SALON DE 1876. 271
Pour réparer tant d'oublis il me faudrait ouvrir une parenthèse qui ajournerait probablement
encore à huitaine l'examen de la peinture de genre; je me bornerai donc à citer quelques ouvrages
dont la valeur exige au moins une mention. Ce sont : Saint Sebastien (838) par M. Gaillard; David
(779) et Bethsabée (780) par M. Joseph Ferrier; Baal dévore les prisonniers de guerre, à Babylone (1513)
par M. Henri Motte; Frédéric Barberousse aux pieds du pape (1377) par M. Albert Maignan.
Le Saint Sébastien offre cet intérêt exceptionnel d'être l'œuvre d'un artiste qui est classé depuis
longtemps au premier rang parmi les graveurs. Ce n'est pas, à vrai dire, le début de M. Gaillard, dans
la peinture; il avait exposé déjà quelques portraits fort remarqués, mais c'est son premier tableau.
Ses portraits, comme celui qu'il a envoyé cette année, M"' A. J*** (839), se distinguaient par une
Religieux Trappistes revenant du bois pendant l'hiver.
Fac-similé d'un dessin de Langrand, d'après le tableau de Paul Robinet.
(Salon de 1876).
recherche de l'exactitude, par une conscience qui rappelle la manière naïve et si profondément
observatrice des maîtres du xve siècle. Ils pèchent par l'effet d'ensemble; leurs colorations vraies, mais
atténuées, n'ont qu'un aspect trop discret, mais ils donnent une image incontestablement fidèle et
complète de la personne représentée, où. se retrouvent au plus haut degré les qualités magistrales du
dessinateur coloriste que tous les connaisseurs admirent en M. Gaillard. Florentin du xvu siècle, il
peut sembler dépaysé de notre temps, mais son art est d'un ordre tellement élevé qu'il s'impose, et
qu'après s'être d'abord étonné de cette lutte minutieuse avec la nature, on se laisse irrésistiblement
séduire, malgré toute l'envie que l'on a de faire quelques réserves sur cette stricte interprétation du
modèle poussée jusqu'au respect du manque de distinction de la tête. En portant l'anaylse jusqu'en
ses moindres détails, le peintre amoindrit la vivacité et la franchise de son image. Ce mode d'exécution
était toutefois mieux à sa place ici que dans une œuvre d'un caractère actuel, car il s'accorde parfaite-
ment avec l'allure de la composition qui est conçue selon les formes usitées par les précurseurs de la
Renaissance. Assurément j'eusse préféré que l'artiste affranchi de cette convention se fût simplement
inspiré de son impression personnelle, mais il faut reconnaître que dans cette page archaïque il a fait
preuve d'une science extraordinaire d'anatomiste, qu'il s'y montre coloriste puissant et qu'il a rehaussé
la pauvreté voulue de ces formes préraphaélesques, par une saisissante expression de douleur et de
foi.
M. Joseph Ferrier achève sa quatrième année de séjour à la villa Médicis. Ses deux envois,
d'un caractère très-différent, attestent la souplesse de son talent et peut-être bien aussi son
indécision sur la route qu'il suivra. Son David est conçu dans la forme maigre et maladive mise
en faveur par le succès récent de certaines statues de genre, qui, sous prétexte de réalisme,
Pour réparer tant d'oublis il me faudrait ouvrir une parenthèse qui ajournerait probablement
encore à huitaine l'examen de la peinture de genre; je me bornerai donc à citer quelques ouvrages
dont la valeur exige au moins une mention. Ce sont : Saint Sebastien (838) par M. Gaillard; David
(779) et Bethsabée (780) par M. Joseph Ferrier; Baal dévore les prisonniers de guerre, à Babylone (1513)
par M. Henri Motte; Frédéric Barberousse aux pieds du pape (1377) par M. Albert Maignan.
Le Saint Sébastien offre cet intérêt exceptionnel d'être l'œuvre d'un artiste qui est classé depuis
longtemps au premier rang parmi les graveurs. Ce n'est pas, à vrai dire, le début de M. Gaillard, dans
la peinture; il avait exposé déjà quelques portraits fort remarqués, mais c'est son premier tableau.
Ses portraits, comme celui qu'il a envoyé cette année, M"' A. J*** (839), se distinguaient par une
Religieux Trappistes revenant du bois pendant l'hiver.
Fac-similé d'un dessin de Langrand, d'après le tableau de Paul Robinet.
(Salon de 1876).
recherche de l'exactitude, par une conscience qui rappelle la manière naïve et si profondément
observatrice des maîtres du xve siècle. Ils pèchent par l'effet d'ensemble; leurs colorations vraies, mais
atténuées, n'ont qu'un aspect trop discret, mais ils donnent une image incontestablement fidèle et
complète de la personne représentée, où. se retrouvent au plus haut degré les qualités magistrales du
dessinateur coloriste que tous les connaisseurs admirent en M. Gaillard. Florentin du xvu siècle, il
peut sembler dépaysé de notre temps, mais son art est d'un ordre tellement élevé qu'il s'impose, et
qu'après s'être d'abord étonné de cette lutte minutieuse avec la nature, on se laisse irrésistiblement
séduire, malgré toute l'envie que l'on a de faire quelques réserves sur cette stricte interprétation du
modèle poussée jusqu'au respect du manque de distinction de la tête. En portant l'anaylse jusqu'en
ses moindres détails, le peintre amoindrit la vivacité et la franchise de son image. Ce mode d'exécution
était toutefois mieux à sa place ici que dans une œuvre d'un caractère actuel, car il s'accorde parfaite-
ment avec l'allure de la composition qui est conçue selon les formes usitées par les précurseurs de la
Renaissance. Assurément j'eusse préféré que l'artiste affranchi de cette convention se fût simplement
inspiré de son impression personnelle, mais il faut reconnaître que dans cette page archaïque il a fait
preuve d'une science extraordinaire d'anatomiste, qu'il s'y montre coloriste puissant et qu'il a rehaussé
la pauvreté voulue de ces formes préraphaélesques, par une saisissante expression de douleur et de
foi.
M. Joseph Ferrier achève sa quatrième année de séjour à la villa Médicis. Ses deux envois,
d'un caractère très-différent, attestent la souplesse de son talent et peut-être bien aussi son
indécision sur la route qu'il suivra. Son David est conçu dans la forme maigre et maladive mise
en faveur par le succès récent de certaines statues de genre, qui, sous prétexte de réalisme,