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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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Selvatico, Pietro: La maison de Louis Cornaro [1]: surnommé Vita Sobria, à Padoue
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0279

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238 L'ART.

et dans les lettres qui se trouvaient en ce temps-là à Padoue. Chez lui venaient Ruzzante Beolco, le
célèbre auteur des comédies en patois rustique *, et Girolamo del Santo, le meilleur peintre à fresque
qu'il y eût alors à Padoue, et qu'il destinait, comme nous verrons, à la décoration extérieure de son
futur palais.

Ainsi, il ne négligeait rien pour satisfaire son imagination, et combinait ses plans pour faire élever
le plus vite possible le splendide palais qu'il méditait. Mais il lui fallait naturellement un architecte qui
eût le talent de donner corps et réalité à ces idées ; et cela n'était rien moins que facile, à cause du
système architectonique auquel il voulait donner la préférence.

Admirateur ardent du grand ouvrage de Léon Baptiste Alberti2 De re œdificatoria, il ne voyait
aucun autre moyen de ramener l'architecture aux magnificences de Rome antique, que d'adopter ces
maximes qui, au bout du compte, étaient celles données par Vitruve dans son traité et que l'Alberti
avait su rendre plus intelligibles. Son admiration pour l'écrivain latin s'accrut quand le savant fra
Giocondo, de Vérone, en publia un commentaire 3 qui, tout lourd d'érudition qu'il était, servait à expli-
quer une foule de passages auparavant indéchiffrables, même après l'ouvrage de l'Alberti. Aussi le
Cornaro arrêta-t-il dans son esprit qu'il aurait une maison exactement vitruvienne.

Mais où trouver un architecte qui eût toutes les connaissances nécessaires pour accomplir ce
programme ? La plupart, même les meilleurs, ne comprenaient pas grand'chose aux préceptes d'ordi-
naire très-obscurs de Vitruve ; de plus, ils étaient familiarisés avec cette architecture de la renais-
sance florentine, qui, tout issue qu'elle était de celle de Rome antique, avait subi les modifications
capitales de Brunelleschi et de son école. Sans doute il y avait dans ce temps-là à Venise les Lombards
Bartolomeo Bon, Guillaume dit le Bergamasco ; et à Padoue florissait Andréa Riccio qui érigeait alors
la magnifique chapelle de Saint-Antoine ; mais ces artistes avaient adopté un style qui, tout remar-
quable qu'il fût, ne pouvait satisfaire les exigences de notre patricien. — Il lui fallait du romain pur-
sang, du classique quand même -, il demandait du Vitruve sans mélange. Comme Diogène il cherchait
son homme, mais inutilement.

Flottant entre mille incertitudes, il s'avisa de s'adresser à quelqu'un qui, par une autorité recon-
nue dans les arts, pût lui conseiller un choix convenable. Un de ses amis lui venait à propos, Mer Pietro
Bembo, le plus compétent qu'il y eût alors à Padoue et peut-être dans les provinces vénitiennes sur
une question semblable. Cet illustre savant, célèbre par sa doctrine autant que par ses amours avec la
trop fameuse Lucrezia Borgia, demeurait alors à Padoue où il avait une habitation des plus fastueuses.
Là, grâce à sa richesse et à sa colossale érudition, il avait réuni des trésors en fait de marbres, de
camées et de médailles antiques4. Et, au milieu de ces raretés, il partageait son temps entre les études
les plus sérieuses sur les splendeurs de l'art grec et latin, et la protection des artistes, auxquels il
procurait souvent des commandes considérables.

Il n'est pas besoin de dire que cette protection avait pour effet de réunir autour de sa personne
une foule de peintres, de sculpteurs et d'architectes qui sollicitaient son entremise pour trouver quel-
ques Mécènes complaisants. Mais le Bembo avait trop de conscience et trop de goût pour gas-
piller ses bons offices au profit des médiocres. Et le Cornaro n'ignorait pas les prudentes réserves de
son ami sur ce point ; de sorte qu'il se sentait parfaitement rassuré sur la réponse qu'il aurait reçue
à sa demande.

En effet le Bembo lui proposa le seul homme qui peut-être alors pouvait correspondre aux idées
ultra-classiques du patricien, c'est-à-dire Jean Marie Falconetto de Vérone, qui se trouvait

1. Pour son talent dans ce genre, il fut célébré par tous les littérateurs de son temps. — Benoît Varchi trouve ses comédies supérieures
aux anciennes AtMa.nn.es. Il mourut chez son ami Cornaro, en i)'42, à l'âge de quarante ans. Il avait une grande renommée aussi comme
acteur.

2. Alberti mourut à Rome en 1472, et l'ouvrage dont je parle ici fut imprimé au nom de son frère Bernard, par le Politien, en 1485,
et dédié à Laurent de Médicis.

3. Le commentaire de fra Giocondo fut imprimé pour la première fois à Venise, en ijn, aux frais de Jean de Fridino, avec ce titre :
M. Vitruvius} per Jocundum Jolito castigatior f 'accus} cum figuris et tabula, ut iam legi et intelligi possit.

4. Un catalogue des objets d'art que Bembo gardait dans sa maison de Padoue nous a été conservé par un de ses contemporains, dont
on ignore le nom, dans un livre qui a été publié par le savant bibliothécaire de Venise, Morelli, avec le titre : Notifie d'opere di disegno
nella prima meta del secolo XVI, est stenti in Padova} Cremona, Milano} Pavia} Bergamo, Crema e Venejia, in-8°. Bussano, 1800, pag. 17.
 
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