à la moelle; le travail du ver a des effets.imprévus qui déroutent l'imi-
tateur. Mais quoi! la contrefaçon est fertile en ressources, elle sait faire des prodiges ; au besoin, elle
dresserait des vers savants pour fouiller le bois neuf à la demande.

Il y avait une fois, — je parle des temps préhistoriques de la curiosité, — un menuisier ingénieux
 
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