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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Fouqué, Octave: Art musical, [1]
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doute se prolongera, — M. Ch. M. Widoï est sûr de passer à
l'a postérité la plus reculée. De même que les érudits de nos
jours aiment à répéter que Montéclair fut le premier à intro-
duire la contrebasse à l'orchestre de l'Opéra, que les trombones
datent de Gluck, et que le tam-tam ou gong chinois résonna
pour la première fois en France aux funérailles de Mirabeau,
sous la main du compositeur Gossec, de même les curieux des
siècles futurs, fouillant dans la poussière des bibliothèques, y
trouveront la preuve des innovations orchestrales de M. Widor.

Ces innovations sont au nombre de trois. D'abord voici la
première fois que les sons de l'orgue se font entendre au milieu
d'un ballet. L'orgue à l'Opéra date de Robert le Diable. Il a
été souvent employé dans les œuvres lyriques, mais la choré-
graphie n'avait pas encore eu recours au timbre grave et sévère
du magistral instrument. L'occasion ne s'était peut-être pas
présentée ; ici la scène se passe en Bretagne, pays religieux par
excellence. M. Widor est organiste, il s'en est souvenu, et très
heureusement.

Au second acte, pour ajouter à l'impression fantastique du
paysage où les Korriganes doivent venir se livrer à leurs danses
sabbatiques, M. Widor a placé dans la coulisse un chœur dont
la voix mystérieuse semble être celle d'êtres invisibles et surna-
turels. C'est là un effet inconnu au ballet, mais dont l'opéra
donnait à M. Widor plus d'un modèle. On se souvient du qua-
trième acte de Rigoletto, où, tandis que l'horrible drame se
dénoue sur la scène, les sixtes des ténors à bouches fermées
simulent au loin les douloureux mugissements du vent; de
l'Africaine, où les voix aériennes exaltent l'âme de Sélika en
proie à l'extase du moment suprême; à'Hamlet enfin, où tandis
qu'Ophélie s'abandonne au cours de l'eau, s'élève de tous côtés,
comme le bruissement plaintif des esprits voltigeant sur le lac
solitaire, la mélodie chantée quelques instants auparavant par la
jeune fille délaissée.

La troisième innovation de M. Widor consiste dans l'emploi
du typophone Mustel, instrument peu connu et entièrement
inusité dans nos orchestres. Peut-être si le compositeur eût
poussé la hardiesse jusqu'à confier une mélodie à ce nouvel
organe de la pensée musicale, l'effet produit eût été plus agréable
encore.

L'interprète la plus fêtée, et à juste titre, est M"° Rosita
Mauri. La grâce souriante, l'originale vivacité de cette enfant,
jointes à son étonnante virtuosité, font à l'Académie de danse
comme un rajeunissement. Mllc Mauri accomplit de véritables
tours de force, et sous le rapport de l'exécution elle n'a rien
à envier à personne : légèreté, hardiesse, souplesse du corps et
de la physionomie, elle a tout ce qui est nécessaire pour briller
dans son art au premier rang. Elle joue et mime avec intelli-
gence le rôle de la pauvre Yvonnette. Après elle, mentionnons,
outre les noms déjà cités plus haut, M"c Sanlaville, reine des
Korrigans, M"" Ottolini, gracieuse dans un rôle de petit men-
diant, MM. Ajas et Cornet.

La Korrigane nécessite deux décors. Le premier a été
demandé à M. Lavastre. Il représente la place principale d'un
village breton. C'est un vrai chef-d'œuvre de lumière, de gaieté
reposante et champêtre. L'auberge est à gauche, en face de
l'église, laquelle est du style ogival le plus pur; à droite le

puits, avec sa monture en fer curieusement ouvragé; plus loin,
la route qui s'en va dans le soleil à travers les cabanes misérables
des paysans, et qui se détourne pour laisser voir la mer bleue
bordée de hautes falaises. Le décor du second acte a pour auteurs
MM. Rubé et Chaperon ; il représente une lande déserte. Le
menhir, debout, veille près du dolmen endormi ; autour de ces
témoins des âges disparus, les Korriganes dansent leur ronde
échevelée. Ce tableau a un mérite particulier d'exécution.
D'abord aperçu dans l'obscurité, il est destiné à s'éclairer, vers
la fin de l'acte, des rayons du soleil levant. Or on sait que c'est
une difficulté très grande de montrer la même toile sous ces
deux aspects si différents. Il n'y a pas très longtemps encore
qu'à l'Opéra, lorsqu'un décor devait être ainsi vu de jour et de
nuit, on aimait mieux, si la situation le permettait, peindre deux
toiles, que de s'exposer à en faire voir une qui eût risqué d'être
défectueuse. Ici, grâce au progrès de l'art, et aussi au talent
magistral des peintres que nous avons nommés, l'effet obtenu est
considérable. Il faut surtout noter au second plan un vaste
étang, qui est une merveille : sous la lumière grise de la nuit,
l'eau des flaques est terne, sans reflet; puis à mesure que le
jour se lève, cette eau s'irise des feux rosés de l'aurore, et peu
à peu devient tout à fait claire. C'est une vive et délicieuse
impression de fraîcheur matinale et de joyeux réveil.

Les costumes de la Korrigane ont été dessinés par M. La-
coste. Ils sont parfaits d'exactitude bretonne, et, ce pourquoi l'on
pouvait craindre, suffisamment gais. Du reste, l'éloge des cos-
tumes et des décors de l'Opéra de Paris n'est plus à faire : la
richesse et la vérité ne sauraient être poussées plus loin. Le
directeur actuel paraît vouloir encore dépasser ses prédécesseurs
sous ce rapport, et n'épargne rien pour que dans sa maison la
musique soit dignement et somptueusement entourée. Dans la
mise-en scène de la Korrigane comme dans celle d'A'ida,
M. Vaucorbeil s'est montré homme d'initiative, de savoir et de
goût. Nous nous plaisons à lui rendre cet hommage, en com-
pensation des critiques un peu vives que certains essais malheu-
reux nous obligent parfois à lui adresser.

Le théâtre des Folies-Dramatiques vient de donner une
pièce nouvelle: la Mère des Compagnons. Malgré les assurances
de l'affiche, cet ouvrage ne saurait passer pour un opéra-
comique. C'est un drame-vaudeville avec ce qu'on est convenu
j d'appeler de la musique nouvelle, même lorsqu'elle n'a rien de
nouveau. On a entendu mille fois les refrains de la Mère des

I

I Compagnons au café-concert. La pièce est bien taite, d'une
allure populaire, avec la pointe de sentiment qui plaît au public
du lieu. Elle est très bien jouée par M"1" Simon-Girard,
MM. Maugé, Lepers, Luco, Max-Simon.

On a exécuté il y a quelques jours au Conservatoire les
envois des prix de Rome. Des fragments dus à deux des pen-
sionnaires de l'Académie des Beaux-Arts ont été entendus.
M. Samuel Rousseau a composé un poème symphonique sur
Sabinus et Eponîne. L'ouverture de cet ouvrage est d'un bon
sentiment. M. André Wormser a mis en musique sans trop de
discernement la Poésie sacrée, pièce tirée des Méditations de
Lamartine. Cependant on a pu remarquer dans cet envoi une
fugue fort régulière, des chœurs sonores et bien écrits.

j OCTAVK FOUQUE.
 
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