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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Fouqué, Octave: Art musical, [2]
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ART MUSICAL

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partage. Cette chanson, dite par Clitandre déguisé en médecin
oriental, contient une jolie phrase:

Ainsi qu'au pays des aimées,
que M. Nicot développe avec un style parfait.

M. Fugère joue le rôle de Sganarelle; il chante avec une
sympathique rondeur son air du premier acte, qui est une des
jolies pages de la partition :

Dis-moi de ton cœur la pensée,
et fait bisser la chanson du troisième. Il dit fort bien le dia-
logue, et sait débiter la prose de Molière. Sans avoir les qualités
en dehors que la tradition exige des soubrettes du vieux réper-
toire, M"e Thuillier s'acquitte du rôle de Lisette en actrice fine
et intelligente. M110 Mole donne à celui de Lucinde une agréable
physionomie. Enfin le quatuor des médecins est supérieurement
représenté par MM. Barnolt, Grivot, Gourdon et Maris.

M. Carvalho a commandé les décors à MM. Lavastre et
Carpezat ; le premier, qui représente la place classique, est fort
joli. Les costumes, dessinés par M. T. Thomas, méritent tous
les éloges. Celui des matassins qui dansent le divertissement
du premier acte est exquis de simplicité gracieuse. L'opéra se
termine par un divertissement dans la maison de Sganarelle,
dont M. Thomas paraît avoir particulièrement soigné les détails.
Des gens apportent un dais sous lequel les danseurs prennent
leurs ébats ; ces danseurs sont vêtus de fantastiques costumes où
tout, depuis le brodequin jusqu'à l'aigrette, est rouge, mais d'un
rouge plus ou moins vif, qui tantôt touche au rose, tantôt devient
cramoisi. Ces nuances si voisines, mêlées et confondues dans le
mouvement des groupes, donnent à l'œil une impression parti-
culière de rare et chaude harmonie.

Il serait injuste de ne pas mentionner, avec l'éloge qui lui
est dû. le chorégraphe, M"° Marquet. L'entrée des matassins
qui suivent chez Sganarelle les médecins « chantants et dan-
sants » est réglée avec beaucoup d'esprit. L'instrument de
Molière y apparaît; il eût été difficile et puéril de l'éviter. Mais
rien ne choque le goût, et tout est gai dans ce divertissement
qui clôt très bien le premier acte.

Quand nous aurons nommé le metteur en scène, M. Charles
Ponchard, et le chef d'orchestre, M. Danbé, il nous faudrait
encore faire une mention en faveur de certains exécutants de
l'orchestre. Grouper ces divers talents, fondre toutes ces volontés,
leur donner l'unité d'impulsion nécessaire pour créer une
œuvre d'art qui réunit tant d'éléments venus de sources diffé-
rentes, tel est le rôle de la direction. On sait le goût de M. Car-
valho; jamais il ne s'était plus complètement révélé, et cette
mise à la scène de l'Amour médecin, si artistique et si soignée,
est pratiquement un des plus dignes hommages rendus par
notre époque au génie de Molière.

Avec l'Amour médecin, l'Opéra-Comique a donné une
reprise de Richard Cœur-de-Lion. Musique encore plus vieille
que celle de M. Poise, car en plus d'un endroit de son œuvre,
Grétry a eu l'intention de pasticher l'harmonie du moyen âge.
Il est certain que, comme il le dit dans ses Mémoires, « l'ouver-
ture indique assez bien que l'action n'est pas moderne » et que
le trio :

Quoi! de la part du gouverneur
prend une forme de contrepoint d'un archaïsme suranné. Mais
ce n'est pas dans ces imitations plus ou moins réussies que réside
le mérite de Richard Cœur-de-Lion. Le bon Grétry n'était pas,
il s'en faut, de première force sur les questions de métier. Son
harmonie est souvent incorrecte, et son instrumentation n'a
rien qui la désigne à l'admiration. Mais la grâce de la mélodie,
la surprenante vérité de l'accent, parfois la force du discours
dramatique, assureront pour longtemps une place â part à
l'auteur du Tableau parlant et de Richard.

La danse n'est pas ce que j'aime...
Je crains de lui parler la nuit...
Un bandeau couvre les yeux...

autant de morceaux aussi frais après un siècle entier qu'au

jour de leur naissance. Ce ne sont ni les finesses de la science,
ni les artifices du contrepoint, c'est l'intensité du sentiment
intérieur qui seule assure aux productions du compositeur une
aussi longue et aussi brillante jeunesse. Quant à la romance
de Richard, elle est extrêmement émouvante. C'était là un
morceau difficile à faire. Il devait, dans l'esprit de Grétry, avoir
une teinte archaïque très prononcée ; en même temps il fallait
qu'il exprimât de façon vive et frappante l'amour du roi pour
Marguerite. Enfin il était nécessaire que cet air, très simple et
très court, fût assez agréable pour être entendu à plusieurs
reprises sans fatigue pour les spectateurs, car il ne revient pas
moins de neuf fois dans l'opéra. Aussi Grétry chercha-t-il long-
temps le motif qui devait s'adapter aux paroles de Sedaine.
Plusieurs fois il fit et refit sa romance sans y réussir comme il
l'eût voulu. Cependant, à force de choisir parmi ses différentes
idées, il trouva. Mais la recherche qu'il avait faite avait duré du
soir au matin. Vers le milieu de la nuit, ayant sonné pour
demander du feu : « Cela ne m'étonne pas que vous ayez froid,
lui dit son domestique, depuis le temps que vous êtes là à ne
rien faire ». Grétry ne faisait rien en effet ; il composait l'éton-
nante mélodie : Une fièvre brûlante.

La reprise actuelle de Richard Cœur-de-Lion est loin
d'avoir l'éclat de celle qui eut lieu il y a quelques années avec
le ténor Duchesne et M. Melchissédec, aujourd'hui engagé
à l'Opéra. Un lauréat du Conservatoire, M. Carroul, y a débuté
dans le rôle de Blondel. Ce jeune homme est doué d'une voix
de baryton ténorisant fort agréablement timbrée.

Depuis quelque temps le théâtre des Bouffes-Parisiens
annonçait la représentation d'une pièce nouvelle intitulée la
Mascotte. Ce titre mystérieux faisait travailler les imaginations.
Qu'est ce qu'une mascotte ? demandaient les curieux; et les plus
érudits de fouiller les vieux lexiques sans rien découvrir. La
représentation de la pièce de MM. Chivot et Duru nous a tout
révélé. Une mascotte, c'est une jeune fille qui porte chance.
Tant que l'enfant ne laisse pas l'amour effeuiller les fleurs de sa
couronne virginale, elle est mascotte si elle naquit mascotte, et
autour d'elle tout n'est que joie, bonheur, victoires faciles,
triomphes inespérés. Vous pensez si une personne chez qui on
a découvert d'aussi précieuses vertus est disputée. Rois et
bergers, généraux et chambellans veulent l'avoir près d'eux.
Tant que Bettina vit à la cour de Piombino, Laurent XVII
gagne des batailles, conquiert des États, voit tout lui réussir.
Mais un jour elle s'enfuit avec son amoureux Pippo. et aussitôt
ce ne sont que défaites, amertumes. Un voisin, le prince Fritellini
déclare la guerre au duc de Piombino, et comme il a dans son
armée Pippo accompagné de Bettina, il est rapidement victo-
rieux. Laurent est chassé de ses Etats et, proscrit, se fait pifleraro
jusqu'à ce que tout s'arrange à la fin du troisième acte, qui unit
Pippo à Bettina, tandis que Fritellini, devenu l'époux de Fiam-
mina, fille de Laurent XVII. rend Piombino à son beau-père.

La Mascotte est le second ouvrage donné au théâtre par
M. Edmond Audran. Ses Noces d'Olivette viennent d'obtenir à
Londres cent représentations consécutives. Cette partition ne
brille pas, non plus que la première, par l'originalité. Elle est
facile, aimable, un peu banale, et se fait toute à tous. Cependant
elle est écrite avec soin, et certains morceaux révèlent un musi-
cien délicat. Le duo pastoral des dindons, entre Pippo et Bettina,
est bissé chaque soir, et le final du dernier acte est tout à fait
charmant. Pippo et Bettina vont entrer dans la chambre nup-
tiale; une musette fait entendre une ballade chantée au premier
acte, et Laurent XVII, pifferaro, joue un autre air aussi précé-
demment entendu. Le premier air dit à Pippo : « Ne te marie
pas, respecte la mascotte » ; le second au contraire l'invite à
suivre les lois de l'amour. Les deux mélodies sont confondues
et mêlées, tout en restant reconnaissablès, et cette poétique
paraphrase des fameuses cloches conseillères de Panurge :
« Marie-toi ! ne te marie point! » fait la meilleure impression
sur le public.
 
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