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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Champfleury: Études sur l'art, la littérature, la musique d'après les vignettes romantiques, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0067

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56 L'ART.

observé de la figure du personnage, et il conviendrait autant de donner le portrait du valet
de chambre de l'homme célèbre que cette inutile image.

Ces réflexions, peut-être un peu grondeuses, tombent cependant devant une représentation
tout à fait fantastique, inspirée à Ziegler1 par la caractéristique des œuvres d'Hoffmann; vérita-
blement, les dames qui lurent la traduction des Contes donnée par Théodore Toussenel durent
avoir une singulière idée du romancier berlinois.

En réalité, Hoffmann était d'allures correctes dans les divers postes qu'il occupa, soit comme
greffier du tribunal criminel, soit comme chef d'orchestre du théâtre de Cracovie.

Les travaux qui le faisaient vivre terminés, Hoffmann allait rejoindre ses amis dans une
cave de Berlin, c'est-à-dire un petit sous-sol tendu d'un papier à fleurs, éclairé convenablement
et où les habitués pouvaient boire en fumant et en dissertant esthétique. En somme, une sorte
de petit salon particulier d'une tabagie. L'imagination de Théodore Hoffmann, d'Adalbert de

Chamisso, de Lamothe-Fouqué, qu'elle s'appuyât sur de
curieux faits scientifiques ou du domaine de l'art pur,
était suffisamment tenue en éveil dans ce milieu bour-
geois. Les dessinateurs romantiques ne voulurent pas
l'envisager ainsi.

On [s'imagina que la chevelure d'Hoffmann lançait
des reflets étranges semblables à ceux du punch bleuâtre
brûlant dans un bol d'argent. Le conteur fut condamné à
porter une cravate dénouée, un pantalon collant terminé
naturellement par de fins escarpins. Sa physionomie sur
les limaces devint celle d'un être extraordinairement
névralgique, dévoré par de bizarres pensées.

Il m'en coûte de détruire cette iconographie de fan-
taisie ; au premier aspect et à regarder en passant un
portrait réel d'Hoffmann, il ferait penser à un juif alle-
mand, si des yeux humoristiques n'indiquaient un regard
. „, ... .7-„,Tl„ sans cesse en quête de gnomes, de Daucus carota. d'hé-

Fac-simile d'une vignette attribuée a Ziegler. 1 o ' >

roïnes bizarres et de personnages détraqués vagabondant
dans le cerveau du conteur; mais lui-même le conteur est, malgré ses bizarres conceptions, au
contraire pondéré aussi juste que le commande l'exercice de son art.

Beethoven peut être en proie à de vives souffrances morales; c'est, au physique, un homme
semblable à ses contemporains.

Tout le monde connaît l'admirable petite statue berlinoise qui représente Gœthe debout, le
ventre faisant saillie sous la houppelande boutonnée. Voilà une œuvre qui nous fait connaître
l'homme de génie dans sa vie.

Voulez-vous voir un premier rôle de l'Ambigu-Comique ? Regardez ce jeune homme fatal,
appuyé contre une rangée de tonneaux dans une sombre cave ; il fume une longue, longue pipe,
en contemplant des crapauds, des couleuvres, des gnomes et des larves. Voilà l'Hoffmann roman-
tique, l'Hoffmann de 18342.

Il paraît que de telles images étaient nécessaires à la compréhension de ses contes. Mais
combien les Allemands durent être étonnés de l'imagination de nos dessinateurs !

Champfleury.

[La suite prochainement.)

1. J'attribue à Ziegler ce singulier frontispice, me fondant sur l'avis de l'éditeur Jules Lefebvre : «Vignettes pour les Œuvres
complètes de Hoffmann, d'après les dessins de Tony Johannot et Ziegler, gravés sur bois par Porret. Il paraîtra une livraison de 4 vignettes
par livraison de texte. » Ce projet n'eut pas de suite. Tony Johannot, d'ailleurs, était engagé par Renduel pour les vignettes de l'édition
Loëve-Weymar. Restait Ziegler et c'est ce qui me pousse à lui attribuer la vignette ci-dessus.

2. Le Magasin pittoresque, le Musée des familles rivalisaient à la même époque de portraits extravagants, de prétendus fac-similés de
dessins d'Hoffmann; j'en ai déjà parlé et j'y ai joint un dessin d'Henry Monnier qui mystifia le public des Magazines en donnant comme
conteur une fantasmagorie sans parenté avec l'essence germanique. Voir Henry Monnier, sa Vie, son Œuvre. Paris, Dentu, 187g

e. T. A. Hoffmann.
 
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