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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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Selvatico, Pietro: La maison de Louis Cornaro [1]: surnommé Vita Sobria, à Padoue
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0278

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LA MAISON DE LOUIS CORNARO

SURNOMMÉ VITA SOBRIA, A PADOUE

ar une belle matinée d'automne de l'an 1509, un homme entre deux
âges, s'appuyant au bras d'un domestique, se promenait péniblement
sur la place de Saint-Marc, à Venise. Quiconque eût observé son
allure abattue et les rides jaunâtres de sa peau flétrie, aurait conclu
qu'il lui restait bien peu de jours à vivre, d'autant plus que sa physio-
nomie indiquait des souffrances morales aussi cruelles que ses souf-
frances physiques. En effet une pensée déchirante préoccupait son esprit
et augmentait la maladie fatale qui, petit à petit, le traînait au tom-
beau; — c'était la pensée que sa république se débattait languissante
au milieu des intrigues de la terrible ligue de Cambrai.

Gravure de Bouton d'après des types elzéviriens. Q^J ^ QQ malheureux à qui \a COmpaSSiOn deS paSSantS Serait

déjà d'oraison funèbre? C'était un patricien d'un grand talent, d'une culture littéraire très-étendue
qui, par l'orgie et la débauche, était réduit à cet état de détresse. Ce moribond était le fameux
Louis Cornaro, surnommé dans sa vieillesse vita sobria, qui, après avoir renoncé à ses vices meur-
triers, put atteindre l'âge de quatre-vingt-dix-huit ans.

On sait la vie sobre et austère que ce patricien élégant sut s'imposer. Les ouvrages que Louis
Cornaro a écrits sur la longévité humaine sont classiques, et la calme vieillesse de cet homme, qui à
l'âge de quarante ans semblait devoir mourir épuisé par les vices, est connue du monde entier. Ce qui
l'est moins, c'est la manière charmante dont s'y prit ce débauché pour s'assujettir au régime énergique
qui allait lui rendre la santé, c'est le luxe intelligent dont il sut s'entourer, c'est l'existence tout intel-
lectuelle et artistique qu'il se créa.

Convaincu que pour éviter le chemin du cimetière il n'avait pas d'autre parti à prendre que de
renoncer à sa vie de désordre, il se décida sur-le-champ à transporter sa demeure à Padoue où la
douceur du climat soulagerait ses poumons et où les sérieuses habitudes des habitants le prépareraient
à la conduite paisible qui était indispensable à sa guérison.

Pour atteindre son but le mieux possible, il acheta une vieille maison exposée au midi dans le voi-
sinage de la basilique de Saint-Antoine, un des emplacements incontestablement les plus sains de la
ville.

L'habitation n'était sûrement pas digne d'un si riche gentilhomme ; mais il y entra avec le parti
pris de la rebâtir de fond en comble et d'en faire un délicieux séjour pour l'hiver, car il comptait pas-
ser la belle saison dans les collines euganéennes où il avait des possessions étendues. L'air embaumé
de Luvigliano1, où il possédait un château, devait l'aider à regagner la vigueur perdue.

Aussitôt installé dans sa nouvelle demeure, pour chasser l'ennui, il se plongea avec ardeur dans
l'étude. Son esprit était cultivé, et dans sa première jeunesse il avait montré de rares aptitudes. Il
reprit donc ses anciens travaux, mêlant l'utile et l'agréable, passant des lettres et des arts aux sciences
arides, et cultivant avec passion la musique et l'architecture pour laquelle il avait un goût prononcé.
En même temps il charmait sa solitude en s'environnant des hommes les plus distingués dans les arts

1. Luvigliano est un village au milieu des collines euganéennes où Cornaro avait un palais qui existe encore, mais transformé par les
réparations qu'on y fit postérieurement. Francesco Marcoloni, dans la préface du livre IV de VArchitecture de Serlio, adressée à Louis
Cornaro; parle de ce palais, et l'affirme digne d'être habité par un pontife ou un empereur. — Voir l'édition de Venise, ijyi.
 
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