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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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About, ...: Paul Baudry
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0192

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Lettre tirée d'un Ovide de i6ji.

Dessin de Scott, gravure de Puyplat, d'après une frise de Galland*

PAUL BAUDRY

a première rencontre avec lui me l'a montré tel qu'il devait être toute
sa vie : solitaire, laborieux, dur à lui-même, un peu farouche, mais bon,
cordial et d'un commerce agréable autant que sûr, aussitôt la glace
rompue. Un de ses camarades de promotion, l'architecte Louvet, qui
depuis a coopéré avec autant de talent que de modestie aux travaux de
l'Opéra, m'avait dit à mon départ d'Athènes : « Voici une lettre pour
Baudry; il faut le connaître; c'est le meilleur garçon du monde, et
c'est mon peintre! » Ue bon Uouvet y mettait une pointe d'orgueil.

Je le cherchai d'abord à Naples ; on me dit qu'il était allé travailler
à Pompéi, et que je l'y trouverais à la Couronne de Fer : j'y fis porter
mon mince bagage, et un gardien me conduisit au signor pittore, qui était alors le seul hôte de
l'auberge, et à peu près le seul habitant de la ville.

Par une ardente matinée de juillet 1853, dans une petite maison sans toiture qui fut jadis un
cabaret, et probablement même quelque chose de pis, le guide me mit en présence d'un petit homme
brun aux yeux pétillants, aux cheveux d'un noir bleu, à la moustache fine et retroussée; il copiait à
l'aquarelle une des fresques qui décoraient l'établissement. C'est une scène de beuverie qu'il m'a
donnée vingt ans après, et que je garde pieusement en mémoire de cette entrevue. La copie est
d'ailleurs précieuse en soi, car les injures de l'air ont à peu près détruit l'original.

11 se peut que le jeune peintre ait commencé par maudire l'importun qui coupait sa séance et
interrompait son travail, mais il n'en laissa rien paraître, et après m'avoir promené le plus obligeam-
ment du monde à travers ces adorables ruines de Pompéi, il me ramena à l'auberge, où un déjeuner
frugal nous actendait. Nous vécûmes huit jours ensemble sans nous quitter un seul moment depuis
l'aube jusqu'à la nuit, échangeant nos impressions, nos idées, nos souvenirs et nos projets, tant et si
bien qu'avant la fin de la semaine, nous nous tutoyions comme deux camarades de collège. Ah ! le bel âge
où quelques heures d'épanchement font une paire d'amis ! Nous avions vingt-quatre ans l'un et l'autre.

Quoiqu'il fût moins causeur que moi et que la généralité des jeunes Français, il m'apprit en ce
temps-là tout ce que je sais de son enfance et de sa première jeunesse.

Il était né le 7 novembre 1828 à la Roche-sur-Yon, dans ce village que Napoléon voulut transfor-
mer en chef-lieu de département, mais qui garde encore aujourd'hui, grâce aux jardins disséminés
dans ses rues, je ne sais quelle grâce rustique. Il aimait la Vendée, il adorait sa famille et professait
un profond respect pour son père, simple artisan, mais de ceux-là qui composent le fonds solide et
résistant de la nation : patriote acharné, lecteur insatiable, nourri de l'histoire nationale, ivre de Béran-
ger, qu'il appelait le poète de la France, chasseur, pêcheur, marcheur, amoureux du grand air, paysa-
giste inconscient, musicien modeste et studieux; père de treize enfants, dont six vivent encore
aujourd'hui. Un bon portrait, exécuté avec un soin filial, nous montre cette aimable physionomie de
petit bourgeois dans sa redingote des dimanches, Baudry a peint aussi la belle tète de sa mère, Fran-
çoise Lecomte, sous le bonnet des paysannes de Chollet, qu'elle garda toute sa vie.

Tome VII. 22
 
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