un détachement des chevaliers-gardes qui de'fîlent sur des che-
vaux blancs, devant la rampe, la botte à l'étrier, la cuirasse au
justaucorps, le casque d'acier poli brochant sur le costume avec
des miroitements qui forcent à baisser les paupières. Et non
seulement ces hoplites de la cavalerie défilent en ordre parfait,
mais encore, et c'est là une combinaison de génie, ils tournent
bride et se pressent, face au public, sur une estrade praticable
élevée aux dernières fermes de la scène, tandis qu'à leurs pieds
la farandole interrompue se reprend de griserie. Au-dessus de
tout cela, imaginez des oriflammes qui surplombent la figura-
tion, des torchères, des girandoles qui courent en langues de
étau ; on a procédé au rebours de Salvator Rosa, du Bourgui-
gnon ou de Van der Meulen, qui cherchaient l'effet dans le
simulacre du fracas et dans les trompe-l'œil de la lutte corps à
corps. Le dirai-je ? on a organisé le néant, et cette philosophie
du lendemain de la bataille renferme en soi plus d'horreurs et
de tristesses que les onomatopées de la bataille elle-même.
La tente d'Ivan Ogareff, un traître qui a entrepris la ruine
des projets de Michel StrogofF, est de ces décors gris et froids à
dessein que Boileau a recommandés jadis en vantant l'ombre qui
doit donner du lustre au tableau. On ne lui gardera donc pas
rancune de sa modestie. Tout s'efface d'ailleurs devant le camp
feu aux balcons des mai- de l'émir Féofar, vain-
sons, et vous n'aurez '^^^^^^^^/^'^^^^^y'^^^/^yy/' • ' ' J-'l queur des Russes,
qu'une faible idée de ces ^^^^^^^^M^^^-. ' / ;>'.ri^2v Certes, c'est un dé-
masnificences du Nord. ^J^^^^^-^^^^^yyy- : m - <ï%^j%s cor brillant que celui
Les deux tableaux ' - , ■ ■ du camp de l'émir, et
qui suivent ^ sont très ^^^^^^^^^^^^^^ . . £ ~J ' " ^ ^ ^.^-^ ^
route pour Irkoust; nous ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ '^^^^^^^^^ radieux horizons. La
voici, ^ ' ^^^^
russe. L'attaque de Koly- ' j'^^^^^M^^^^^^^^^^' de Kolyvan, et dans quel
van n'est indiquée que , ^é^ÉÊ^^^^Ê^^^^^^^^mM^Ê^: apparat, grands dieux !
par un bruit de fusillade # 'ci^^^^^/^SS^^ÊSm^^^^^^/.; I-es descriptions com-
mune acre odeurdepou- ^ ^^^^ ^ ^co|lt^ur^
dans' cet ossuaire à Ilcu^ ^ ' ^^[ inextricable de ton^som^
déterre. C'est un chaos Amazone. (Deuxième ballet.) — Dessin dé Th. Thomas. bres hurlant à côté des
de caissons renversés et nuances claires, comme
de canons cncloués; dans les roues de fer, dans les gueules de
bronze, le silence. Des soldats, sac au dos, la main crispée sur
la crosse des fusils, jonchent le sol, semblables à de hideuses
végétations de guêtres et de tuniques sanglantes. Dans des pans
de murs béants, on voit sourdre çà et là des filets de fumée
bleuâtre, dernier râle de l'incendie asthmatique. Des squelettes
de bois dont les bras servaient sans doute à monter l'eau ou à
supporter les veilleurs de nuit, se dressent dans l'air avec des
gestes contraints et décontenancés, et, derrière les nuages noirs
qui masquent encore le ciel, voici l'aurore qui déploie ses nappes
orangées pour le déjeuner du soleil, et lance ses rayons à la
face des querelles humaines. Cette mise en scène est d'une exé-
cution superbe ; la main d'un maître l'a disposée, et l'art d'af-
fecter tous les sens par le seul sens de la vue ne saurait aller au
delà. Elle ne cause pas l'épouvante, elle serre le cœur dans un
ces chiens qui aboient à la lune. Imaginez un mortier dans
lequel un pilon vertigineux broie pendant un quart d'heure
l'or et l'argent, le vert et le bleu, la soie et le damas, les perles
nacrées, le rouge sang, le cuir fauve et l'escarboucle ivre de
rayons. Porte-étendards et derviches, guerriers et bayadères,
prêtres et jongleurs, eunuques et fauconniers décrivent des orbes
magiques. Telle une exposition générale de toutes les châsses
du globe, un triomphe des reliquaires assemblés. Cette dépense
imposante de costumes et d'accessoires fait un peu regretter la
faiblesse du ballet où l'on ne relève aucune combinaison origi-
nale : c'est un ballet d'école qu'on connaît pour l'avoir vu, à l'état
embryonnaire, dans Peau d'âne, Cendrillon, les Pilules du
diable ou toute autre féerie qu'il vous plaira de vous remé-
morer. Je signalerai comme un heureux contraste l'entrée des
cymbalières à corsage violet. Pour que l'illusion soit complète,
vaux blancs, devant la rampe, la botte à l'étrier, la cuirasse au
justaucorps, le casque d'acier poli brochant sur le costume avec
des miroitements qui forcent à baisser les paupières. Et non
seulement ces hoplites de la cavalerie défilent en ordre parfait,
mais encore, et c'est là une combinaison de génie, ils tournent
bride et se pressent, face au public, sur une estrade praticable
élevée aux dernières fermes de la scène, tandis qu'à leurs pieds
la farandole interrompue se reprend de griserie. Au-dessus de
tout cela, imaginez des oriflammes qui surplombent la figura-
tion, des torchères, des girandoles qui courent en langues de
étau ; on a procédé au rebours de Salvator Rosa, du Bourgui-
gnon ou de Van der Meulen, qui cherchaient l'effet dans le
simulacre du fracas et dans les trompe-l'œil de la lutte corps à
corps. Le dirai-je ? on a organisé le néant, et cette philosophie
du lendemain de la bataille renferme en soi plus d'horreurs et
de tristesses que les onomatopées de la bataille elle-même.
La tente d'Ivan Ogareff, un traître qui a entrepris la ruine
des projets de Michel StrogofF, est de ces décors gris et froids à
dessein que Boileau a recommandés jadis en vantant l'ombre qui
doit donner du lustre au tableau. On ne lui gardera donc pas
rancune de sa modestie. Tout s'efface d'ailleurs devant le camp
feu aux balcons des mai- de l'émir Féofar, vain-
sons, et vous n'aurez '^^^^^^^^/^'^^^^^y'^^^/^yy/' • ' ' J-'l queur des Russes,
qu'une faible idée de ces ^^^^^^^^M^^^-. ' / ;>'.ri^2v Certes, c'est un dé-
masnificences du Nord. ^J^^^^^-^^^^^yyy- : m - <ï%^j%s cor brillant que celui
Les deux tableaux ' - , ■ ■ du camp de l'émir, et
qui suivent ^ sont très ^^^^^^^^^^^^^^ . . £ ~J ' " ^ ^ ^.^-^ ^
route pour Irkoust; nous ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ '^^^^^^^^^ radieux horizons. La
voici, ^ ' ^^^^
russe. L'attaque de Koly- ' j'^^^^^M^^^^^^^^^^' de Kolyvan, et dans quel
van n'est indiquée que , ^é^ÉÊ^^^^Ê^^^^^^^^mM^Ê^: apparat, grands dieux !
par un bruit de fusillade # 'ci^^^^^/^SS^^ÊSm^^^^^^/.; I-es descriptions com-
mune acre odeurdepou- ^ ^^^^ ^ ^co|lt^ur^
dans' cet ossuaire à Ilcu^ ^ ' ^^[ inextricable de ton^som^
déterre. C'est un chaos Amazone. (Deuxième ballet.) — Dessin dé Th. Thomas. bres hurlant à côté des
de caissons renversés et nuances claires, comme
de canons cncloués; dans les roues de fer, dans les gueules de
bronze, le silence. Des soldats, sac au dos, la main crispée sur
la crosse des fusils, jonchent le sol, semblables à de hideuses
végétations de guêtres et de tuniques sanglantes. Dans des pans
de murs béants, on voit sourdre çà et là des filets de fumée
bleuâtre, dernier râle de l'incendie asthmatique. Des squelettes
de bois dont les bras servaient sans doute à monter l'eau ou à
supporter les veilleurs de nuit, se dressent dans l'air avec des
gestes contraints et décontenancés, et, derrière les nuages noirs
qui masquent encore le ciel, voici l'aurore qui déploie ses nappes
orangées pour le déjeuner du soleil, et lance ses rayons à la
face des querelles humaines. Cette mise en scène est d'une exé-
cution superbe ; la main d'un maître l'a disposée, et l'art d'af-
fecter tous les sens par le seul sens de la vue ne saurait aller au
delà. Elle ne cause pas l'épouvante, elle serre le cœur dans un
ces chiens qui aboient à la lune. Imaginez un mortier dans
lequel un pilon vertigineux broie pendant un quart d'heure
l'or et l'argent, le vert et le bleu, la soie et le damas, les perles
nacrées, le rouge sang, le cuir fauve et l'escarboucle ivre de
rayons. Porte-étendards et derviches, guerriers et bayadères,
prêtres et jongleurs, eunuques et fauconniers décrivent des orbes
magiques. Telle une exposition générale de toutes les châsses
du globe, un triomphe des reliquaires assemblés. Cette dépense
imposante de costumes et d'accessoires fait un peu regretter la
faiblesse du ballet où l'on ne relève aucune combinaison origi-
nale : c'est un ballet d'école qu'on connaît pour l'avoir vu, à l'état
embryonnaire, dans Peau d'âne, Cendrillon, les Pilules du
diable ou toute autre féerie qu'il vous plaira de vous remé-
morer. Je signalerai comme un heureux contraste l'entrée des
cymbalières à corsage violet. Pour que l'illusion soit complète,