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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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Weber, Christian von: L'art et l'industrie de l'Allemagne à l'exposition de Munich, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0158

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L'EXPOSITION DE MUNICH.

l'atmosphère généralement anti-artistique du milieu qui l'en-
toure. Il est bien difficile de fonder et de maintenir des écoles
artistiques sur un sol si ingrat, dans une ville où un artiste ne
peut guère se résigner à vivre, et qui ne semble avoir de place
que pour le soldat, le spéculateur et, ce qui vaut mieux, le pro-
fesseur. Quant à renseignement industriel et artistique, la situa-
tion est encore plus décourageante. Le musée industriel de
Berlin, très-insuffisamment doté, relégué dans un local peu con-
venable et d'un accès si difficile qu'il est à peu près inconnu de
l'immense majorité des habitants, en est à peine à ses premiers
commencements, et l'école qui lui est annexée serait considérée
comme très-médiocre partout ailleurs qu'à Berlin. Les travaux
des élèves exposés à Munich révèlent partout un esprit étroit,
mesquin, raide et pédantesque ; on sent que les élèves ont tout
fait sans initiative personnelle, sous une discipline sévère et in-
flexible, et que les maîtres, sans être des sous-officiers mis à la
retraite, comme l'affirment les plaisants, sont des personnages
placés trop bas sur l'échelle sociale, trop humbles, trop mal payés,
de simples maîtres de dessin enfin, et non des artistes distingués
et honorés. Pour changer cet état de choses, il faudra de la part
du monde officiel plus que de l'argent, de l'intelligence et de la
bonne volonté, — et tout cela, jusqu'à présent, a presque com- j
plétement fait défaut ; il ne faudra rien moins qu'une révolution
dans les habitudes et les mœurs de la population entière. Il fau-
dra, par exemple, quî l'artiste et même l'industriel actif et con-
naissant son métier à fond, ne soit plus placé à la dernière
extrémité de l'échelle sociale, que les gens riches apprennent à
connaître un autre luxe que celui des chevaux, voitures et
domestiques, qu'ils rougissent de couvrir les murs de leurs
demeures de mauvais papiers et d'affreuses lithochromies, que
les classes aisée;, éprouvent le besoin d'avoir des maisons parti-
culières, au lieu de vivre dans des caravansérails pour en chan-
ger quatre fois par an (à Berlin, les familles même les plus
aisées, dont le revenu dépasse dix ou vingt mille thalers, vivent
en locataires, ne dépensant que juste le nécessaire pour la déco-
ration et l'ameublement d'un logis qu'ils ne gardent en moyenne
qu'un an ou deux, et le nombre des maisons habitées par une
seule famille ou louées sous un bail de plusieurs années est in-
croyablement restreint) ; il faudra, en un mot, une foule de modi-
fications qui demandent du temps et de la patience. Quand on a
été et voulu être Sparte pendant des siècles, on ne devient pas
en quelques années Corinthe ou Athènes !

Dans les Etats du Sud, et en Bavière particulièrement, les
monarques et les gouvernements, moins enclins aux affaires de
la guerre, moins soucieux (avant les événements de 1866 et
de 1870-1871) de consacrer le dernier centime versé par les con-
tribuables dans les caisses du fisc à des armements toujours plus
formidables, ont au contraire encouragé de leur mieux les
Beaux-Arts. Tandis que les Hohenzollern ont toujours été,
presque sans exception, des soldats-nés, les princes de la maison
royale de Wittelsbach n'ont guère aimé, depuis des siècles, le
métier des armes, et ont suivi l'exemple des Médicis plutôt que
celui de Frédéric Guillaume I", le roi-caporal, qui exerçait lui-
même ses géants de la garde de Potsdam. On peut même affir-
mer que voulant trop bien faire, ils ont oublié trop souvent
l'exiguité relative de leurs ressources, et qu'à force de vouloir
atteindre trop haut, leurs entreprises les plus dignes de succès sont
restées à mi-chemin ou n'ont pas eu tous les bons résultats qu'on
pouvait espérer. Ces monarques, doués d'un esprit artistique des
plus exquis et d'une persévérance des plus louables, ont pu cou-
vrir leur pays de magnifiques châteaux, dignes de servir de
demeures à de bien plus puissants souverains (le fameux château
de Heidelberg est aussi l'œuvre de cette famille princière); ils
ont pu faire, en trente-cinq ans, de Munich, jadis une petite
ville de 40,000 âmes, une des plus belles capitales de l'Europe,
possédant aujourd'hui 200,000 habitants, et des trésors artis-
tiques qui, dans leur ensemble, ne le cèdent qu'à ceux de Paris i
et de Rome ; mais ils n'ont pu changer la nature d'un pays essen- J

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tiellement agricole et par conséquent pauvre, et l'esprit d'un
peuple supérieurement doué, mais enclin à la paresse, aux jouis-
sances matérielles, dépourvu d'énergie et ne sachant pas assez se
faire valoir. Partout en Bavière, et surtout à Munich, on senc
que la base du développement artistique n'est pas assez solide,
que les hommes de talent, formés ou attirés par les tendances
artistiques des monarques, manquent d'un champ d'activité con-
venable, que les artistes et surtout les artisans habiles n'ont pas
assez de commandes, que les professeurs des écoles, fondées et
très-convenablement entretenues par le gouvernement, n'ont pas
assez d'élèves, que les magnifiques musées, surtout le « National
Muséum » de Munich, une création incomparable du défunt roi
Maximilien Ier, ne sont pas suffisamment appréciés et visités par
la population indigène, en un mot que l'offre excède partout la
demande.

Indépendamment de l'Académie des Beaux-Arts de Munich,
qui est incontestablement le premier établissement de ce genre
dans tous les pays de nationalité allemande, et dont l'importance
et l'organisation très-bonne, en somme, n'ont pas besoin de com-
mentaires élogieux, l'Etat bavarois entretient encore, sur un pied
très-satisfaisant et certainement supérieur à tout ce que l'on
trouve dans les autres Etats allemands, deux grandes écoles
centrales ou académies pour toutes les branches de l'art appliqué
à l'industrie, l'une à Munich, l'autre à Nuremberg. Rien de ce
que la protection officielle peut donner à un établissement d'en-
seignement ne manque à ces écoles ; elles ont un personnel ensei-
gnant très-grand, trop grand peut-être, recruté parmi les artistes
les plus distingués ; des locaux suffisants, des budgets fort conve-
nables; les richesses inestimables du Musée National de Munich
et du Musée Germanique de Nuremberg sont à leur disposition;
et pourtant les résultats obtenus ne sont guère à la hauteur des
moyens employés. D'abord l'organisation trop compliquée de
ces institutions nuit à leur utilité pratique ; on y cultive toutes
les branches de l'enseignement à la fois, et, par une faiblesse
assez pardonnable, mais fort dangereuse, on y empiète trop sur
le véritable terrain des Beaux-Arts. Peu à peu ces écoles indus-
trielles se sont transformées en académies du second degré, les
allures des professeurs et des élèves s'en sont ressenties, et il est
souvent difficile sinon impossible de faire rentrer dans le giron
plus modeste de Fart industriel ces jeunes gens qui ont goûté de
l'art idéal. Les professeurs et directeurs, artistes eux-mêmes et
sans rapport direct avec les cercles industriels, encouragent trop
souvent cette tendance funeste; quand un élève a du talent, on
trouve que ce serait dommage de le laisser exploiter par un indus-
triel qui, neuf fois sur dix, ne peut ou ne veut pas lui payer un
salaire couvenable. Voilà le point le plus faible de ces écoles
montées sur un grand pied; plus on multiplie les professeurs,
plus on augmente les moyens d'enseignement, plus on creuse
l'abîme qui sépare l'artiste de l'ouvrier et moins on dispose les
élèves à embrasser des carrières pratiques. Est-il étonnant qu'un
jeune homme sans ressources, mais à qui de boas professeurs
ont communiqué tout leur savoir et fait entrevoir les grandeurs
et les beautés de l'art, qui a appris à dessiner, à modeler le corps
humain, que le gouvernement a protégé, encouragé, choyé pen-
dant des années, rechigne au métier, en veuille à la société qui
le lui impose, et ne se soucie pas de devenir un ouvrier badi-
geonneur, l'aide d'un tapissier, d'un ferblantier ou d'un ébé-
niste? Tant qu'un pays garde des mœurs et des habitudes de
vie relativement modestes, pour ne pas dire pauvres, ou du moins
n'a pas réussi à se créer une grande et solide industrie travaillant
pour l'exportation à l'étranger, on peut douter de l'efficacité du
système qui rehausse et anoblit l'ouvrier sans lui donner un
ouvrage plus fin, plus coûteux et, par conséquent, mieux rému-
néré.

On ferait peut-être mieux de consacrer l'argent et le personnel
enseignant disponible aux écoles spéciales disséminées çà et là
dans le pays, mais en nombre trop restreint ; celles-là, du moins,
s'appuient sur une industrie existante, réelle et susceptible de dé-
 
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