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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Pougin, Arthur: Théatre de l'Opéra-comique: première représentation de Piccolino
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0166

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THÉÂTRE DE L1 O P É R A - CO M I QU E

PREMIERE REPRESENTATION DE PICCOLINO

Opéra-comique en trois actes.
paroles de victorien sardou et ch. nuitter, musique d'ernest guiraud

ortant delà torpeur dans laquelle l'avait plongé
une administration aussi infidèle à ses devoirs que
peu soucieuse de ses intérêts, l'Opéra-Comique
vient enfin d'offrir au public une œuvre nouvelle,
cec oiseau rare dont nous avions été si longtemps
privés. L'œuvre a nom Piccolino, et, sans être une merveille,
elle tiendra très-honorablement sa place dans un répertoire qui
avait singulièrement besoin de se rajeunir et de se rafraîchir.

Il y a près d'un siècle, un jeune écrivain publiait à Paris une
nouvelle touchante, faite pour les ■ âmes sensibles », et qui était
reçue du public avec la même faveur qui avait accueilli ses pré-
cédentes productions. La nouvelle en question était intitulée
Claudine, et son auteur, protégé de Voltaire et page du duc de
Penthièvre avant de devenir capitaine de dragons, s'appelait
M. le chevalier Claris de Florian.

Le récit de Florian jouit d'une vogue réelle, et le théâtre s'en
empara bientôt. Entre autres pièces auxquelles il donna naissance,
il faut citer Claudine ou le petit Commissionnaire, opéra-comi-
que en un acte, dont la musique était écrite par Bruni, et qui fut
représenté sur la scène de Feydeau le 6 mars 1794. Il y a quel-
que douze ans, M. Victorien Sardou, qui lit avec oxofit et qui
prend volontiers son bien où il le trouve, ne dédaigna pas la col-
laboration posthume de Florian, et tira de sa Claudine une sorte
de comédie-drame à laquelle il donna le titre plus savoureux et
plus étrange de Piccolino. Cette pièce, jouée au Gymnase, n'ob-
tint qu'un demi-succès, malgré le talent qu'y déployait Mlle Vic-
toria, chargée du rôle principal. Quelques années après, au mois

de l'Athénée, où son succès très-franc ne pouvait avoir d'expan-
sion. On attendait avec impatience M. Guiraud à son premier
grand ouvrage sur la scène de l'Opéra-Comique, et la critique,
aussi bien que le public, était désireuse de lui voir remporter un
franc succès.

L'œuvre, en somme, a été fort bien accueillie, et c'était jus-
tice, elle est saine et d'une bonne venue. On y sent que l'auteur,
respectueux de l'art et de lui-même, pourvu d'une instruction
solide et nourri aux bonnes traditions, possède en lui l'étoffe d'un
véritable compositeur dramatique. Evitant les deux écueils qui
offrent tant de dangers à nos jeunes musiciens, il ne prostitue pas
sa muse dans les eaux malsaines de l'opérette, et, d'autre part,
n'étant ni un abstracteur de quintessence ni un chercheur de
midi â quatorze heures, il n'offre aucun point de contact avec
certains rêveurs mystiques dont les idées absurdes présentent
justement l'antithèse des qualités nécessaires au théâtre.

Symphoniste, M. Guiraud l'est assurément, et il l'a prouvé en
plus d'un endroit de sa partition; harmoniste, il ne l'est pas
moins, et il est telles modulations, telles successions inattendues
d'accords, telles recherches piquantes qui le prouveraient aux
plus experts. Mais il n'a pas jugé utile de faire à tout propos —
et hors de propos — étalage d'une science prétentieuse, et, écri-
vant pour le théâtre, il a cru avec raison qu'il n'était pas obligé
d'étouffer les voix sous l'orchestre, que chaque élément pouvait
avoir sa part, et que son premier souci devait être de respecter
la vérité dramatique et de profiter des situations que lui offraient
ses collaborateurs. En un mot, M. Guiraud a prouvé, par la

de janvier 1869, le nom de Piccolino passait de l'affiche du Gym- , vérité de la déclamation, par la couleur et le mouvement répan-

nase sur celle du Théâtre-Italien. Par les soins de M. Achille de
Lauzières, l'ouvrage, en effet, s'était transformé en un opéra ita-
lien dont une grande dame amateur, Mme la vicomtesse de Grand-

dus dans son œuvre, par le soin avec lequel il a marqué et saisi
tous les contrastes, qu'il a le sens des exigences et des besoins
de la scène, et qu'il est un musicien dramatique vraiment digne

val, avait tracé la partition. On sait quel est, en général, le sort de ce nom.

des œuvres inédites sur notre scène italienne, qui ne sont pas ici Ce qui manque le plus dans la partition de Piccolino, c'est,

dans leur centre : on les joue cinq ou six fois, et il n'en est plus
jamais question. Ainsi fut-il de cette nouvelle incarnation de
Piccolino, en dépit de la présence de MUe Krauss, qui cette fois
personnifiait l'héroïne, et y prodiguait ses plus admirables qua-
lités.

Mais on sait que M. Sardou excelle, sinon dans l'intérêt de
l'art, au moins dans l'intérêt de ses droits d'auteur, à tirer d'un
même sac les moutures les plus diverses et les plus multipliées.
S'adjoignant cette fois M. Charles Nuitter, un de nos librettistes
les plus expérimentés, il reprit de nouveau sa pièce en sous-
œuvre et en tira le livret d'un opéra-comique en trois actes, qu'il
offrit au théâtre qui avait joué Claudine quatre-vingts ans aupa-
ravant. On ne dira pas, je l'espère, que Florian aura été inutile
à M. Sardou !

La pièce faite, — c'est-à-dire refaite, — on la confia à M. Er-
nest Guiraud pour la mettre en musique. M. Guiraud est un des
artistes de la jeune.école française sur lesquels, et avec raison,
on fonde le plus d'espoir. Fils d'un prix de Rome et prix de
Rome lui-même (il est le seul parmi nos musiciens qui offre cet
exemple singulier), il s'est fait connaître avantageusement, d'abord
par quelques compositions symphoniques, entre autres une excel-
lente suite d'orchestre qui a obtenu le plus grand succès aux Con-
certs populaires, ensuite par plusieurs opéras-comiques : Sylvie,
En prison, le Kobold, et surtout Madame Turlupin, ouvrage char-
mant qui eut le malheur d'être joué dans cette salle enguignonnée

au point de vue général, la richesse de l'idée musicale, la spon-
tanéité et la générosité de l'inspiration. Je n'y ai pas retrouvé,
pour ma part, cette fraîcheur, cette jeunesse d'imagination qui
m'avaient frappé dans Madame Turlupin, et je n'y saurais signa-
ler une de ces idées chaudes, nerveuses, pénétrantes, dont le
charme et la nouveauté font passer sur une salle entière comme
une sorte de frisson voluptueux. Cette réflexion faite, je consta-
terai le très-grand talent déployé par le musicien, et j'énumére-
rai les bonnes pages de l'œuvre. C'est d'abord, après l'ouverture
un peu languissante , toute l'introduction du premier acte, qui
forme un tableau charmant, varié, d'une couleur aimable et d'un
caractère intime tout à fait approprié au sujet; peut-être est-ce
là l'épisode le plus parfait et le mieux réussi de la partition. La
scène de la Noël est bien venue aussi, très-franche de ton, et il
faut encore citer un très-bel àrioso de baryton : Ne suis-je pas
votre pasteur?... supérieurement dit par M. Ismaël, qui en a très-
bien mis en relief la belle déclamation, l'accent paternel et le noble
caractère.

Le second acte, qui se distingue par son allure pittoresque,
vivante et mouvementée, contient plusieurs morceaux réussis :
le chœur des mendiants; la sérénade de Musaraigne : Parais à
ta fenêtre, dont l'effet est à la fois comique et distingué; les cou-
plets en si bémol, c'est la brune, dont la coupe et le dessin sont
très-élégants ; la jolie chanson de Piccolino : Sorrente, sur la
grive, avec son rhythme si obstiné ; le duo du portrait; enfin, un

Tome V. ii
 
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