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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 4)

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Soldi, Émile: Les camées et les pierres gravées, [2]: histoire d'un art qui tombe
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https://doi.org/10.11588/diglit.16692#0290

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LES CAMÉES ET LES PIERRES GRAVÉES. 249

Comme on le voit, la France est à l'heure présente tributaire pour les pierres gravées des mau-
vaises productions de l'industrie étrangère, quand avec notre goiit et nos ressources cet art devrait
faire partie et augmenter le nombre de nos gloires artistiques nationales.

La possibilité de relever la gravure en pierre fine peut venir de trois influences différentes : l'État,
le public, les artistes. Nous allons examiner successivement de quelle manière ces influences peuvent
y contribuer.

L'État peut d'abord faire l'instruction du public, lui former le goût. Pour cela il doit commencer
par laisser voir au public une des plus belles collections de l'Europe; nous avons nommé le
Cabinet des médailles et des pierres gravées de la Bibliothèque nationale. Se doute-t-on qu'elle existe
à Paris, cette collection unique, aussi précieuse que celle de la galerie d'Apollon? A part un très-petit
nombre de spécialistes, peu de personnes la connaissent, car il semble que toutes les difficultés aient
été accumulées tout exprès pour en empêcher l'accès au public. C'est le mardi seulement, de dix
heures et demie du matin à trois heures et demie (un seul jour de la semaine, à une heure incommode,
quand en Angleterre des collections similaires au musée de Kensington sont ouvertes tous les jours
jusqu'à dix heures du soir), que l'on doit chercher dans la rue Richelieu une petite porte basse, sans
la moindre indication ou inscription qui la fasse remarquer. Elle est fermée même le jour public; il
faut sonner, parlementer avec un gardien, subir l'ennui d'un vestiaire supprimé dans les autres
musées, monter un petit escalier aboutissant à une porte fermée à double tour; un autre surveillant
l'ouvre à votre arrivée, et l'on est moins étonné après ce luxe de précautions de trouver à peine trois
ou quatre visiteurs, la plupart étrangers amenés par le guide. Pourquoi tous ces ennuis, ces mystères?
Parce que le cabinet fut dévalisé nuitamment, il y a une cinquantaine d'années, par des coquins restés
inconnus. Toujours la routine! Par la même raison la galerie d'Apollon et les musées de l'Europe, qui
laissent entrer le public avec facilité, devraient imiter cet exemple ou être volés depuis longtemps.
Rappelons qu'il y a un personnel de conservateurs et gardiens de dix personnes toujours présents dans
cette salle et celle dite de Luynes qui y est attenante, sans compter que les soldats du poste voisin y
viennent renforcer les gardiens! C'est à notre nouveau ministre si bien intentionné, aux savants,
conservateurs de cette collection que j'ose humblement adresser cette requête. Essayons donc une
fois de secouer cette colossale et lourde réglementation administrative qui nous étreint de toutes parts
et qui nous couvre de ridicule.

Un artiste, il y a quelques années, ayant obtenu une médaille au Salon pour une pierre gravée,
essaya de vendre son travail à l'Etat. La direction des Beaux-Arts lui déclara ne pas avoir de fonds
pour la gravure en pierre fine; pourtant un des directeurs les plus éminents de la Bibliothèque lui
avoua la nécessité, au moins de temps à autre, d'acheter quelques œuvres modernes pour continuer la
série du cabinet; mais à la Bibliothèque pas plus qu'à la direction des Beaux-Arts, on n'avait de
fonds pour achats aux artistes vivants. «Du reste ce serait rendre un bien mauvais service aux artistes,
lui dit-il, que d'enfouir leurs œuvres dans le tombeau qui a pour nom le Cabinet des pierres gravées! »
L'artiste se tint pour averti, et abandonna la gravure en pierre fine. Ses débuts avaient été pourtant
heureux, mais il ne pouvait pas gagner sa vie, à moins de faire de l'art au rabais pour le commerce.

Pourquoi ne ferait-on pas une part dans le budget des Beaux-Arts aux pierres gravées comme
on le fait aux autres arts de la gravure? Pourquoi l'État n'en achèterait-il pas, n'en commanderait-il
pas? L'on peut donner un joyau comme récompense aussi bien qu'un vase de Sèvres, une tapisserie
des Gobelins ou une édition de luxe. Pourquoi ne pas en doter nos musées, quand il se présente une
belle œuvre? Les pierres gravées n'exigent qu'une place des plus modestes, et leurs prix sont des plus
modiques comparativement à la peinture (un camée atteint rarement la somme de quelques milliers
de francs).

Si on a justement critiqué la direction artistique sous-l'Empire il faut reconnaître que M. le comte
de Nieuwerkerke, cherchant le premier à rompre avec la routine, a commencé à faire faire quelque
progrès à la glyptique. Sa direction acheta à M. Galbrunner, en 1859, une œuvre des plus remarquables;
c'était une superbe agate dans laquelle cet artiste avait gravé un buste de Napoléon III. Ce travail figura
longtemps avec honneur dans les vitrines de la galerie d'Apollon. La politique que l'on mêle trop
souvent à l'art dans notre pays, l'en a fait retirer, comme si les œuvres d'art pouvaient être un danger.
Tome VII. 32
 
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