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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 3)

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Gindriez, Ch.: L' Algérie et les artistes
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https://doi.org/10.11588/diglit.16676#0446

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L'ALGÉRIE ET LES ARTISTES. 403

palais d'été du gouverneur, les beaux ombrages de cette villa Yusuf où, dans les charmes d'une amitié
illustre, il se reposait de ses fatigues d'artiste-soldat. Ces deux âmes de militaire et d'artiste se com-
plétaient l'une par l'autre en se pénétrant étroitement. C'est là qu'il a peint la plus grande partie de
ses tableaux; et si, comme le dit Henri Heine, chacun est suivi de ses œuvres au grand jour du
jugement, celles-là seules lui permettront de paraître devant Dieu à la tète d'une centaine de mille
hommes d'infanterie et de cavalerie. Il faudrait citer tous les peintres et tous les écrivains de cette
époque pour connaître ceux qui ont visité l'Algérie et qui y ont demeuré. Ce fut pendant longtemps
une véritable émigration. Le musée de Versailles montre encore aujourd'hui, au moins pour la partie
épique, de quel poids a pesé l'Algérie sur la pensée et sur la vie des peintres. L'œuvre des écrivains
plus dispersé est difficile à évaluer dans ses dimensions exactes. Cependant, dans sa courte admi-
nistration de la colonie, le prince Napoléon voulut constituer une bibliothèque des quelques livres
qui, pensait-il, avaient été écrits sur ce sujet. De tous côtés les ouvrages affluèrent, remplissant les
vitrines, inondant les rayons, débordant dans les chambres et jusque dans les greniers *. L'alarme était
vive, quand la révocation du prince arrêta cette averse dont quelques gouttes se sont répandues, sous
forme de pluie bienfaisante, dans les bibliothèques de l'Algérie.

Maintenant cette émigration de la partie intelligente de la nation s'est dispersée dans tout l'Orient,
et surtout vers l'Egypte ; mais ce n'est pas impunément que la pensée d'Un peuple s'est emparée si
obstinément d'un pays. L'art et la littérature, qui se sont longtemps renvoyé cette lumière comme
deux miroirs éblouissants, paraissent dans une nouvelle évolution revenir à des qualités plus sobres
puisées dans leurs propres racines et dans les entrailles mêmes de leur génie. Mais ces inondations, en
échange du limon qu'elles déposent, ramènent en rentrant dans leurs lits une eau plus riche et plus
féconde; on peut donc estimer que l'art subit en ce moment le même travail que la langue. Après
avoir contenu en suspension toutes ces paillettes brillantes, elle s'en est saturée à la longue. Souvent
l'œil qui les cherche ne les aperçoit plus ; mais il reconnaît à un éclat secret, à je ne sais quelle chaleur
intérieure qu'elle se les est assimilées en les dissolvant.

Ch. Gindriez.

i. Cette anecdote nous a été racontée par le savant orientaliste et archéologue M. Cherbonneau.
 
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