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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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Falke, J.: Exposition d'objects d'art ancien a Pesth, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0219

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i88

L'ART.

bien des curiosités artistiques et archéologiques. L'évèque de la Zips à lui seul avait envoyé à l'exposition
vingt-huit pièces d'argenterie d'église, faites sans aucun doute dans le pays, et par suite reconnaissables
à une certaine communauté de traits caractéristiques. Elles appartiennent toutes au xv' siècle ou
à la fin des gothiques ; elles en portent l'empreinte, et attestent surtout une parenté avec des
ouvrages allemands connus, ce dont il y a d'autant moins lieu de s'étonner, que dès cette époque la
Zips était déjà habitée par des colons allemands. La construction architecturale de ces ostensoirs et
reliquaires n'est donc dans ses traits principaux nullement différente des travaux analogues allemands
avec leur architecture gothique, sévère et froide. Mais dans les pièces de la Zips, cette architecture
se transforme dans la partie supérieure, où les arêtes nettement tracées se tordent en branches, se
changent en enchevêtrements réalistes, et s'entrelacent dans un fouillis épais, ou bien tournent autour
d'eux-mêmes en spirales, pour retrouver au sommet la fleur sévère de l'art gothique, la croix. Encore
est-elle envahie par toutes sortes de plantes parasites qui ont l'air de la railler.

Une seconde particularité des pièces de la Zips, comme de bien d'autres objets hongrois, consiste
en un genre spécial d'émail, qui ne se retrouve nulle part en Occident, du moins dans les mêmes
conditions, et qui ajoute aux espèces d'émail connues une espèce ignorée jusqu'ici. Sur ces pièces
d'argenterie, L'émail translucide est employé parfois au-dessus de l'argent; mais plus fréquemment
encore, surtout pour les calices, on se sert de cette espèce particulière, qu'on pourrait appeler, pour
en préciser le caractère, l'émail hongrois de filigrane. Ce sont des fleurs et des feuilles pleines de
style qui couvrent les surfaces, des plantes régulièrement dessinées et travaillées de telle façon que
les fils tournés de filigrane en argent doré constituent les tiges et tracent les contours des fleurs et des
feuilles; le fond, tout comme les plans lisses du dessin entourés de fils, est en émail d'une seule cou-
leur; ces fils de filigrane ont donc à remplir identiquement l'office des cloisons byzantines. Parfois les
bouts des fils de filigrane sortent des fleurs, forment de petites spirales, et se développent en étamines
avec leurs petits nœuds à la surface. Ce procédé est employé aussi dans des calices non émaillés, sim-
plement recouverts de tissu de filigrane. Tout ce travail est très-original, d'un grand fini et d'un effet
très-gracieux. Mais où s'est-il acclimaté? où a-t-il pris naissance? Certainement il n'appartient pas
uniquement à la Zips. Des fleurs mignonnes, de cette même forme, se retrouvent sur des objets hon-
grois de ménage, peintes sur les faïences et sur des meubles de bois, brodées sur des jaquettes et sur
des chemises, travaillées ou incrustées dans des parures ou des armes ; et la technique en est connue
encore aujourd'hui des habitants des montagnes du Balkan, quoique l'application en soit plus primi-
tive; elles se retrouvent en outre sur d'anciens ouvrages du Siebenburgen. Ce procédé artistique est
donc usité dans le Balkan et la Bulgarie, dans tout le pays montagneux au delà du Siebenburgen, le
long des Karpathes jusque dans la Zips." Si l'on se rappelle son analogie avec les émaux d'or cloisonnés
byzantins, et en même temps l'influence que Byzance a exercée dans l'antiquité sur la civilisation et
la religion des peuplades du Danube, on est amené à chercher à Byzance l'origine de cet art. Seule-
ment la filigrane, dont on pratique le travail encore aujourd'hui d'une façon spéciale dans de nom-
breuses contrées de la Hongrie, d'où elle est originaire, est venue se substituer à l'émail d'or cloisonné.

L'exposition de Pesth a ainsi offert au connaisseur et à l'érudit des indications et des enseigne-
ments précieux dans des branches variées de l'art; à l'amateur il a été donné d'admirer mainte œuvre
inconnue ou rarement visible. Le patriote a pu contempler de nombreuses reliques historiques, armes,
vêtements, parures, coupes des anciens héros du pays.

Le Hongrois, plus que tout autre peuple, a le culte et la vénération de ces souvenirs. L'exposition
a montré combien ce pays, malgré les guerres nombreuses qui l'ont dévasté, est encore riche en œu-
vres d'art et en objets d'antiquité. Et encore cette exposition, en quelque sorte improvisée, est-elle
loin d'avoir épuisé les ressources archéologiques du pays. L'examen des objets exposés a fait naître le
désir qu'un jour, avec plus de temps, et un classement méthodique, on parvienne à réunir tout ce que la
Hongrie possède encore en fait d'oeuvres d'art. Mais, telle qu'elle était, l'exposition n'en a pas moins
imposé à l'historien et à l'ami des arts une profonde gratitude pour les organisateurs.

J. Falke.

Sous-Directeur du Musée autrichien, à Vienne.
 
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