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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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Véron, Eugène: Quelques mots sur la situation de l'art en France, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0119

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QUELQUES MOTS

SUR

LA SITUATION DE L'ART EN FRANCE

(fin1 )

n somme l'exécution si habile de nos artistes contemporains
manque trop souvent de cette énergie et de cette largeur que per-
mettent seuls l'élan et la puissance de la pensée, le mouvement et la
vigueur de l'imagination, la spontanéité et la profondeur de l'émo-
tion. La plupart du temps, c'est petit, c'est mesquin, sans ensemble,
sans unité dans le faire comme dans la conception. Tout est morcelé,
successif, s'ajoutant pièce à pièce, par tâtonnement, sans avoir été
saisi par l'imagination dans son effet général. Au lieu de ces visions
splendides qui font les grands artistes, au lieu de ces éclairs qui
illuminent aux yeux des Michel-Ange, des Rembrandt, des Delacroix
les scènes et les figures qu'ils méditent de reproduire, nos artistes
semblent, construire péniblement leurs œuvres, morceaux après mor-
ceaux, attaquant le second seulement quand le premier est achevé.
S'il y a dans une toile plusieurs personnages, on dirait qu'on les a
fait poser isolément, successivement, si bien que les mouvements
et les proportions s'accordent mal, que la composition tout entière reste boiteuse et que l'ensemble
garde je ne sais quoi qui rappelle la mosaïque.

Cela est vrai surtout pour la coloration, qui demeure fausse et brutale. La juxtaposition des person-
nages et des objets n'engendre pas seulement des combinaisons de lignes et de surfaces, qu'on ne peut
impunément abandonner au hasard; il y a encore, il y a surtout peut-être des variations de lumière et
d'ombre, des influences réciproques des tons les uns sur les autres par suite des reflets multiples, qu'il
est impossible de prévoir, ces prestiges du clair-obscur où l'ombre devient transparente et engendre
les tonalités magiques dont Rembrandt a tiré un si merveilleux parti et qu'on ne peut rendre si Ton n'a
pas sous les yeux l'ensemble même qu'on se propose de faire passer sur la toile. Dans les spectacles
réels, il se rencontre des gammes infinies de pénétrations de la lumière par elle-même qui échappent
à la pratique la plus attentive et la plus expérimentée en dehors de la vue même des objets, et qui
constitue ce qu'on appelle l'enveloppe. Sauf des circonstances tout à fait exceptionnelles, le papillo-
tage n'existe pas dans la nature.

Les artistes qui se croient coloristes parce qu'ils opposent crûment les tons les uns aux autres se
font une singulière illusion. Cette qualité résulte tout au contraire d'une application scrupuleuse à ne
juxtaposer les tons que dans l'ordre où ils se complètent et se font valoir les uns par les autres, avec
toutes leurs nuances et leurs dégradations.

D'autres qui, pour échapper au papillotage, couvrent leurs toiles d'un glacis uniforme, tombent
dans une autre erreur qui n'est pas moins déplorable. On peut bien ainsi atténuer la crudité des tons,

i. Voir l'Art, tome VII, page 79.
 
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