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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Bonnin, A.: L' éloquence des chiffres
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0134

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io8

L'ART.

admiration doit tenir compte pour rester dans une mesure raisonnable. Et l'on ne doit pas, en somme,
tresser pour le conteur qui nous distrait et nous charme, les mêmes couronnes que pour le poëte qui
élève notre pensée et l'entraîne, à la suite de son inspiration, jusque sur les sommets où réside l'idéal.

D'ailleurs nous ne faisons ici le procès de personne ; pas plus celui des maîtres en question, que
celui de leurs admirateurs trop passionnés. Nous avons seulement essayé de faire comprendre pour-
quoi certaines enchères récentes nous paraissent excessives ; et nous voulons surtout exprimer le regret
que de telles pluies d'or soient toujours réservées à des écoles mortes et ne viennent jamais arroser le
champ de l'art contemporain. Quelles splendides moissons ne feraient-elles pas éclore! — Avec la
somme jetée dans ces dernières ventes, avec les deux millions environ que ces vacations ont tiré du
portefeuille des collectionneurs, que l'on calcule ce qu'il eût été possible de faire produire aux artistes.
— Deux millions! Mais c'est plus d'argent que le Ministère des Beaux-Arts n'en peut employer en plu-
sieurs années! Et cependant, il décore les monuments publics, il entretient les musées de Paris et dote
ceux de province. — Deux millions! mais le musée du Luxembourg tout entier n'a pas coûté une pa-
reille somme! Et quel amateur pourrait se vanter d'une semblable galerie?

Nous le disions tout à l'heure, telle petite scène de mœurs a été payée autant que l'admirable pein-
ture du foyer de l'Opéra. L'amateur qui eût employé cette somme à faire exécuter quelque travail d'une
égale importance, n'eût-il pas mieux servi l'art et sa propre renommée? Son nom fût resté attaché à
la gloire de l'œuvre et eût été inscrit dans l'histoire de l'art, à côté de celui du peintre. Cet honneur
ne vaut-il pas la stérile vanité de la possession éphémère d'une toile d'un prix ruineux?

Nous espérons que l'on en viendra à reconnaître la justesse de ces observations. Mais pour cela
il faut que la connaissance et l'amour réel de l'art aient remplacé le goût de collectionner, qui n'est le
plus souvent inspiré que par le plaisir que l'on éprouve à faire étalage de richesse. Il faut que l'admi-
ration pour certaines œuvres ne soit plus dépendante du prix qu'elles ont été payées. — O collection-
neurs ! méditez l'ironie de cette légende tracée par le crayon d'un profond observateur de l'infirmité

humaine, de Gavarni : « Une rareté rarissime : un rosier noir, Mosieu..... noir! et qui me donne des

roses blanches!..... Mais ça me coûte cher!..... »

A. Bonnin.
 
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