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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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Véron, Eugène: Quelques mots sur la situation de l'art en France, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0095

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QUELQUES MOTS

SUR

LA SITUATION DE LART EN FRANCE

l se produit chaque année à peu près un fait assez bizarre, qui a dû
frapper les amateurs fidèles des solennités artistiques. Le jour de l'ou-
verture du Salon, écoutez les critiques d'art. Tous ou presque tous
déclarent invariablement que le Salon de la présente année est inférieur
à celui de l'année précédente.

Si cette impression était d'accord avec la réalité, nous devrions
aujourd'hui avoir touché depuis longtemps les derniers bas-fonds de la
décadence. Quand nous ne descendrions chaque année que d'un échelon,
ce serait assez pour que notre art fût à jamais perdu.

11 n'en est rien cependant. Comment expliquer cette singularité?
Par un fait très-simple.

d après des types eizéviriens, 1 *

Ce qui frappe toujours à première vue dans une Exposition, c'est
le mauvais, d'abord parce qu'il abonde particulièrement dans les arts, et ensuite parce que, en toutes
choses, les défauts sont plus faciles à découvrir que les mérites.

Les premiers regards se heurtent donc toujours à cette multitude infinie d'œuvres détestables ou
médiocres que le jury, par une grâce spéciale d'état, laisse passer chaque année ; les oeuvres meilleures
échappent, noyées dans le nombre, ou demandent, pour être appréciées à leur valeur, une étude plus
minutieuse et plus prolongée. De tout cela résulte une impression générale peu favorable à l'ensemble,
un jugement total qui se compose surtout de la répétition indéfinie des sensations désagréables et
omet presque fatalement les quelques compensations qui ont été entrevues en passant.

Voilà pour le premier jour.

Mais, peu à peu, l'impression se modifie, à mesure que l'on se familiarise avec l'ensemble de
l'Exposition et qu'une observation plus attentive découvre un plus grand nombre d'œuvres méritantes.
Quant à celles qui nous ont choqués tout d'abord parleurs défauts, non-seulement nous ne les regar-
dons plus, mais nous nous habituons même à ne plus les voir ; nous les oublions, si bien que, au moment
où se ferme le Salon, il s'est élevé de degré en degré dans notre estime à une moyenne bien supérieure
à celle du premier jour.

L'année suivante, quand nous revenons heurter cette impression plus ou moins favorable, où ne
surnage guère que le souvenir des oeuvres choisies de l'année précédente, à cette sensation violente,
aiguë, douloureuse, qui se répète autant de fois que nous voyons passer sous nos yeux une œuvre
mauvaise, alors, comparant ces deux situations morales, nous déclarons sans hésiter que la première
l'emporte infiniment sur la seconde et que les artistes d'aujourd'hui ne valent pas ceux d'hier.

Cette règle ne pourrait souffrir d'exceptions que pour les années rares et privilégiées où éclate-
raient quelques-unes de ces grandes œuvres qui entraînent les suffrages et dont l'admiration emporte
et efface du premier coup toute impression contraire. Mais où et quand a-t-on vu jamais de
pareilles œuvres? Sans sortir de notre temps, Delacroix, Barye, Rousseau, Millet, Corot, etc., sacrés
aujourd'hui par la mort, ont été, quand ils vivaient, dédaignés longtemps, discutés toujours, et leurs
 
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