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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Renaud, Victor: Salon de 1876: sculpture, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0156

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SALON DE 1876. 129

spécieux prétexte que MM. Dubois, Falguière ou Delaplanche sont de grands et habiles statuaires,
on lui imposait ces messieurs dans des premiers rôles de tragédie ou même de drame. Croyez-vous
que les admirateurs de l'art dramatique se croiraient obligés d'applaudir la mauvaise diction, les
manques de mémoire ou les ignorances scéniques de ces messieurs, uniquement parce que ces acteurs
de fantaisie seraient de grands statuaires? Je crois, moi, que le public, qui a le sens droit, se révolte-
rait et renverrait les sculpteurs à leurs plâtres et à leurs marbres. Peut-être se contenterait-il d'en
rire, et ce serait bien certainement le plus sage.

Mais au Salon la question me semble plus sérieuse, et les statuaires me font Feffet de prendre la
chose plus au tragique. S'il y a une exposition établie, c'est probablement pour aider au développe-
ment des beaux arts et pour contribuer le plus possible au progrès de la sculpture, en encourageant
les artistes qui la cultivent avec conscience et pour qui la statuaire n'est pas un simple passe-temps.

Croyez-vous qu'ils s'imposeraient volontiers des privations qui durent souvent de nombreuses
années, s'ils pouvaient prévoir qu'au moment de recueillir le prix d'un labeur obstiné, quand ils ont
fait à grands frais une œuvre de valeur, ils se verraient relégués dans quelque recoin obscur, pendant
que s'étaleraient aux meilleures places du palais de simples ébauches faites en manière de délasse-
ment par des artistes auxquels le travail indispensable pour mériter les succès éclatants qu'ils
obtiennent justement au théâtre ne laisse que peu de loisirs à consacrer à la sculpture.

Je pense, et beaucoup qui ne le diraient pas aussi brutalement le pensent comme moi, que, dans
une exposition de statuaire, les œuvres sérieuses devraient occuper les places les plus en vue, exac-
tement comme au théâtre les artistes dramatiques de la valeur de Mn° Sarah Bernhardt doivent jouer
les premiers rôles et être mises en vedette sur l'affiche.

Ce n'est pas à dire que je nie tout mérite à l'œuvre de MUo Sarah Bernhardt. La conception de
son groupe est loin d'être banale, et l'on y retrouve l'esprit si distingué et si fin qu'elle porte en toutes
choses, mais vraiment cette qualité est-elle suffisante pour expliquer le privilège que lui ont si géné-
reusement octroyé ceux qui ont la mission de placer les envois des artistes?

Si le public est curieux des productions nées d'un caprice de jolie femme, il les découvrira tou-
jours en quelque lieu qu'on les ait placées. Que, du moins, on laisse aux vrais sculpteurs l'air
et la lumière auxquels ils ont droit et qu'ils ont péniblement gagnés par un long et sérieux apprentis-
sage. Il ne suffit pas pour justifier les préférences accordées à des œuvres inférieures de dire que l'au-
teur n'en fait pas son état. Quand il s'agit de sculpture, il serait plus sage d'engager les amateurs à
ne pas perdre un temps précieux à un travail qui ne souffre pas le partage et les intermittences,
mais qui exige l'effort tout entier d'hommes rompus à ce dur métier.

Victor Renaud.

(La suite prochainement.)

Tome V.

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