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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Champier, Victor: George Sand, critique d'art
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GEORGE SAND,

CRITIQUE D'ART

ous aussi, sur cette tombe devant laquelle tous se décou-
vrent, nous voudrions jeter quelques fleurs pieusement
choisies, et dans la couronne funèbre qui se tresse mêler
quelques-unes de ces étoiles d'or dont on entoure le front des
grands artistes. George Sand a droit à ces symboles de gloire.
Nulle âme ne vibra plus facilement sous plus multiples inspira-
tions. Partout elle sut voir Finfini. Familiarisée avec l'idéal, vivant
en lui et guidée par un merveilleux instinct d'artiste, elle le recon-
naissait toujours, et allait à lui, sous quelque forme qu'il se pré-
sentât, qu'il s'appelât musique ou peinture, qu'il parlât la langue
des sons ou celle des couleurs.

Eh ! qu'avons-nous dit? George Sand critique d'art! Elle,
critique? Combien ce mot trahit notre pensée et comme il carac-
térise mal le sens droit et délicat de cette femme extraordinaire,
l'émotion si prompte et si juste qu'elle ressentait en présence des
œuvres d'art! Combien aussi sa modestie s'effaroucherait de cette
épithète d'une signification aujourd'hui si précise! Elle, l'amie de
Delacroix, oser parler peinture! Assurément ce n'était point sa
prétention et jamais elle ne prit la plume pour décerner sur ce
point l'éloge ni le blâme; jamais elle ne porta en son nom un
jugement direct. Et cependant avec combien plus d'autorité que
beaucoup d'autres n'eût-elle pas pu donner son avis ! Plusieurs de
nos romanciers ont répandu à travers les péripéties de leurs fictions
des jugements plus ou moins fantaisistes sur certaines œuvres artis-
tiques. Bien peu ont eu réellement le savoir nécessaire pour traiter
ainsi des questions qui sont difficiles. Balzac, qui se plaisait par-
fois dans les digressions, a de nombreux chapitres sur les tableaux;
mais on sait que ce maître avait le soin de se renseigner auprès
des juges compétents avant de s'aventurer sur les terrains qu'il
ne connaissait pas. George Sand, elle, avec une modestie exces-
sive, semblait éviter de toucher aux questions d'art ; elle se trou-
vait trop ignorante. Elle avait pourtant sur ces choses des con-
naissances supérieures, et elle a écrit sur des sujets artistiques
quelques pages remarquables, avec un sentiment d'une justesse
exquise, avec une netteté qui témoigne d'une rare compétence.

De bonne heure on lui apprit le dessin pour cultiver en elle
ce qu'on veut bien appeler les talents d'agrément. Sa maîtresse
était une demoiselle Greuze qui se disait fille du célèbre peintre.
George Sand en parle dans l'Histoire de ma vie. « Elle m'ensei-
gnait, dit-elle, de la manière la plus bête du monde à faire des
hachures avant de savoir dessiner une ligne, et à arrondir de gros
vilains yeux avec d'énormes cils qu'il fallait compter un à un avant
d'avoir l'idée de l'ensemble d'une figure.» La jeune fille pourtant fit
des progrès et devint assez habile. Elle faisait surtout des portraits
au crayon et à l'aquarelle avec une extrême rapidité! Aussi quand
elle fut devenue Mme Dudevant et qu'elle eut reconnu l'impossi-
bilité de vivre avec son mari, songea-t-elle un instant à se créer
des ressources avec son pinceau. « Je saisissais très-bien la ressem-
blance, dit-elle, je ne dessinais pas mal mes petites têtes ; mais
cela manquait d'originalité. » Elle ne se faisait pas d'illusions sur
les difficultés qu'il y aurait pour une femme à gagner quelque
argent avec ce moyen, mais elle était résolue à tenter l'aventure.
D'ailleurs une circonstance vint bientôt l'encourager dans sa réso-
lution. Laissons-lui la parole : « J'avais peint des fleurs et des
oiseaux d'ornement, en compositions microscopiques sur des taba-
tières et des étuis à cigares en bois de Spa. Il s'en trouva de très-
jolis que le vernisseur admira lorsque à un de mes petits voyages
à Paris je les lui portai. Il me demanda si c'était mon état, je
répondis que oui, pour voir ce qu'il avait à me dire. Il me dit
qu'il mettrait ces petits objets sur sa montre et qu'il les laisserait
marchander. Au bout de quelques, jours il m'apprit qu'il avait
refusé quatre-vingts francs de l'étui à cigares ; je lui avais dit à

tout hasard que j'en voulais cent francs, pensant qu'on ne m'en
offrirait pas cent sous. J'allai trouver les employés de la maison
Giroux et leur montrai mes échantillons. Ils me conseillèrent
d'essayer beaucoup d'objets différents, des éventails, des boîtes à
thé, des coffrets à ouvrage, et m'assurèrent que j'en aurais le débit
chez eux. »

Voici donc la jeune femme quittant le toit conjugal et venant
à Paris essayer de se fiire une existence indépendante. Elle
avait peu d'argent, et habitait avec sa petite fille au cinquième
étage d'une maison située sur le quai Saint-Michel, en face de
la Morgue. C'est là que, pour avoir plus de liberté et faire quel-
ques économies sur sa toilette, elle commença à se montrer dans
une grande redingote grise, serrée à la taille, une de ces redin-
gotes-propriétaires, comme on les appelait, dont les formes
larges dissimulaient la gracilité de sa taille. Malheureusement,
ou plutôt heureusement pour les lettres, George Sand ne trou-
vait pas beaucoup de ressources dans le dessin. « J'avais en
montre, raconte-t-elle, un petit portrait dans le café du quai
Saint-Michel, dans la maison même, mais la pratique n'arrivait
pas. J'avais raté la ressemblance de ma portière : cela risquait
de me faire bien du tort dans le quartier. »

Nous insistons sur ces détails, parce que nous les croyons
peu connus et parce qu'ils montrent que George Sand possédait
mieux que beaucoup de critiques d'art de profession les principes
du dessin. Plus tard son éducation s'acheva, grâce à ses éton-
nantes facultés d'assimilation. Elle eut pour amis des artistes
illustres, des critiques sévères, et se faisait un jeu d'apprendre
leur science. Les premières visites au Louvre la rendirent ma-
lade, tant fut violente la secousse où tout à coup le voile de son
esprit se déchira. Elle restait comme enivrée, comme clouée
devant les Titien, les Tintoret, les Rubens. L'école flamande
la séduisit d'abord par la poésie dans la réalité ; peu à peu elle
admira l'école italienne. « Il me semblait, a-t-elle dit, avoir
conquis je ne sais quel trésor d'infini dont j'avais ignoré l'exis-
tence. Je n'aurais pu dire quoi; je ne savais pas de nom pour
ce que je sentais se presser dans mon esprit réchauffé et comme
dilaté; mais j'avais la fièvre. » Vinrent ensuite les voyages en
Italie, les longues études à Venise et à Florence, et les romans
de cette époque, comme le volume intitulé Voyage en Italie,
témoignent assez des connaissances vraiment profondes qu'elle
acquit sur les arts. Les Maîtres mosaïstes offrent tout au long
le tableau des mœurs des artistes de l'Italie à une certaine époque ;
on peut apprécier par cette lecture ce que George Sand savait
de leurs luttes, de leurs théories, de leurs œuvres.

Ce qui lui fut surtout profitable pour son développement
esthétique, ce furent ses relations avec des hommes comme
Delacroix et Gustave Planche. Déjà vers 1834 (si je ne me
trompe), elle s'était liée avec le graveur Calamatta. M. Buloz
ayant voulu faire graver le portrait de sa collaboratrice pour
une édition de ses œuvres, celle-ci s'adressa à l'artiste italien ;
l'amitié s'établit vite entre eux et dura toute la vie. George Sand
apprit de lui les procédés de la gravure, et, quoique le côté
métier de la chose l'effrayât et rebutât un peu son génie ivre d'in-
dépendance et rarement soucieux du détail, elle s'intéressa aux
travaux de son ami et le guida même quelquefois. C'est à propos
de la gravure, faite par Calamatta, du portrait de la Joconde, que
George Sand écrivit dans la Revue des Deux Mondes cinq ou
six pages exquises sur le tableau de Léonard de Vinci. L'article
commençait ainsi : a Quelle est cette femme sans sourcils, aux
mâchoires développées sous leur luxuriante rondeur, aux cheveux
extrêmement fins ou très-peu fournis, au front très-découvert ou
très-puissant, à l'œil sans éclat, mais d'une limpidité surhu-
 
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