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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [5]: Comédie-Française: Œdipe roi
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Léris, G. de: A deux siècles de distance: à propos du livre de M. de Goncourt: La Maison d'un Artiste
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0212

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i86

L'ART.

s'escriment en leurs gloses contre Sophocle, c'est vaine
besogne. Qu'on s'étonne avec eux de voir Œdipe si longtemps
indifférent aux récits de la mort de Laïus ; qu'on fasse inter-
venir les cicatrices de ses pieds pour établir qu'il ne pouvait
ignorer le mystère de sa naissance ainsi que son double crime :
le spectateur ne va pas à la remorque de ces subtils théori-
ciens, et le pathétique de la tragédie ne souffre point de ces
attaques.

La version française de M. Jules Lacroix a, sur toutes
choses, l'éminent mérite de serrer de près et avec une pieuse
servilité le texte grec. C'est le plus bel éloge qu'on puisse faire
d'une traduction, quand l'original ne demande ni retouches ni
amplifications. La versification de M. Lacroix a parfois des
aspérités : on lui souhaiterait un manteau de rimes plus riche
et qui habillât comme de pourpre l'idée antique présentée par
Sophocle ; mais faute de Leconte de Lisle, on mange du Jules
Lacroix.

Mounet-Sully joue le rôle écrasant d'Œdipe avec un réel

sentiment de l'antiquité : sa belle plastique ne me fait point
point illusion; il a enlevé la salle à plusieurs reprises, et ce
n'est point, que je sache, à la force du poignet que ces phéno-
mènes s'accomplissent. M"° Leroux, que la Comédie-Française
emploie rarement, l'ait Jocaste : elle écoute beaucoup mieux
qu'elle ne parle : elle parle d'après l'école tandis qu'elle écoute
sous l'inspiration d'un art très personnel et très curieux. Dans
l'interprétation des petits rôles, il faut louer Dupont-Vernon,
qui joue Créon, et singulièrement Silvain, qui excelle dans les
récits dramatiques. Ce jeune artiste a dit la mort de Jocaste
avec une chaleur communicative qui est bien près de la
perfection absolue.

Les fragments symphoniques composés par M. Membrée
pour accompagner Œdipe roi ne relèvent point de ma compé-
tence, à moins qu'on ne les envisage comme de simples
accessoires du drame : auquel cas je ne saurais trop les
dénoncer à l'ombre de Sophocle.

Arthur Heulhard.

A DEUX SIÈCLES DE DISTANCE

A PROPOS DU LIVRE DE M. DE CONCOURT : LA MAISON D'UN ARTISTE'

I

Ainsi que le dit M. de Concourt dans son préambule à la
Maison d'un artiste, nous sommes devenus des sédentaires, et
notre amour du home s'est affirmé dans une véritable passion
du bibelot.

Sa Maison d'un artiste, cette nomenclature si diserte, si
finement écrite des choses d'un autre temps utilisées à la
satisfaction de nos yeux, de notre besoin de rétrospectivité,
est une sorte de glorification de cette passion même que nous
avons de rassembler autour de nous mille fantaisies auxquelles
nous assignons un prix considérable et souvent un peu
exagéré.

C'est, croyons-nous, le seul ouvrage de ce genre qui existe,
aussi complet du moins. C'est, dira-t-on, un catalogue. Sans
doute. Mais un catalogue auquel la personnalité toujours pré-
sente du possesseur donne la vie, sans compter qu'il nous fait
part de sa science acquise, de ses idées originales qui, pré-
sentées de cette sorte, nous semblent nôtres. Pour un peu,
nous nous croirions aussi savants que lui.

Dans les temps passés le genre était tout autre. En tête
d'une nomenclature de tableaux et d'objets d'art l'auteur
inscrivait pompeusement : « Galerie ou cabinet de M...» Suivait
son nom. Et cela ne voulait dire en aucune façon qu'il possé-
dait les toiles qu'il décrivait et dont beaucoup même lui étaient
inconnues peut-être.

Il y a deux siècles, un peu plus même, le Cavalier Marin,
puis vingt ans plus tard Georges de Scudéry, publièrent deux
ouvrages de ce genre. La Galerie du Cavalier Marin qui eut
un fort grand succès n'était, pas plus que le Cabinet de M. de
Scudéry, la description d'objets personnels garnissant leurs
étagères, de tableaux accrochés aux murs de leurs hôtels, de
sculptures décorant les coins de leurs demeures. L'un et l'autre
se contentaient de décrire — et en fort méchants vers encore
— les toiles qu'ils connaissaient et qui alors étaient célèbres.
Scudéry y trouvait, lui surtout, un merveilleux prétexte à
écraser de ses louanges les originaux dont il rappelait les por-
traits, et le Cavalier Marin, plus franc, se contentait de joindre

à sa description de tableaux le portrait en vers des gens qu'il
tenait à louer, sans s'occuper de savoir si leurs traits étaient
ou non reproduits sur la toile.

On trouve, il nous semble, dans ces trois ouvrages conçus
ou écrits à deux siècles de distance, une représentation exacte
du goût et des mœurs de chaque époque. Sans permettre une
comparaison, les deux ouvrages que nous venons de citer
autorisent un rapprochement entre eux et le dernier ouvrage
de M. Edmond de Concourt.

II

La Galerie du Cavalier Marin, ou, pour être plus exact, la
Galeria del Cavalière Marino, car elle fut écrite et publiée en
italien, date de l'année 1620. L'exemplaire qui se trouve à la
Bibliothèque nationale est un petit in-16 relié en veau brun,
ne portant ni date, ni nom d'imprimeur. En tête se trouve une
gravure assez médiocre. Une sorte de guerrier, casque en tête,
lance en main, indique les tableaux suspendus aux murs et
quelques sculptures à deux Renommées, dont l'une tient une
liste qu'elle déploie au fur et à mesure de cette énonciation,
tandis que l'autre, le burin à la main, inscrit les œuvres d'art
qui lui sont signalées sur une tablette de marbre. Cette figu-
ration de la Renommée voulant perpétuer à jamais le souvenir
d'ouvrages remarquables est bien dans le style du temps.

Dans son avis au lecteur, « a chi legge », le Cavalier Marin
explique qu'il a voulu former un musée non seulement des
peintures et sculptures alors réputées glorieuses, mais qu'il y
a ajouté les portraits en vers d'hommes célèbres dans l'antiquité
et à l'époque où il vivait. Son livre comprend en effet trois
parties : « tavole, historié, ritratti », c'est-à-dire : « badinages,
descriptions historiques et tableaux». Sans doute quelques-uns
des tableaux qu'il décrit lui appartiennent, mais ils sont en
petit nombre, et lui-même a soin, pour les plus célèbres,
d'indiquer qu'ils se trouvent « in casa di Giov. Carlo Doria;
in casa di Bartolomeo délia Nave ; nelle galeria del Cardinale
Aldobrandini ». Et dans cette revue de toiles remarquables
nous notons les noms du Corrège, de Michel-Ange, du

1. La Maison d'un artiste, par Edmond de Concourt Deux volumes in-18 Jésus. Paris, Charpentier. 1881.
 
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