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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Renaud, Victor: Salon de 1876: sculpture, [4]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0222

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i88

L'ART.

pendant le long temps employé à l'exécution de ces statues, pour n'être pas tenté de lui pardonner ses
erreurs, et je sais trop aussi combien il est loin de ce qu'il aurait voulu faire pour croire un seul
instant qu'il ait atteint son but et pour oser louer son travail. Je me contenterai donc, connaissant le
fond de sa pensée, de dire ce qu'il aurait voulu faire, ce qu'il a tenté. Des juges moins intéressés et
plus autorisés donneront peut-être des avis plus goûtés du public.

M. Guitton a fait un groupe représentant la Justice protégeant l'Innocence contre le Crime. Il aurait
voulu, dans la figure de la Justice, par une absence complète de mouvement, un calme parfait, expri-
mer comment elle rend ses arrêts ; son but était de bien marquer l'impartialité sur son visage droit et
austère, tandis que l'Innocence, dans un mouvement abandonné, aurait fait comprendre, par son élan,
la confiance qu'elle met dans cette Justice qui .devrait être la règle unique et constante de tous les juge-
ments, de tous les actes de l'humanité.

Le criminel, au contraire, devrait être sous le coup de cette épouvante, de ces remords qu'il com-
mence à concevoir, et dont la menace sera peut-être pour lui un avertissement profitable. Les
muscles, qui avaient été tendus dans un mouvement de colère ou de passion violente, devraient être
revenus à une plus calme attitude, et il aurait fallu faire comprendre que l'arme qui est restée dans sa
main est devenue inoffensive, la pensée du crime ayant cédé devant la manifestation de la Justice.

Peut-être un autre artiste aurait-il donné à la tête du criminel un aspect plus accentué, plus
méchant, plus terrible, pour faire une opposition plus sentie avec les autres figures. M. Guitton a pensé
que, pour arriver à cet effet, il aurait fallu faire grimacer la tête, et il considère comme une règle sans
exception, que, dans aucun cas, il ne faut donner à une œuvre sculpturale une expression trop violente.
II pense que si cette violence, cette grande et trop forte expression surprennent et frappent au premier
moment le spectateur, après quelques instants une réaction se fait en lui, et ce qui l'avait ému d'abord lui
cause une réelle fatigue. On ne saurait supporter longtemps la vue d'un mouvement violent saisi préci-
sément dans un moment de paroxysme impossible à soutenir et dont le spectacle n'est tolérable que
pendant peu de temps.

M. Guitton a-t-il rendu les idées qu'il voulait exprimer, ce n'est pas à moi d'en juger. Tout ce
que je puis affirmer, c'est qu'il amis à ce travail tout le soin et toute la conscience dontil est capable.

Une autre statue du même sculpteur, destinée à un monument public, au Palais des serpents du
Jardin des Plantes, a été pour lui l'occasion d'essayer de rendre une pensée, un sujet traité déjà bien
souvent, Èvc. Il n'a pas cru que cette fiction pût être rendue par des formes grêles et sans
vigueur, par une expression maniérée ou sentimentale ; il n'a pas non plus pensé que dans la représenta-
tion d'un fait si éloigné de l'histoire, il y eût lieu de rappeler le souvenir d'aucune époque de l'art, même
la meilleure et la plus brillante. Il a été convaincu que dans un tel sujet, le seul modèle à consulter
est la nature, sans indication de style archaïque. Il a donc essayé de rendre la nature seule, la
nature puissante de cette mère qui a pu, dans son large flanc, contenir la race humaine toute entière.

Le sentiment de la faute commise est seul exprimé dans le mouvement, et la tête qui regarde
encore, tout en exprimant déjà le regret du péché, devrait indiquer la curiosité restée à jamais dans
le cœur de la femme, malgré la punition et malgré la colère du Dieu qu'avec son besoin inné d'amour
et de confiance elle ne peut considérer comme implacable.

Voilà la pensée toute entière de l'auteur; à d'autres à le juger.

Victor Renaud.

(La suite prochainement.)
 
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