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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Jouin, Henry: Intailles et Camées, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0300

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Détrompez-vous. La statuaire use d'un ciseau. La glyptique a recours à la poudre de
diamant mélangée d'huile, aux bouterolles de fer et au touret. La main de l'homme serait
incapable sans ces auxiliaires d'avoir raison d'une émeraude. Pendant de longues années, l'artiste
demeure courbé sur son intaille. Chaque jour il revient vers son camée. De temps à autre, un
peu de poussière se détache de la sardonyx. Une forme se dessine plus nette, mieux modelée à
mesure que le pied robuste du graveur, frappant la pédale du touret, fait agir la poudre de
diamant incrustée dans le fer de la bouterolle.

Et quand son chef-d'œuvre est achevé, quand l'ouvrier de génie, descendant de Pyrgotèle et
de Dioscoride, a vieilli sur sa pierre, quelle récompense est la sienne? L'oubli.

Le sculpteur a généreusement travaillé, mais, son marbre terminé, une figure colossale
signée de son nom se dresse au grand jour. Elle décore le forum, elle est l'orgueil de la cité,
le trésor d'une patrie.

L'œuvre du graveur ne sera pas connue du public. On ne l'expose pas dans le forum. Des
mains soigneuses emportent son camée au plus secret d'une galerie ou d'un cabinet. Les lettrés
savent vaguement que telle ville possède une pierre d'Aulus, de Dioscoride, de Pyrgotèle, de
Guay, d'Adolphe David, et c'est tout. Les peintres de dixième ordre sont célèbres; les sculpteurs
secondaires ont quelque renom, les graveurs du plus grand talent sont ignorés.

Le graveur en pierres fines n'est guère à nos yeux que l'archiviste de l'art. Eh ! quoi,
lui seul a le secret de la durée. Le temps ne prévaut pas contre son œuvre, et nous traitons
son œuvre comme un parchemin ! Nous laissons à l'État le soin d'encourager ce paléographe
de la pierre, et l'État, puissance impersonnelle, ne peut mieux faire que de conserver dans ses
musées l'intaille et le camée du graveur.

Mais le curieux, l'amateur, l'homme d'intelligence, qui se passionne pour une toile ou un
vase de prix, ne songera-t-il point à la glyptique? Est-ce que la gravure en pierres fines est
condamnée comme sa sœur cadette, la gravure au burin ?

Nous ne voulons pas le croire. S'il en était ainsi, nous donnerions aux générations futures
une idée fâcheuse de notre sens esthétique. L'avenir aurait le droit d'être sévère envers le présent.
Nous nous disons artistes, éclectiques, raffinés, et devant les peintures de Pompéi tous les critiques
de l'Europe ont regretté la perte des peintures d'Apelles et de Polygnote.

A quoi bon? Sommes-nous certains que les tableaux d'Apelles, composés seulement avec
quatre couleurs, — c'est Pline qui l'affirme, — auraient éveillé chez les modernes plus que de
la surprise ?

Ce n'est pas assez que la tâche du graveur soit ingrate, nous la faisons obscure. L'État a
le soin d'enseigner un art que nous ne savons pas estimer, et l'État devra seul récompenser les
artistes courageux, nourris de la sève antique, qui se donnent à l'art du camée. Quant au public,
quant à nous, hommes du xix" siècle, nous ne savons plus apprécier une améthyste ou un onyx.

Serait-ce que les rayons de la pierre troublent nos yeux fatigués ? Serions-nous à ce point
ennemis de la couleur que celle qui n'a pas été composée par la main de l'homme sur une
palette de peintre échappe à notre goût ? Une figure de Scopas, réduite par Pamphile sur le
chaton d'un anneau qui a des scintillements d'étoile et qui durera cent siècles avec son éclat, sa
fraîcheur, ses profils affinés, son parfum primitif, n'est-ce donc pas assez pour nous séduire?

M knrï J o uin,

(La fin prochainement.) Lauréat de l'Institut.
 
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