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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Perrin, Émile: Georges Bizet
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0348

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308

L'ART.

cruelles, c'est la persistance des regrets qu'elles excitent, c'est
l'empressement qui se fait autour de ces funèbres anniversaires et
qui les change en des jours de triomphe. C'est comme la re-
vanche de la mort, et il sied bien à l'art de notre pays de cou-
ronner ses plus illustres morts, de glorifier ainsi ses douleurs.

Oh ! mon cher Bizet ! ce sont les plus chers de tes amis qui
ont voulu, pour toi, se charger de ce soin. Celui qui a dessiné
cette stèle funèbre, qui l'a élevée, qui y a inscrit le nom de tes
œuvres, cette splendide aurore d'un jour qui ne devait pas s'ache-
ver, c'est l'architecte de cet édifice grandiose dont les propor-
tions et la magnificence excitent l'étonnement et l'admiration, que
nous envient toutes les capitales et qui à lui seul forme un des
éléments certains de la prospérité de notre cité. Celui qui a mo-
delé ce bronze et donné une seconde vie plus durable, hélas!
à tes traits si présents à nos mémoires, c'est l'artiste prédestiné
qui fait renaître parmi nous les plus pures et les plus nobles tra-
ditions des époques héroïques de l'art; celui qui, à l'exemple
des maîtres d'autrefois, atteste tour à tour sa supériorité comme
peintre et comme statuaire, celui dont la main, maîtresse de
toutes les formes de l'art, familière à tous les succès, semble las-
ser toutes les récompenses. Ceux enfin qui s'empressent autour
de ce tombeau, ceux par la sollicitude desquels il a été élevé, qui

sont venus l'inaugurer aujourd'hui, ou qui se joignent à nous
par la pensée, n'est-ce pas tous ceux qui, dans les lettres comme
dans les arts, représentent la vie actuelle et la gloire future de
notre pays ? N'est-ce pas surtout les membres de cette famille,
de cette école dont Bizet s'honorait de faire partie, qui garde et
qui transmet, comme un dépôt sacré, la dignité, l'étude et l'en-
seignement des arts en France.

Oh! mon cher Bizet ! je puis te parler encore, car te voilà
rendu vivant à nos regards, tu es revenu parmi nous, tu semblés
nous écouter et nous entendre. Pardonne-moi si je ne te porte
qu'un écho affaibli de notre affection et de nos regrets. Ce n'est
pas à moi que devait revenir l'honneur d'être leur interprète,
mais à cet ami absent avec qui tu avais lutté, 'avec qui tu avais
vaincu, qui t'avait ouvert de si grand cœur et livré ce théâtre
dont tu devais être la fortune et l'honneur. Ta mort l'a frappé
d'un coup mortel, le mal l'enchaîne, il n'a pu être des nôtres,
pardonne-lui s'il n'a pas, comme chacun de nous aujourd'hui,
cette consolation suprême d'emporter dans son cœur l'image de
ton dernier sourire accueillant notre dernier adieu.

Emile Perrin,

Administrateur général de la Comédie-Française

Marcha Prim.

Gravure de F. Méaulle, d'après la lithographie de Henri Regnault, pour la Marche composée

par M"1e la comtesse de Barck.
 
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