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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Burty, Philippe: Japonisme, [1]: les femmes de qualité
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0074

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58 L'ART.

ments épars en terminant par la tige et les branches. Appuyant sa brosse avec plus ou moins de force,
et mêlant ainsi la couleur qui en remplit l'extrémité avec plus ou moins d'eau contenue dans la partie
supérieure, elle parvient, d'une seule touche, à poser sur le papier deux ou trois nuances diverses. Elle
dessine et peint à la fois avec une facilité merveilleuse. A cette sûreté répond la sûreté de l'exécution.
En dix, cinq, trois minutes le croquis est fait, et certes, il est digne de figurer en écran dans le plus
élégant boudoir... »

Voilà l'artiste peintre pleine d'un aplomb naïf ; voici la musicienne nerveuse et sauvage :

« A un certain moment, nous vîmes se glisser dans la chambre et s'accroupir sur ses talons, en
nous tournant un peu le dos, une jeune femme qui ne pouvait être qu'une grande dame. C'était en
effet la belle-fille de Sawa, qu'avec peine sans doute on avait déterminée à se donner en spectacle
aux barbares. Elle jouait du même instrument que l'un des aveugles (d'un instrument rappelant le
zither styrien). Nous étions tous frappés de la force et de la limpidité de son toucher. Elle marquait
la mesure et dirigeait évidemment les autres musiciens. Le vieux Sawa était dans l'extase et ne se
lassait pas de faire l'éloge de la maestria de sa bru.

« Malheureusement nous n'avons pu admirer que son art et non sa beauté ; car, le morceau ter-
miné, elle s'éclipse sans daigner venir dans la salle à manger, ni se tourner une seule fois vers nous.
C'était cependant un gracieux spectacle que cette jeune femme gracieusement accroupie en face'des
quatre aveugles, avec sa robe de soie grise et sa ceinture écarlate, la tête légèrement inclinée sur son
instrument, laissant entrevoir les contours d'une joue bien dessinée et une jolie petite oreille, tandis
que ses mains, mignonnes et blanches, faisaient vibrer les cordes de son luth... »

Ce croquis rapide des hauts représentants d'une civilisation antique qui jette ses derniers feux
nous paraît précieux.

Voici encore un regard jeté sur les intérieurs riches que les modes européennes ont déjà modifiés
profondément :

« ... Les femmes des classes élevées, qui ne sortent presque jamais, passent des hevires avec des
joujoux. En ce moment, le jeu à la mode est loTo-sen-Kio, le jeu de l'éventail (To, frapper; sert, éven-
tail ; Kio, jeu).

« On pose sur la natte une petite boîte de bois léger, et sur cette boîte une figurine de jonc recou-
verte de soie et représentant un papillon (cho). Les joueurs, ordinairement des dames, accroupis à une
certaine distance, tirent et lancent à tour de rôle leur éventail, dont le manche doit enlever la figurine
sans enlever la boîte. Les pertes et gains se règlent d'après un tableau indiquant les différentes manières
d'atteindre le papillon. Ce sont les femmes du Mikado, dit-on, qui ont donné de la vogue à ce jeu. »

C'est là un jeu futile. Il dut naître des longues heures inoccupées dans la cour des Shiogouns ou dans
les palais de Yedo, que les daïmios étaient forcés d'habiter pendant plusieurs mois chaque année. A
l'ancienne cour des Mikados, les amusements étaient plus littéraires. On semait par exemple sur une
natte la seconde moitié des cent poésies des Cent po'étes, écrite sur de petits cartons. Quelqu'un lisait
la première moitié de Yuta, du distique, et le prix était pour l'assistant qui l'avait le plus vite complétée.

Ph. Burty.

Fac-similé d'un dessin de h. Somm, d'après un album japonais.
 
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