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Sarcey, Francisque: Théophile Gautier: Critique de Théatre
DOI Artikel:Notre eau-forte
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THÉOPHILE GAUTIER. 333
quantes, et nous acceptons parfaitement un peu de bizarrerie, de barbarie, de mauvais goût si l'on
veut, pour arriver à certains vers éclatants et soudains qui font dresser l'oreille à tout véritable
poète, comme une fanfare de clairon à tout cheval de guerre. Il y a chez Victor Hugo une qualité, la
plus grande, la plus rare de toutes dans les arts : la force! tout ce qu'il touche, etc., etc. »
Et le voilà parti, comme un cheval de guerre, à qui l'éperon a été enfoncé dans les flancs. Il four-
nit, sans reprendre haleine, une carrière de douze colonnes, et il s'y reprend encore à la semaine sui-
vante. On sent qu'il parle pour ses dieux, ce prétendu sceptique que l'on se plaît à quereller sur
son indifférence.
Cette indifférence n'était qu'un masque de dandysme littéraire.
Je me souviendrai toujours qu'un soir, remontant les Champs-Elysées, je rencontrai Gautier qui
s'en allait tout seul, de son pied pesant, vers sa petite maison de Neuilly. Je venais délire d'un trait les
six volumes de sa critique, et je lui en exprimais, avec une grande sincérité d'accent, mon admiration.
« Ce qui me touche le plus, lui dis-je, c'est que contrairement à ce que j'avais entendu dire, ces
feuilletons pourraient former un corps de doctrine, tout comme ceux de Lessing, dont on a fait la
dramaturgie. »
Son visage s'éclaira ; il rayonnait.
« Oui, me dit-il, personne n'a voulu s'en apercevoir! Nous aussi, nous.avions nos théories ! »
Et il se mit aussitôt à me parler du maître des maîtres, de Shakespeare, avec une éloquence d'en-
thousiasme qui faisait contraste avec ses allures ordinaires de vieux lion ennuyé et las.
Il aimait, il haïssait, il jugeait : c'était donc, quoi qu'on en ait dit, un critique, et l'un de ceux qu'il
y a toujours profit à relire.
Qui sait! peut-être découvrira-t-on son Histoire de l'Art dramatique vers 1900, quand la réaction
aura remis à la mode les principes qu'il a défendus.
Francisque Sarcey.
NOTRE EAU-FORTE
Avec cette livraison nous publions la Hutte, forêt de Fontainebleau, eau-forte de Th. Chauvel, d'après le tableau de Th. Rousseau.
Fac-similé d'une eau-forte de Charpentier.
quantes, et nous acceptons parfaitement un peu de bizarrerie, de barbarie, de mauvais goût si l'on
veut, pour arriver à certains vers éclatants et soudains qui font dresser l'oreille à tout véritable
poète, comme une fanfare de clairon à tout cheval de guerre. Il y a chez Victor Hugo une qualité, la
plus grande, la plus rare de toutes dans les arts : la force! tout ce qu'il touche, etc., etc. »
Et le voilà parti, comme un cheval de guerre, à qui l'éperon a été enfoncé dans les flancs. Il four-
nit, sans reprendre haleine, une carrière de douze colonnes, et il s'y reprend encore à la semaine sui-
vante. On sent qu'il parle pour ses dieux, ce prétendu sceptique que l'on se plaît à quereller sur
son indifférence.
Cette indifférence n'était qu'un masque de dandysme littéraire.
Je me souviendrai toujours qu'un soir, remontant les Champs-Elysées, je rencontrai Gautier qui
s'en allait tout seul, de son pied pesant, vers sa petite maison de Neuilly. Je venais délire d'un trait les
six volumes de sa critique, et je lui en exprimais, avec une grande sincérité d'accent, mon admiration.
« Ce qui me touche le plus, lui dis-je, c'est que contrairement à ce que j'avais entendu dire, ces
feuilletons pourraient former un corps de doctrine, tout comme ceux de Lessing, dont on a fait la
dramaturgie. »
Son visage s'éclaira ; il rayonnait.
« Oui, me dit-il, personne n'a voulu s'en apercevoir! Nous aussi, nous.avions nos théories ! »
Et il se mit aussitôt à me parler du maître des maîtres, de Shakespeare, avec une éloquence d'en-
thousiasme qui faisait contraste avec ses allures ordinaires de vieux lion ennuyé et las.
Il aimait, il haïssait, il jugeait : c'était donc, quoi qu'on en ait dit, un critique, et l'un de ceux qu'il
y a toujours profit à relire.
Qui sait! peut-être découvrira-t-on son Histoire de l'Art dramatique vers 1900, quand la réaction
aura remis à la mode les principes qu'il a défendus.
Francisque Sarcey.
NOTRE EAU-FORTE
Avec cette livraison nous publions la Hutte, forêt de Fontainebleau, eau-forte de Th. Chauvel, d'après le tableau de Th. Rousseau.
Fac-similé d'une eau-forte de Charpentier.