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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Ménard, René: Histoire artistique du métal, [4]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0151

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140

L'ART.

de 1878 prouve qu'il entend lui conserver sa position exception-
nelle dans l'orfèvrerie française. On a particulièrement remarqué
un grand surtout de table, style Louis XVI, un vase Renaissance
décoré de bas-reliefs représentant des amazones, et une superbe
pièce décorative figurant un char traîné par des chevaux
marins, et conduit par des tritons.

Fauconnier, dont la réputation date également de la Restau-
ration, fut un véritable artiste. Un grand vase, commandé par le
roi Charles X, pour être offert en cadeau au sultan, et une
autre pièce du même genre, offerte par souscription au général
Lafayette, sont ses principaux ouvrages. Trop amoureux de son
art pour être bien habile à gérer ses affaires, Fauconnier fut
souvent en perte avec de grands travaux, pour lesquels il
employait toujours les plus habiles collaborateurs, et qui souvent
lui revenaient plus cher qu'ils ne pouvaient lui rapporter.
Il mourut pauvre, laissant à ses neveux, les frères Fannière,
l'héritage de son beau et consciencieux talent.

Kirstein, orfèvre alsacien de la même époque, a introduit
dans l'orfèvrerie un genre pittoresque, qui a trouvé des imita-
teurs, mais qui, malgré le talent qu'il y a dépensé, nous semble
très peu approprié au métal. Cet Alsacien était grand chasseur
et grand marcheur : il explorait sans cesse les Vosges et les
montagnes de la Forêt-Noire, et il cherchait dans les paysages de
son pays des motifs qu'il pût traduire avec l'or ou l'argent.
Il n'existait alors aucun précédent pour ce genre, dont il est bien
réellement le créateur. Les biches, les cerfs, les sangliers, étaient
pris sur le vif ; il obligeait le métal à se faire paysagiste, en sorte
que les branches et les broussailles, se mêlant aux cornes et aux
pattes des animaux, produisent quelquefois une certaine confu-
sion dans l'ensemble ; mais il rachetait tout par l'ingéniosité de
l'invention, le charme de l'agencement, la finesse du mouvement,
la délicatesse exquise du travail.

Ces sujets pittoresques, qu'il traitait toujours en demi-
relief, lui servaient à orner des tabatières, des broches ou des
médaillons. Ses chasses et ses groupes d'animaux étaient toujours
fort petits et travaillés avec une incroyable minutie. Malgré tout
le talent qu'il a dépensé dans des pièces de ce genre, l'esprit
conçoit,avec une certaine répugnance des forêts et des feuillages
en relief exécutés avec du métal, et si Kirstein n'avait jamais fait
autre chose, il serait peut-être cité pour la bizarrerie de son
entreprise, mais il ne serait à coup sûr pas compté parmi les
maîtres de l'orfèvrerie française. Chose singulière, cet homme,
qui a toujours rêvé d'être un novateur, ne s'est jamais élevé si
haut dans son art que dans un grand vase pour lequel il a
observé rigoureusement le style classique alors en vigueur. Ce
vase, où l'on sent en plein le goût qui a dominé en France, soas
la Restauration et sous la monarchie de Juillet, est certainement
une des plus belles pièces d'orfèvrerie que l'on ait faites à cette
époque. Le bas-relief qui court tout autour de la panse repro-
duit la célèbre composition de Thorwaldsen sur le triomphe
d'Alexandre.

Kirstein, qui s'était formé lui-même par le travail et l'obser-
vation, résolut de donner à son fils une instruction artistique très
soignée. Mais celui-ci, qui s'est fait pourtant une certaine répu-
tation comme orfèvre, a par la suite abandonné la profession de
son père, pour se livrer à peu près exclusivement à la statuaire.

Au règne de Louis-Philippe répond dans l'orfèvrerie une
période de tâtonnements et de transformations. Froment-Meu-
rice, l'orfèvre le plus illustre de ce temps, mérite que nous nous
arrêtions un moment sur ses antécédents et le rôle particulier
qu'il a eu dans les arts. Ceux qui aiment à voir les traditions d'art
et de goût se perpétuer dans une famille suivront toujours avec
intérêt les expositions de M. Froment-Meurice, dont le nom est,
depuis un demi-siècle, une des gloires de l'industrie parisienne.
Le fondateur de la maison, François Froment, ayant appris fort

jeune le métier d'orfèvre, obtint, en 1793, une médaille de
mérite et, encouragé par ce succès, il vint s'établir à Paris
l'année suivante. Il parvint à s'y faire un nom et comptait déjà
parmi les orfèvres en réputation quand la mort vint le surprendre
en 1802. Il laissait un fils d'un an, et sa veuve s'étant remariée
avec un orfèvre du nom de Pierre-Jacques Meurice, l'enfant
traité par lui comme un fils voulut joindre le nom de son beau-
père à celui de son père. Bien que la maison eût pris déjà une
grande extension à cette époque, ce fut François Froment-
Meurice qui acquit la grande célébrité aujourd'hui attachée à
ce nom.

Parmi ses œuvres capitales, on peut rappeler un bouclier
d'argent qui a figuré à l'Exposition de 1844 et qui est resté
célèbre dans l'histoire de l'orfèvrerie de cette époque. Il repré-
sentait les quatre phases principales de la vie du cheval, l'état
sauvage, la guerre, la chasse et les courses : au centre, un Nep-
tune en haut-relief était représenté domptant ses chevaux
marins. Ce bouclier est devenu la propriété de l'empereur de
Russie. En 1849, un surtout de table, exécuté pour le duc de
Luynes, et dans lequel on remarquait onze figures en ronde
bosse, représentant des personnages mythologiques, et plus tard
un encrier en or qu'il fit pour le pape, une épée d'honneur pour
le général Cavaignac et plusieurs grandes pièces de genres très
différents mirent le comble à sa réputation. « Froment-Meurice,
dit M. Ferdinand de Lasteyrie, s'essaya avec un égal succès
dans presque tous les genres d'orfèvrerie et de bijouterie. On
lui doit un nombre infini de pièces d'argenterie de table d'un
goût charmant, et en fait d'orfèvrerie religieuse, diverses œuvres
du meilleur style, parmi lesquelles je me contenterai de citer :
l'ostensoir de la chapelle du pape, un autre, de style byzantin,
offert par la reine Marie-Amélie à la cathédrale de Cologne, les
deux reliquaires de la Madeleine et le bel ostensoir de la même
église. »

S'il est difficile à un inconnu de se faire un nom dans la
production artistique, il l'est peut-être encore plus de maintenir
un nom déjà célèbre à la hauteur où l'opinion publique a l'habi-
tude de le placer. M. Emile Froment-Meurice, celui qui dirige
aujourd'hui la maison, a dû connaître cette difficulté plus que
tout autre, puisqu'à la mort de son père il était trop jeune pour
pouvoir prendre personnellement la direction et qu'il lui fallut
en quelque sorte emporter d'assaut la haute position attachée à
son nom. Il y est parvenu pourtant, et si quelques hésitations
avaient accompagné le début de sa carrière, elles ont disparu
complètement après sa belle exposition de 1878. Nous ignorons
si M. Froment-Meurice possède les qualités personnelles du
praticien, mais il possède au plus haut degré celles de l'inspira-
teur et directeur. M. Froment-Meurice joint à l'imagination une
élégance naturelle dont on retrouve la trace dans chacune de
ses productions et qui les signe en quelque sorte. Nous avons
affaire en lui à un délicat chez qui la fécondité n'exclut pas la
finesse. Il a résolu le problème difficile de produire beaucoup et
bien.

On ne peut rien imaginer de plus frais et de plus délicieux
que l'aiguière exécutée pour le roi d'Espagne. Cette aiguière de
cristal de roche montée en vermeil et ornée d'une guirlande de
fruits de perles fines à feuillages émaillés est faite d'après le
dessin de M. Henri Cameré.

Une pendule et des candélabres en argent ciselé forment
un ensemble plein de détails excessivement intéressants. Cette
pendule et ces candélabres, faits d'après un dessin de M. Ca-
meré et exécutés par M. Lafrancepour les figures, par M. Dous-
samy pour l'ornementation, appartiennent au duc d'Aumale et
sont destinés au château de Chantilly.

[La.suite prochainement.) René Ménard.
 
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