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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Ménard, René: Enseignement de l'art décoratif à l'École des Beaux-Arts, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0245

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ENSEIGNEMENT DE L'ART DÉCORATIF. 211

ment l'Etat ne pouvait pas songer aux applications spéciales de l'art à l'industrie, mais il n'a pas davan-
tage à se préoccuper des caprices et des fluctuations delà mode, des succès éphémères d'un Salon. Il
n'a pas plus de raison pour former des peintres en vue du goût qui domine aujourd'hui chez les bouti-
quiers de la rue Laffitte, qu'il n'en a pour former des bijoutiers ou des tailleurs selon le goût du jour.
Son devoir est de maintenir le niveau de l'art dans les sphères les plus élevées en portant ses
efforts vers l'art monumental. L'État a besoin d'artistes capables de décorer ses palais et ses églises, et
ce genre de travail réclame un ensemble d'études beaucoup plus vaste que celui qui est nécessaire pour
faire un tableau de chevalet. Il a donc paru indispensable de créer un cours qui reliât dans un ensei-
gnement commun les élèves peintres, sculpteurs et architectes. En effet, parmi les jeunes gens qui suivent
les classes de peinture et de sculpture, il y en a beaucoup qui, n'ayant aucune notion d'architecture, savent
à peine ce que c'est qu'un plan et un profil. Combien y en a-t-il seulement qui ont jamais songé à
l'utilité que les études géométriques peuvent avoir pour l'art qu'ils veulent exercer ? Nombre de jeunes
peintres arrivent à brosser très-convenablement une figure nue et seraient fort embarrassés si on leur
demandait de dessiner, un chapiteau ou une corniche.

L'ignorance absolue où sont la plupart d'entre eux des lois de l'architecture amène des consé-
quences fâcheuses. Un peintre auquel on confie la décoration d'un monument se pénètre diffici-
lement de l'ordonnance qui a présidé à l'édifice et s'occupe rarement d'en faire ressortir les propor-
tions. Presque toujours il commence par accuser l'architecte, par se plaindre de l'emplacement
qu'occupent les panneaux qu'on lui demande, de la façon dont la lumière a été distribuée, et au lieu
d'entrer dans la pensée première pour la faire valoir, il la dénature, faute de savoir s'y conformer. De
leur côté les architectes, se méfiant du concours qu'ils pourront trouver chez les peintres et les
sculpteurs, cherchent souvent à éluder une collaboration qui, au lieu d'enrichir leur œuvre, peut avoir
pour résultat d'en altérer l'harmonie.

Ces inconvénients ne se produisaient pas autrefois, parce que l'éducation artistique se faisant par
l'apprentissage, l'élève apprenait par le contact journalier avec son maître, qu'il aidait d'ailleurs dans
ses travaux, toutes les applications pratiques de la profession qu'il devait exercer un jour. Mais les
mœurs ont changé, et l'instruction artistique, comme l'instruction littéraire, se donne presque exclu-
sivement dans les écoles fondées par l'État ou placées sous sa surveillance. L'école des Beaux-Arts ne
pouvait, sans demeurer incomplète, enseigner à ses jeunes gens des principes dont elle ne leur montrait
pas l'application. C'est pour combler une lacune dont l'évidence était démontrée, que l'administration
de l'École a fondé le Cours supérieur d'art décoratif.

Je sais que le nom d'art décoratif résonne mal aux oreilles de quelques personnes. Ce terme est
cependant profondément juste, et ce n'est pas la faute de la langue française si les barbouilleurs qui
tracent un filet ou peignent une marbrure sur la devanture des marchands de vin s'intitulent peintres
décorateurs. Pour rendre à cette expression la dignité qui lui convient, il suffira de rappeler que Phidias
dans les sculptures du Parthénon, Michel-Ange dans la chapelle Sixtine, Raphaël dans les chambres et
les loges.du Vatican, Titien et Paul Véronèse dans les palais de Venise, Rubens dans les églises d'An-
vers, Lebrun et Puget à Versailles, Coysevox et Coustou dans nos jardins publics, ont fait de l'art dé-
coratif, et que c'est à cet art-là qu'on fait allusion lorsqu'on parle du grand art.

Le cours d'art décoratif est essentiellement destiné à montrer aux élèves le lien qui existe entre
les trois arts de peinture, sculpture et architecture. 11 importe en effet que les jeunes architectes com-
prennent de bonne heure quel parti ils pourront tirer pour la décoration d'une salle, des ouvrages
des peintres et des sculpteurs, et ceux-ci n'ont pas moins besoin de savoir dans quelle me-
sure et par quels moyens l'art qu'ils exercent peut se plier aux exigences de l'architecture. Il y a dans
l'accord des arts qui dérivent du dessin une nécessité qui semble évidente quand on se contente de
raisonner; mais dès qu'on touche à la question pratique, on se heurte à des difficultés sans nombre, qui
proviennent surtout de ce que les artistes appelés à faire un travail en collaboration sont complète-
ment déroutés par la spécialité trop exclusive des études auxquelles ils se sont livrés.

Le choix de M. Galland, comme professeur pour le cours difficile qu'on voulait inaugurer, a été
chaleureusement accueilli par les artistes et par tous ceux qui s'intéressent aux arts. Aujourd'hui, ce
cours fonctionne régulièrement et en est à sa troisième année d'exercice; on peut donc dès à présent
 
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