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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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Piat, Adolphe: Encore l'affaire van de Kerkhove
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Candèze, P.: Le salon d'Anvers
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0028

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20

L'ART.

nombre, qui se sont affolés de ce soi-disant génie enfantin; mais,
nous le répétons, il ne s'est pas trouvé un seul critique bien au
courant de la technique de l'art, qui ait donné dans un aussi
grossier panneau ; on ne saurait davantage citer un seul artiste de
grande notoriété qui ait consenti à patronner cette déplorable
exploitation d'une tombe, ou qui ait cru un seul instant à l'exis-
tence du prodige.

Tous ceux qui ont souci de la dignité de l'art demeuraient
donc convaincus que l'on n'entendrait plus parler de l'affaire
Van de Kerkhove, mais voici qu'à notre très-vive surprise, c'esc
à Paris même qu'on essaye de la faire renaître dans les colonnes
d'un excellent recueil à qui son très-légitime succès a conquis une
publicité considérable; nous avons nommé le Magasin pitto-
resque.

Un homme aussi éminent que M. Edouard Charton n'auraic
jamais accueilli pareil panégyrique et se serait bien gardé de
faire graver le portrait du phénomène et deux de ses pseudo-
paysages, s'il avait été au courant de la question; cela ne fait,
pour nous, pas l'ombre d'un doute.

LE SALON

Les lecteurs de l'Art ne savent peut-être pas la différence qui
sépare les Expositions triennales de Bruxelles de celles d'Anvers
et de Gand. La principale, si je ne me trompe, est celle-ci : le
Salon de Bruxelles est organisé par les soins du gouvernement ;
le Salon de Gand, par l'administration de cetee ville ; le Salon
d'Anvers par une Société privée, dite d'encouragement des Beaux-
Arts. Une Société privée! Voilà, pensez-vous, de toute évidence,
la plus libre des trois Expositions, la plus impartiale, la plus hos-
pitalière. Eh bien, non ! Il paraît que c'est le contraire.

Jusqu'ici la Société anversoise avait encouru deux reproches :

i° D'être trop exclusivement anversoise et de n'exposer les
peintres étrangers — les Bruxellois compris — qu'aux places de
rebut, et en façon de simple repoussoir aux peintres d'Anvers ;

2° De professer en matière d'art les idées de M. Prudhomme,
et de prendre pour de précieuses peintures les peintures faites
précieusement, léchées, caressées, blaireautées.

Pour prouver son amour du progrès, la Société a voulu se
distinguer cette année par un mérite nouveau, celui de la pudeur,
ec elle a impitoyablement frappé d'exclusion la plupart des nudi-
tés qui se sont présentées à son Exposition.

Un seul tableau de nu a trouvé grâce devant ce jury de
rosières; c'est... je vous le donne en mille... c'est le Supplice des
adultères de M. Garnier. Dans son compte rendu du dernier
Salon de Paris, l'Art traitait de « croustilleuses » ces figures en
déshabillé, qui évidemment n'ont jamais eu pour but de provo-
quer des indignations vertueuses3. Il paraît que vous avez tort et
que le nu de M. Garnier est un nu moral. De fait si on le
montre, c'est pour le fustiger. Que vous faut-il de plus?

Ce n'est pas la première fois qu'on soulève la question des
nudités. Elle est par elle-même fore compliquée, et la Société
d'encouragement anversoise aura fort à faire pour la résoudre.
Elle devra nous dire au juste ce qu'il convient de montrer ou de
cacher, suivant les âges et les sexes, jusqu'où les vêtements
devront monter ou descendre, etc., etc. Elle aura aussi à conci-
lier tout cela, s'il se peut, avec cette étude du nu que recom-
mandent si fort les professeurs qui figurent parmi ses membres,
et avec cette mythologie d'où ils tirenc si volontiers leurs sujets
de concours. On est curieux de voir leurs prochaines Vénus.
Inventeront-ils la Vénus collet-monté ?

11 y a eu un moment où l'Institut, gardien vigilant des Expo-

L'auteur de l'article esc un écrivain distingué qui a habité
Paris, où il est à juste titre tenu en grande estime, mais c'est un
connaisseur des plus discutables en fait de tableaux. L'étude de
la peinture, sa critique utile ne se remplacent point par une
phraséologie élégante, par des périodes pleines de sentiment ou
des affirmations dépourvues de toute base sérieuse.

L'auteur de l'article du Magasin pittoresque 1 est incapable
de se prêter au rôle de mystificateur, mais il est malheureuse-
ment au nombre des mystifiés, et il nous semble qu'un homme
d'autant d'esprit doit avoir hâte de déserter pareille compagnie,
si bien composée qu'elle puisse être. Quanc à le récuser sans
appel en cane que connaisseur, il s'esc chargé lui-même de dé-
montrer que c'est de toute justice; nous nous souvenons qu'il y
a eu à Bruxelles en 1873 une très-remarquable exposition rétro-
spective à laquelle il avait envoyé ce qu'il croyait être un Ri-
bera. Ce Ribera-là, que les peu charicables organisateurs avaient
eu la cruauté de ne pas refuser, était l'éclat de rire de cecce
solennité artistique 2.

Adolphe Piat.

D'ANVERS

sitions de Paris, a voulu en écarter aussi les nudités, mais sous
des préeextes plus plausibles : c'était quand elles manquaient,
selon lui, d'idéalité.

Par exemple, on aurait refusé les Baigneuses de Chaplin
comme trop réalisées, brillantes d'une santé trop belle, d'un sang
trop chaud : inconvénients réels pour les jeunes lycéens en qui
elles auraient pu allumer de dangereuses convoitises.

L'idéal eût consisté, j'imagine, dans un coloris moins scanda-
leusement vrai. Les chairs chocolat ou café au lait de l'ancienne
école de Rome, par exemple, faisait moins illusion, étaient
moins corruptrices. Il est clair que la Source en cuir bouilli
d'Ingres — malgré une élégance de lignes et une finesse de modelé
que je n'ai garde de lui contester — resterait sans effet sur le
Chérubin le plus inflammable.

Conclusion : la ligne de Raphaël esc plus décence que la ligne
de Rubens, et les nudicés ingristes plus vercueuses que celles de
l'école de Chaplin. Bref, c'écaic une querelle de scyle que l'Inscitut
faisait alors sous prétexte d'une question de morale.

A ce point de vue, la question des nudités peuc êcre de la
compétence d'un jury d'artistes, bien qu'on voie sans peine quels
excès d'intolérance en seraient la conséquence. Mais condamner
le nu parce que nu, comme l'a fait la Société anversoise, c'est
évidemment affaire non d'artistes, mais de policiers.

Je me résumerai en trois ou quatre observations qui me sem-
blent d'une simplicité élémentaire :

i° Je ne vois pas le moyen de fermer la porte des expositions
aux nudités aussi longtemps qu'on leur laissera ouverte celle des
musées ;

2° Les musées et les expositions ne sont pas faits pour les
petites filles. Les parents qui craignent la vue de Y Hermaphrodite
Borghèse pour leurs enfants sont parfaitement libres de ne pas les
mener à l'Hermaphrodite. Du reste, il faudrait n'avoir jamais été
au collège pour croire que les enfants se pervertissent par la
contemplation des objets d'art. Depuis quand ces collèges sont-
ils encombrés de statues ec de tableaux? Qui ne le sait d'ailleurs?
Plus le nu sera beau, moins il intéressera les enfants etles écoliers,
qui prendront toujours moins plaisir à des sculptures antiques
ou à de beaux Rubens qu'à de grossières lithographies dépourvues
de toute espèce d'art;

30 Un jury d'artistes jugera toujours mal les questions de

1. Numéro du mois d'août pages 260 et suivantes.

2. Catalogue de l'Exposition de tableaux et dessins d'aneiens maîtres organisée par la Société Néerlandaise de Bienfaisance, à Bruxelles. Deuxième édition
augmentée d'un supplément ; page g"i, n° aix.

3. Voir l'Art, 2e année, tome V, page 296.
 
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