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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Ménard, René: Histoire artistique du métal, [9]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0317

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HISTOIRE ARTISTIQUE DU

subordonné à l'usage pratique et à l'effet artistique, et si le goût
du fini mécanique devient prédominant, grâce à la propagation
des idées de la classe moyenne anglaise, parmi les princes et les
chefs de l'Inde, les oeuvres indiennes, telles que les armes et
la joaillerie, deviendront bientôt des industries du passé. »

LA SERRURERIE

« La forge du serrurier, dit le serrurier Lamour dans son
Préliminaire apologétique sur la forge, est aux autres inventions
de ce genre qui existent dans la société, ce que le génie est aux
sciences : elle en est l'âme et la force, aucune ne peut se passer
d'elle, et elle ne les a précédées toutes que pour aider à les
créer. Si Cérès donne du pain aux Cyclopes, c'est qu'ils lui
avaient labriqué la charrue. Si le pieux Enée conserve et établit,
au milieu des combats, les fugitifs de Troie, c'est qu'il est
armé par l'époux de Yénus. Notre nourriture et notre défense sont
des objets purement nécessaires, et si l'agriculture a des beautés,
elles ne sont pas l'effet de l'art, elle les doit toutes à la nature ;
mais la serrurerie embellit encore l'utile. Elle a des parties pleines
d'agrément, de délicatesse et de majesté. Elle est susceptible de
toutes les formes. Elle a, quand elle le veut, l'énergie de la pein-
ture et de la sculpture, la hardiesse de la sculpture et toujours
la solidité. Tout ce qui sort de ses mains devient monument;
voyez-la dans nos palais, dans nos places publiques, dans nos
temples. Enfin dépouillez-la, si vous voulez, de ces ouvrages
magnifiques qui ne se répètent pas tous les jours, pour la consi-
dérer seulement dans ses opérations ordinaires : une clef est le
gage précieux de la sécurité publique. De là, la probité du ser-
rurier devient le premier caractère de son art. Dans les autres,
elle est toujours une vertu, parce qu'ils sont exercés par des
hommes; mais dès l'origine de celui-ci, elle a été de son
essence. On sait que chez les Romains, lorsque leur austérité
était encore féroce et que chaque républicain était despote dans
sa famille, une femme surprise avec une fausse clef pouvait être
mise à mort par son mari... »

A l'exception des armes, les industries modernes n'ont
employé le fer qu'assez tardivement. C'est dans les pentures des
portes qu'il apparaît d'abord, et il arrive assez vite à la perfec-
tion, puisque les garnitures des portes de Notre-Dame, exécutées
à la fin du xme siècle, sont considérées comme les chefs-d'œuvre
du genre.

Les serrures les plus anciennes ne remontent pas au-delà
du xii° siècle et elles se perfectionnent en même temps que les
pentures. « De l'autre côté du Rhin, dit Viollet-le-Duc, on
fabriqua de merveilleux ouvrages de serrurerie pendant les xv°
et xvi" siècles. Les grilles du tombeau de Maximilien à Inspruck,
celles des cathédrales de Constance, de Munich, d'Augsbourg,
qui datent du XVIe siècle, sont de véritables chefs-d'œuvre et
mériteraient de figurer dans une publication spéciale. »

Dans les travaux de serrurerie, comme dans bien d'autres
industries, le style allemand s'arrête avec le xvi° siècle, et, à partir
de cette époque, les clefs aussi bien que les serrures affectent les
formes usitées en Italie et en France, sans parvenir à en créer
de nouvelles. La serrurerie française de la Renaissance a produit
des merveilles, et le musée de Cluny possède une riche collec-
tion de pièces de cette époque. Les plus belles sont peut-être
celles qui proviennent du château d'Anet, bâti sous Henri II.
Des travaux très remarquables ont été exécutés pendant tout le
xvne et le xvme siècle : on sait que le roi Louis XVI s'intéressait
vivement à cette industrie qu'il pratiquait personnellement, et
dans laquelle il a même fait preuve de quelque talent.

Les heurtoirs et les marteaux de porte ont aussi fourni des
motifs à quelques pièces admirables pendant le xve et le xvi°
siècle, et, dans ce genre, l'Italie est demeurée sans rivale. Là
encore on retrouve les plus grands noms de la sculpture
italienne. Mais en général, dans les pièces de ce genre, le

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bronze a été employé plus souvent que le fer forgé. Il en est de
même de la fameuse grille placée devant la Loggetta de Venise,
chef-d'œuvre d'Antonio Gai, exécuté en bronze contrairement
à nos usages français, d'après lesquels les grillessont toujours
en fer forgé.

Les battants de porte aussi bien que les serrures et les clefs
appartiennent à l'industrie propre du serrurier. Mais cette indus-
trie ne se bornait pas là, elle comprenait aussi l'art des landiers
et des chenets qui a eu aussi un grand développement.

La nécessité de n'employer pour les cheminées que
des objets en métal capables de supporter les ardeurs du feu,
a fait donner une grande importance aux chenets qui, dès
le commencement du xve siècle, faisaient partie intégrante
du mobilier. Le musée de Cluny possède plusieurs beaux
modèles de chenets du moyen âge. La plupart sont d'assez
grande dimension et quelques-uns sont remarquables par leur
décoration.

« Les cheminées dans les habitations du moyen âge, dit
Viollet-le-Duc, étaient larges et hautes. Généralement, un
homme pouvait y entrer debout sans se baisser, et dix ou
douze personnes se plaçaient facilement autour de l'âtre. Il
fallait, à l'intérieur de ces cheminées, de forts chenets de fer, dé-
signés alors sous le nom de landiers, pour supporter les bûches
énormes que l'on jetait sur le foyer et les empêcher de rouler
dans l'appartement. Il y avait les landiers de cuisine et les landiers
d'appartement. Les premiers étaient assez compliqués comme
forme, car ils étaient destinés à plusieurs usages. Leur tige était
munie de supports ou crochets pour recevoir les broches, et leur
tête s'épanouissait en forme de petit réchaud pour préparer quel-
ques mets, comme nos cases de fourneaux, ou pour maintenir
les plats chauds. Dans les cuisines, l'usage des fourneaux divisés
en plusieurs cases n'était pas fréquent comme de nos jours; les
mets cuisaient sur le feu de la cheminée, et l'on comprend facile-
ment que ces foyers ardents ne permettaient pas d'apprêter cer-
tains mets qu'il fallait remuer pendant leur cuisson ou qui se
préparaient dans de petits poêlons. Les réchauds remplis de
braise à la tête des landiers, se trouvant à la hauteur de la main
et hors du foyer de la cheminée, facilitaient la préparation de
ces mets. »

Les landiers d'appartement étaient souvent décorés avec un
assez grand luxe. C'est à cette catégorie qu'appartiennent ces
grandes figures de chevaliers qui, dans les cheminées du moyen
âge, se dressent devant la flamme du foyer dont ils semblent
être les gardiens.

Au xvi" siècle, les grandes tiges qui, sur le devant des
landiers, s'élevaient verticalement pour empêcher les bûches de
rouler sur le pavé, commencent à disparaître, et on voit le véri-
table chenet, où l'ancienne tige est remplacée par une boule de
métal sur laquelle on peut poser le pied pour se chauffer. Cette
boule ne pouvait manquer d'être décorée; elle se chargea de
bas-reliefs et se transforma quelquefois en élégantes figurines,
comme on le voit sur les beaux chenets de bronze dont Jean de
Bologne a donné les dessins. Comme toujours, les plus grands
artistes de l'école italienne ont prêté leur concours à cette
industrie si humble en apparence, en sorte que Florence et
Venise ont conservé des chenets que l'on peut classer parmi les
chefs-d'œuvre de la sculpture et de la ciselure.

Il en a été de même en France pendant tout le xvn* et le
xvme siècle.

Les chenets en bronze ciselé du temps de Louis XVI ont
quelquefois un caractère vraiment exquis dans leur allure; la
grâce un peu cherchée est toujours le caractère dominant de
cette époque. Ces chenets qui, dans les cheminées de luxe, sont
presque toujours dorés, ont d'ailleurs une dimension assez
restreinte, comme la cheminée à laquelle ils appartiennent.

Aujourd'hui que les bougies ont remplacé partout les
anciennes chandelles de suif avec lesquelles nos pères s'éclai-
raient, on ne sait plus guère ce qu'étaient les mouchettes, et cet
 
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