L' art: revue hebdomadaire illustrée (2.1876 (Teil 2))

LONDON SEASON. 37

qu'il soit loin d'être apprécié autant qu'il en est digne, M. Jong-
kind l'a compris et pratiqué avec un incomparable succès. Quel-
ques jours à peine se sont écoulés depuis que tous les passion-
nés sincères se pressaient à la vente de la collection Halphen
devant deux tableaux du peintre hollandais — un Port de mer et
une Vue de Notre-Dame de Paris} la nuit — créations admirable-
ment établies, équilibrées avec une sûreté toute magistrale, litté-
ralement baignées d'air, dessinées dans la perfection et non
moins bien peintes. Qu'un seul de ces messieurs que je ne veux
pas nommer, car je ne me pardonnerais pas de faire à leur or-
gueilleuse nullité l'ombre d'une réclame, qu'un seul d'entre eux
parvienne jamais à égaler la moins bonne de toutes les produc-
tions de Jongkind pour ne prendre que lui comme exemple, et je
m'empresserai de faire mon meâ culpâ et de proclamer bien haut
mon aveuglement ; mais que l'on ne. me demande pas de louer

aujourd'hui quoi que ce soit chez ces vandales; il me faudrait
d'abord renier mes Dieux, les Delacroix, les Théodore Rousseau,
les Decamps, les Jules Dupré, les Corot, les Troyon, les Diaz,
et ce n'est pas moi qui porterai sur eux une main sacrilège. Je
renvoie les soi-disant novateurs de l'exposition de la rue Le Pele-
tier, où le paysage domine, à l'étude d'un véritable chef-d'œuvre,
du Rousseau de la collection William T. Blodgett gravé pour
Y Art par M. Théophile Chauvel; s'il leur reste le moindre sen-
timent de respect pour la peinture si outrageusement traitée par
eux, ils auront la pudeur en présence d'une pareille page de
maître, d'avouer qu'il leur reste tout à apprendre et d'apprécier
enfin à leur réelle valeur leurs croûtes outrecuidantes qui n'en
ont aucune1.

Léon Mancino.

LONDON SEASON

1.

Si l'on n'était encore si routinier en France, on n'attendrait
pas l'ouverture de la Saison pour faire un pèlerinage artistique à
Londres. Tout véritable amateur devrait braver annuellement les

Daphnis et Chloé.

Fac-similé d'un croquis de Jules Daiou, d'après son groupe
en plâtre du Salon de 1869.

plus vilains mois d'hiver pour ne pas manquer cette fête de l'in-
telligence que renouvelle depuis sept ans la Royal Academy sous
le titre de Exhibition of Works by the Old Masters. and by

Deceased Masters of the British School. Certes l'exposition à
jamais fameuse des Trésors d'Art à Manchester a été pour ses nom-
breux visiteurs étrangers la plus splendide des révélations ; néan-
moins elle n'a point, malgré son incomparable éclat, initié les ama-
teurs du continent aux merveilles de l'art anglais aussi parfaitement

La Brodeuse.

Statue en plâtre de Jules Dalou, médaillée au Salon de 1870.
Fac-similé d'un croquis de l'auteur.

que sont de nature à le faire les solennités d'hiver organisées par
l'Académie en l'honneur des maîtres du passé de toutes les écoles
et spécialement de l'école nationale. C'est que plus d'unproprié-

1. Nous avons été plus que surpris de voir fourvoyées dans cette galère les eaux-fortes de M. Legros. Elles sont fort remarquables ces eaux-fortes, à
quelques planches près, par exemple celle où l'artiste a représenté des paysannes qui toutes sont trop courtes.

Les aquarelles de M. J. B. Millet, le frère du maître-que pleure l'école française, détonnent par leur faire si serré, si soutenu, leur sentiment si sincère, au
milieu de cette horrible débauche de dessin et de couleur.

M. Desboutin ferait plus que sagement d'abandonner la peinture pour l'eau-forte, non qu'il excelle dans ce genre de gravure, — la façon si lourde dont il a
traité la physionomie élégante de M. Jules Jacquemart ne montre que trop tout ce qui lui reste à apprendre, — mais il annonce de réelles dispositions comme
aquafortiste et il a même déjà rencontré plus d'une agréable réussite