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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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Rioux-Maillou, Pedro: Notices sur les fleurons, culs-de-lampe et lettres ornées de l'art
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0277

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236 L'ART.

qui lui est légitimement due dans les galeries consacrées à l'École française. Ce fut sans doute cette
toile qui fit donner à Jean Cousin le nom de Michel-Ange français.

L'effet est puissant et profond. On éprouve en étudiant ce tableau du Jugement dernier une
impression de terreur indéfinissable. Le coloris est chaud, les personnages admirablement groupés. La
composition de cette page est remarquable et pourrait être citée comme un exemple de cette grande
loi de l'art: l'unité dans la diversité. Selon nous, c'est justement cette harmonie générale des groupes,
ce lien qui semble exister entre tous les personnages du tableau, qui procurent cette sensation de vague
frayeur dont nous venons de parler. Chaque partie de la toile considérée séparément n'est pas faite
pour frapper fortement des esprits comme les nôtres, dont la crédulité n'est pas le caractère dominant,
et cependant l'ensemble de l'œuvre nous remue profondément, nous donne une sorte de vertige. Ce
n'est pas le sujet, vu la tournure d'esprit philosophique du xixe siècle, c'est la composition de l'œuvre,
c'est l'art avec lequel elle a été conçue et exécutée qui nous fait éprouver une sensation aussi vive.

Le Musée du Louvre possède aussi une statue qui, comme tout ce qui de près ou de loin a quelques
liens avec notre artiste, a divisé les critiques en plusieurs camps. Nous nous rangeons du côté de ceux
qui pensent que la paternité de cette œuvre est suffisamment démontrée, ou que, dans tous les cas, les
plus fortes probabilités, comme disait le philosophe de Ferney, sont pour l'attribution à Jean Cousin.
Nous répéterons donc avec Félibien : « Il (Jean Cousin) fit le tombeau de l'amiral Chabot qui est aux
Célestins de Paris. » Le passage suivant du manuscrit de Taveau confirme du reste cette opinion :
« Outre ce il était entendu à la sculpture de marbre, comme le témoigne assez le monument du feu
amiral Chabot en la chapelle d'Orléans au monastère des Célestins de Paris, qu'il a fait et dressé, et
montre l'ouvrage l'excellence de l'ouvrier. » Le peu d'espace accordé à une notice ne nous permet
pas de nous enfoncer plus profondément dans la critique de cette œuvre. Les trois planches de la
Mise au tombeau, V Annonciation, Saint Paul frappé sur le chemin de Damas, portant la signature de Jean
Cousin, prouvent que le peintre et le statuaire était de plus un grand graveur. Il s'y montre aussi
maître de sa pointe qu'il l'est de son ciseau ou de ses pinceaux. C'est toujours aussi la même science,
la même élégance, la même largeur de style, la même sobriété.

« En ce livre est contenu la source et origine de l'art et pratique de perspective, lequel consiste
en trois espèces : c'est à savoir en plattes formes géométriales, en superficie, perspectives, extraites
et tirées des géométriales. Puis en corps solides, prenâts leurs origines des superficies perspectives,
avec la pratique de certains poincts accidentant, engendrés de la nature des œuvres que voulez ifeindre :
et aussi reigles généralles de n'errer au dit art, et n'y faire faute. » Ainsi débute Jehan Cousin, Senonois,
maistrepeintre à Paris, dans son Livré de perspective publié avec privilège du roi, car cet homme extraor-
dinaire fut aussi un théoricien distingué et très-recherché de son temps. C'est ce qu'a bien le soin de
dire,, dans son avis au lecteur, François Jollain, en publiant un autre ouvrage de Jean Cousin, l'Art
de dessiner de maistre Jean Cousin : « La réputation de l'illustre Jean Cousin, et l'estime que l'on a
toujours faite de son livre de Proportions, m'a fait choisir les Règles que ce grand Maistre nous a
laissées comme les plus justes et les plus rares que l'on peut suivre. »

Les dessips qui décorent en les expliquant le Traité de perspective et le Livre de portraiture sont
dus à Jean Cousin, ainsi qvie les lettres ornées qui accompagnent le premier ouvrage. Ce sont ces
lettres que nous avons fait reproduire pour les lecteurs de l'Art. Un simple coup d'œil jeté sur ces
petites merveilles d'élégance et de'style suffit pour permettre d'affirmer qu'elles sont en tout dignes du
grand Maistre Senonois.

Si, comme le dit le manuscrit de Taveau, Jean Cousin recueillit, durant sa vie d'artiste, plus de
gloire que de fortune, du moins cette gloire ne lui fut pas disputée. Ne soyons pas plus ennemis de
nous-mêmes que ne l'étaient les hommes de son temps, et puisque nous trouvons le nom d'un grand
artiste dans notre histoire, n'hésitons pas à lui rendre les honneurs qui lui sont dus. En faisant cela nous
nous honorerons nous-mêmes.

Pedro Rioux-Maillou.
 
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