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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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Gindriez, Charles: Galeria Victor Emmanuel à Milan
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0156

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GALERIE VICTOR EMxMANUEL A MILAN. 137

la corniche de couronnement, ne pouvait-on ménager une attache et une transition1 ? Ce défaut dissé-
miné dans les galeries s'accumule dans le dôme à leur intersection, comme en un réservoir. Ses larges
pans coupés annoncent en bas des révolutions de toiture ; ils s'y préparent évidemment dans cet éner-
gique déploiement de leur force et de leur masse ; mais pourquoi tant d'apprêts ? On comprend mal
cet étalage de résistance à l'indépendance supérieure d'un dôme qui, né de pendentifs illusoires, s'éva-
nouit dans un fantôme de charpente et dans un spectre de toiture ? Toute cette turbulence n'est pas
de l'action et trahit une main qui n'est pas rompue à ces luttes, qui esquive plutôt que de combattre ;
nous allons trouver maintenant un esprit épouvanté par la grandeur même de son œuvre, et qui la
rapetisse plutôt que de la dilater.

Une robuste corniche, renforcée encore par la balustrade qui fait aux deux tiers de la hauteur le
tour de la galerie, découpe dans cette hauteur deux divisions impérieuses : tm ordre inférieur et un
ordre cariatidique de couronnement. Pourquoi donc l'architrave du rez-de-chaussée au niveau des
cintres, incorrectement profilée de toute longueur, mutile-t-elle en deux tronçons l'unité nécessaire de
ce grand ordre inférieur ? Cette moulure, trop large si c'est une bague, trop saillante si c'est une cein-
ture, crée en réalité deux pilastres ; mais si elle est la tête de l'un, elle ne peut être le pied de l'autre,
et voilà deux estropiés ; si, ce qui est plus probable, elle est à la fois un pied et une tête, alors quelle
décadence ! Nous voici tombés au niveau des mollusques, à un ordre céphalopode. Cette habitude de
profier l'architrave des impostes sur les pilastres est le péché mignon de M. Mengoni ; comme on la
retrouve dans toutes ses œuvres, et ici même dans les façades extérieures des grands arcs d'entrée,
elle équivaut en quelque sorte au nom de l'auteur. On dispense volontiers les grands artistes de con-
naître l'orthographe ; mais n'est-ce pas dommage quand ils font des fautes dans leur signature ?

L'ordre de couronnement est la plus imprudente des élégances. Pour supporter les légers cer-
ceaux de sa charpente, l'architecte a fait appel à la force la plus énergique et la plus éloquente, à la
force humaine. Ces cariatides désœuvrées et décontenancées qui flottent parmi des médaillons sans
caractère et sans échelle, au-dessus d'un attique indécis qui n'a ni la fermeté d'une base ni la hauteur
d'un étage, me rappellent trop ces Grecs d'Asie 2 qui cachaient sous la pompe des phrases les défail-
lances d'un atticisme de province. Enfin cet attique incorrect est la plus malheureuse des inventions.
Ses fenêtres basses, que la balustrade a la prétention de dissimuler, entr'ouvrent une imprudente échap-
pée dans des profondeurs douloureuses, dans les tristesses de toutes ces joies, dans les chambres
suffocantes et les logements meurtriers, dans l'épaisseur d'une ombre lourde de plafonds écrasés et de
soupirs étouffés. Cette plainte à peine murmurée, mais singulièrement poignante dans ce joyeux con-
cert d'élégances, me gâte toute la gaieté de l'œuvre, son joli duvet de surface, et sa fleur de sourire.
Certes le luxe est le plus généreux des dieux, et M. Mengoni un de ses plus brillants architectes,
mais les temples qui naîtront de l'aimable collaboration d'une bourse si pleine et d'un talent si prodigue,
ne seront gais et souriants qu'à la condition de notis montrer leurs pompes, leurs fêtes, leurs prêtres,
leurs autels, et de nous cacher leurs victimes.

L'ornementation générale est très-riche, mais échappe à l'analyse. L'architecte paraît avoir
adopté pour sa composition le procédé curieux que Muzio 3 employait pour son style : « Je choisis...
là et ailleurs et je compose comme une salade d'herbes diverses et de diverses fleurs. » Sans doute
M. Mengoni qui a beaucoup voyagé, a beaucoup retenu ; et s'il était Jupiter, je croirais que cette
œuvre ne lui est pas sortie du cerveau, comme Minerve, mais plutôt comme Bacchus enfant, de la
jambe. Mais cette allure buissonnière, cette légèreté trop naturelle puisqu'elle ne cache aucun effort,
cette insouciance enfin qu'il est impossible de ne pas fouetter un peu sous les verges professionnelles,
sera toujours un charme pour les mondains, et quelquefois sa grâce auprès des délicats. Il faut rendre
cette justice à M. Mengoni et à son étoile, qu'il a trouvé dans la galerie de Milan une occasion
unique d'obtenir la propriété et l'absolution de tout ce joli butin, si prestement transformé en bouquet.

1. Puisqu'il s'agit d'éclectisme, l'architecte de la galerie subalpine} récemment inaugurée à Turin, nous semble avoir montré un senti-
ment plus juste des convenances architecturales en la couronnant par un attique gothique dont les trèles colonnettes épousent la forme
des cintres en la préparant.

2. Quintil., liv. XII, chap. X, page 2.

V Muzio, Battjglie per difesa iell' Italia lingua. page 10.

TOMF. VII. l8
 
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