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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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La Rounat, Charles de: Madame Arnould-Plessy
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0181

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M'"" ARNOULD-PLESSY. r$9

poussant jusqu'au bout l'exercice de son droit, faisait condamner judiciairement la fugitive à cent
mille francs de dommages et intérêts et à sa déchéance comme sociétaire, celle-ci poursuivait, comme
artiste, sa route triomphante à travers tous les répertoires où les qualités merveilleuses dont elle
était douée et la souplesse de son talent lui permettaient de briller d'un égal éclat.
L'exil, exil doré et fleuri sans doute, mais exil pourtant, l'exil dura dix ans.

Lors de la représentation de retraite de Samson, qui avait été son maître et son ami, Mme Arnould-
Plessy offrit son concours au bénéficiaire. La Comédie-Française n'y mit point d'obstacle. C'était un
acheminement à la réconciliation, et bien que l'affiche, en annonçant que M"'e Arnould-Plessy rempli-
rait le rôle d'Araminte dans les Fausses Confidences, portât cette restriction prudente : pour cette fois
seulement, la réconciliation se ht.

L'effet produit par M""1 Arnould-Plessy dans ce rôle d'Araminte, une incomparable perle de son
répertoire, fut immense. Elle avait gardé tous ses dons et elle les rapportait à ses anciens admirateurs
dans la pleine floraison d'un talent qui touchait à la perfection.

Le 17 septembre 1855, il y eut grande fête à la Comédie-Française : M""' Arnould-Plessy y ren-
trait officiellement par la grande porte et y jouait le rôle d'Elmire du Tartuffe et une petite comédie de
M. Marc Monnier, la Ligne droite, qui lui valut un triomphe éclatant. Tous les organes de la publi-
cité, toutes les voix de la renommée le célébrèrent à l'envi, et les innombrables bravos de cette bril-
lante soirée eurent un long retentissement.

M'"" Arnould-Plessy était veuve depuis un an lors de sa rentrée à la Comédie-Française ; elle en
fut pendant plus de vingt ans encore l'attrait et la gloire.

L'extrême variété de ses aptitudes dramatiques, les ressources d'un art cultivé jusque dans ses plus
petits recoins, une faculté inouïe d'assimilation, une sûreté d'exécution des plus rares, lui permirent
de tout aborder, de tout oser. Elle ne craignit pas, par exemple, de reprendre à son compte deux
importantes créations de M"e Rachel, Advienne Lecouvreur et Ladr Tartuffe, et y réussit.

Cette Célimène, cette Sylvia, cette Araminte, qui faisait oublier M"e Mars au cœur même de son
empire, la dépassa quand, à son exemple, il lui plut de visiter les marches éloignées de son territoire.
Elle fit plus et, ce à quoi son illustre devancière n'avait jamais voulu se résigner, elle le choisit et se
montra résolument en femme rustique et mûre dans Péril en la demeure et dans Nany; en vieille femme
tout à fait dans la Grand' maman. Je l'ai vue dans l'Agrippine de Britannicus; mais elle s'y montra trop
tard : ses forces n'étaient plus à la hauteur de ses conceptions. L'une de ses dernières créations où
elle réussit le mieux, ce fut VAutre Motif, un acte vif et spirituel d'Édouard Pailleron, où elle fut
étincelante.

Si l'on joue jamais rue de Richelieu le Marquis de Villemer de George Sand, ce que la Comédie-
Française pourra faire de mieux, ce sera d'aller prendre par la main Mme Arnould-Plessy, de l'amener
sur des tapis de pourpre jusqu'à cette ancienne maison qui lui doit sa part d'illustration, et là de mettre
à ses pieds, copié sur satin blanc, le rôle de cette adorable marquise que le poète de Nohant écrivit
avec amour et de sa plus belle encre bleue.

M"" Arnould-Plessy donna sa représentation de retraite le 8 mai 1876. Elle y joua le Legs de Mari-
vaux, l'Aventurière d'Emile Augier et des fragments du Misanthrope. Cette retraite est regrettable et
prématurée. Elle laisse un très-grand vide qui ne semble pas près d'être comblé et interrompt de la
façon la plus fâcheuse la transmission, sous sa forme la meilleure, des traditions du grand art.

Depuis sa rentrée jusqu'au jour de sa retraite, M"ie Arnould-Plessy a fait un grand nombre de
créations et attaché son nom à la plupart des grand succès de la Comédie-Française. Son répertoire
nouveau se compose d'une très-grande quantité d'ouvrages, dont je citerai les principaux : Joconde,
Comme il vous plaira, les Effrontés, le Fils de Giboyer, Maître Guérin, Henriette Maréchal, Un Cas de con-
science, le Post-scriptum, l'Autre Motif, Nany, la Grand' maman, Petite Pluie.

Le total des rôles joués par Mme Arnould-Plessy s'élève au chiffre de 133, dont 53 créations et
80 reprises.

Charles de la Rounat.
 
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