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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [5]
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endurcis de rester sourds à ces voix suppliantes, portées jusqu'à
eux par le vent des Vosges ! Au milieu des tracas de l'intérêt
privé, dans l'entraînement tumultueux des plaisirs dont nous
avons renoué la chaîne, elles nous troublent, elles nous dé-
tachent du présent et nous accusent presque du passé. On croit
entendre quelque récit d'une Bible inconnue, semblable à l'his-
toire de Joseph vendu par ses frères.

Voyez avec quel art naïf de peintres-verriers MM. Erclcmann-
Chatrian atteignent leur but! C'est chez un meunier, dans le
moulin de Rothalp, sous Phalsbourg, que naît, grandit et s'éteint
l'action. Et cette action, dans ce cadre modeste, rayonne autour
du moulin avec tant de force que la France entière y est
entraînée. Christian Weber, maire de Rothalp, est un meunier
fort à l'aise dans ses affaires, lors de la déclaration de guene
de 1870; il tient pour l'empereur, ainsi que son adjoint, le riche
carrier Placiard. Chacun d'eux a un fils enfermé dans la forte-
resse de Phalsbourg et compte sur la victoire des armes françaises
pour le 15 août. Georges Weber, cousin de Christian, ne partage
point son optimisme. Telle est la situation des gens et des partis
de Rothalp, au premier acte du drame. Voici quels événements
la modifient. Grédel, la fille de Christian, refuse Mathias, le fils
de Placiard, qu'on lui destine pour mari après la campagne
finie: elle aime le contre-maître de Placiard, Jean - Baptiste
Werner, un brave garçon qui n'a rien et qui est allé rejoindre
les camarades à Phalsbourg. Les choses en sont là, Georges
Weber soutenant Jean-Baptiste, Christian insistant pour
Mathias, lorsqu'un cuirassier de Reischoflen, à demi écharpé,
souillé de sang, apporte au village la nouvelle du désastre. Le
lendemain, les Allemands seront à Rothalp : la chance tourne
contre l'empereur.

Tout le drame pivote autour des infortunes de ces pauvres
gens. Les Allemands occupent Rothalp, mettent en réquisition
Christian et Georges Weber, et les emmènent avec eux de force
pour conduire leurs bagages et leurs traînards. Enlevés à leur
foyer le matin du 28 septembre. Christian et Georges comptaient
y rentrer le soir, et depuis un mois, exténués de fatigue, mourants
de faim, ils marchent à la remorque des Prussiens sans pouvoir
fuir. Ils s'arrêtent enfin à Jametz, piès de Montmédy, chez la
bonne vieille Madeleine, qui les reçoit dans sa chaumière et leur
fait cuire des pommes de terre sous la cendre. Pendant qu'ils
mangent et se réchauffent, un roulement de tambour appelle les
soldats ennemis sur la place de Jametz; un chef lit un ordre du
jour. Jeanne, la petite fille de Madeleine, prête l'oreille à ce
qu'il dit. Il dit que le maréchal Bazaiue a rendu Metz avec
cent soixante mille hommes et douze cents canons! La nuit
venue, nos malheureux Alsaciens gagnent les bois, abandonnant
leurs attelages aux Prussiens.

Depuis le départ de Christian et de Georges, la famille
Weber est dans la consternation. Marie, la femme de Georges,
et Catherine, la femme de Christian, n'ont point de nouvelles
de leurs maris; Grédel ne sait rien, ni de son frère Jacob, ni de
Werner assiégés à Phalsbourg. Placiard, nomme maire à la place
de Christian, fait bonne mine aux Prussiens et pille le village à
leur profit. Une nuit, Placiard étant allé à la veillée au moulin
pour lever une contribution de guerre sur les malheureuses
femmes, Grédel saisit une hachette et fait reculer le traître
jusqu'à la porte : « Ah ! s'écrie-t-elle, si je n'avais pas ma mère!
Si j'étais seule ! » Au même instant un homme se dresse derrière
Placiard ; c'est Jean-Baptiste Werner, en costume de mobile, la
musette de toile sur la hanche, le fusil en main. Il s'est risqué à
travers les lignes ennemies pour apporter le portrait de Jacob à
Catherine et à Grédel, au péril de sa vie. Après avoir embrassé
la mere et la sœur de Jacob, et caché dans sa niusette un peu de
tabac pour les camarades, il s'adresse à Placiard : «Je suis venu
cette nuit à Rothalp ; j'y reviendrai ! Et si Mm0 Weber,
M1'0 Grédel et Mm" Georges ont encore à se plaindre, je vous
frapperai dans Phalsbourg, en pleine caserne,'sur la figure de
votre fils... il faudra qu'il se batte... je le tuerai! — Il est

lieutenant! dit Placiard. — On vient de le dégrader pour
lâcheté », réplique Jean-Baptiste, et, se jetant hors du moulin,
il essuie le feu des sentinelles postées le long des haies.

Cependant, Christian et Georges sont rentrés chez eux.
Christian a réparé la machine du moulin brisée par les Alle-
mands, et repris son travail. Placiard, sournois, cauteleux, à
demi prussien déjà, lui soutient des théories si révoltantes
d'égoïsme sur le côté du manche, qu'il rejette l'idée de marier sa
fille au riche Mathias. Phalsbourg, à bout de vivres et de mu-
nitions, va se rendre dans quelques heures; ce n'est pas Mathias
qui épousera Grédel, c'est, s'il plaît à Dieu, Jean-Baptiste
Werner.

Phalsbourg, en effet, fait ses préparatifs de reddition. Le
commandant Taillant assemble ses officiers : « A-t-on exécuté
tous mes ordres? La literie des casernes est-elle détruite? —
Oui, mon commandant. — Les canons sont-ils encloués et les
munitions hors d'état de servir? — Oui, mon commandant. —
Les fusils, les sabres, toutes les armes sont brisées ? — Oui, mon
commandant. — Les drapeaux sont-ils brûlés? — Oui, mon
commandant. Excepté celui qui flotte sur l'hôtel de ville depuis
le commencement du siège. — Abattez-le! » Et le commandant,
élevant au-dessus de sa tète le drapeau tout déchiqueté, s'écrie :
«Vieux drapeau de la patrie... nous t'avons défendu jusqu'au
dernier morceau de pain... nous ne laisserons à l'ennemi que
tes cendres. » Il le lance dans le feu : tous les officiers détournent
la tète.

Placiard, un des premiers, pénètre dans Phalsbourg, grâce au
sauf-conduit de l'autorité allemande. Il est venu en char à bancs ;
il se propose de ramener Mathias à Rothalp; il a pris pour lui
l'engagement de ne plus servir contre l'Allemagne jusqu'à la fin
de la guerre, alors que le bataillon de mobiles auquel appartient
Mathias s'y est énergiquement refusé. Tout le caractère de
Placiard est dans le mot qui suit. Apercevant le tas d'armes
brisées par ordre du commandant Taillant, il demande ce que
c'est : « Ce sont les armes que le commandant a fait briser pour
ne pas les rendre à l'ennemi. — Il a fait briser les armes? —
Oui. — Canaille! » vocifère Placiard. Pendant que le maire de
Rothalp soustrait son fils aux tristesses de la captivité, voici que
les habitants des environs se répandent dans Phalsbourg pour
embrasser leurs enfants. Mais le général prussien a consigné la
garnison française et défendu de laisser entrer personne dans la
caserne. Épisode touchant : une pauvre vieille boiteuse, s'adres-
sant à Jean-Baptiste Werner, lui demande si son petit-fils Jean
Hulot n'a pas été tué pendant le bombardement; elle lui
apporte de la galette, un bon tricot de laine et une pièce de
cent sous qu'elle a empruntée pour lui... boire la goutte... Or.
Jean Hulot est mort; Jean-Baptiste, pour lui dissimuler une
vérité aussi cruelle, lui affirme que son gars vit encore et qu'elle
le verra tout à l'heure, pendant le défilé. Mais le défilé a lieu
sans que la vieille puisse reconnaître Jean Hulot, et elle s'affaisse
sur un pan de mur en l'appelant lamentablement. Christian,
Georges, Catherine, Grédel sont également venus pour dire
adieu à ceux qu'ils aiment. Placiard a négocié le retour de
Jacob Weber à Rothalp, dans l'espoir que Christian consentira
définitivement à l'union projetée entre Mathias et Grédel, mais
Christian indigné, se tournant vers Placiard, l'apostrophe avec
mépris : « Je donne ma fille à un brave garçon, honnête,
laborieux, qui a gagné ça {montrant les galons de Jean-Baptiste)
en défendant sa patrie... Et je la refuse à un fainéant... à un
lâche, qui s'est fait dégrader devant l'ennemi... au fils d'un
traître. »

On se sépare sur cet éclat. Jacob et Jean-Baptiste sont
internés à Rastadt, Christian retourne à Rothalp avec Grédel.
Un jour, le bruit d'une victoire remportée à Villersexel par
Bourbaki parvient jusqu'au moulin ; et déjà Christian boit à la
résurrection de la France, lorsque le facteur lui remet une
lettre de Jacob, datée de Rastadt : lettre à tuer un père ! « Vous
saurez, écrit Jacob, qu'avant-hier matin, à l'appel, comme je ne
 
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