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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Les ventes d'art et de curiosité
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LES VENTES D'ART ET DE CURIOSITÉ.

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formation du cabinet de M. Wilson. Tout en obéissant à son
goût personnel, l'intelligent amateur paraît avoir eu la pensée
de rechercher de préférence les productions des peintres sur
lesquels la critique nouvelle s'est efforcée défaire la lumière et
la justice; à ce point de vue, qui est bien celui de l'heure pré-
sente, on peut prendre plus d'une leçon dans la galerie de
l'avenue Hoche, car. particulièrement pour l'école hollandaise,
la collection abonde en chefs-d'œuvre caractéristiques, et quel-
ques-uns sont dus à des maîtres que la France connaît mal ou
qu'elle n'a pas assez aimés autrefois.

« Ici, le héros de la fête, c'est Frans Hais. S'il est vrai qu'il
ait maltraité sa femme; si, comme l'indique un texte retrouvé
dans les archives, il s'est permis en sa jeunesse un peu folle de
troubler par des chansons nocturnes le sommeil des habitants
de Harlem, il a eu tort; mais il a racheté ses fautes par une
longue vie de travail, et il nous a laissé de si belles peintures!
Nul n'a plus que lui connu la bravoure du pinceau. Frans Hais,
on le sait, a eu plusieurs manières. Chçz M. Wilson, on peut
étudier toutes les transformations de sa manœuvre, toutes les
métamorphoses de son idéal.

« Ce maître, à qui la violence n'a pas toujours déplu, avait
eu des commencements très sages. Il était fort raisonnable et
déjà étrangement spirituel, en 1626, lorsqu'il peignit, dans des
dimensions réduites, les étonnants portraits de Scriverius et de
sa femme. Il y a peut-être à Paris d'honnêtes personnes qui
passent des semaines entières sans penser à Scriverius. Les gens
du xvii° siècle étaient moins indifférents aux: faits et gestes de ce
digne lettré qui, selon la mode du temps, avait latinisé son nom
de Pierre Schryver et qui, ayant pris pour devise les mots
legendo et scribendo, fut fidèle toute sa vie à ce laborieux pro-
gramme. Scriverius tenait son rang parmi les hommes les plus
considérés de Harlem. Pour Frans Hais, c'était un voisin, un
ami, peut-être. Le peintre s'est attaché à rendre avec des soins
particuliers la physionomie intelligente et loyale du savant his-
torien. Il n'a pas moins exactement exprimé le caractère de la
femme de Scriverius, dont la chronique ne parle pas beaucoup,
mais qui paraît avoir été une vaillante Hollandaise, assidue aux
choses de la maison et constamment occupée à mettre en ordre
les livres que dérangeait son mari. Ces deux portraits sont du
temps où l'artiste, respectueux de la réalité et du fin détail,
modérait sa verve et ne la laissait paraître que par certaines
touches hardiment spirituelles. Pour le biographe de Frans
Hais, ils ont la plus grande valeur historique, parce qu'ils carac-
térisent une époque et une manière; pour ceux qui aiment la
bonne peinture, et qui se souviennent de les avoir admirés à
l'exposition faite au profit des Alsaciens-Lorrains, ils restent
un véritable régal. Le portrait de Scriverius et celui de sa femme
sont dignes du plus beau musée.

« C'est aussi une magistrale effigie que celle de ce gentil-
homme, élégant de visage et de costume, qu'on sait avoir été un
des membres de la famille Schade van Westrum. Ce portrait,
charmant et fier, correspond à une période où Frans Hais, de
plus en plus en possession de sa personnalité, peint avec cette
libre audace qui ravit les connaisseurs et où la fièvre du pinceau
se tempère par les certitudes de l'expérience. On voit ici quelle
fut la souplesse de ce mâle talent. Le peintre a subi l'influence
de son modèle : dans le portrait de Schade van Westrum, il a
voulu faire et il a fait une image aristocratique et fine. Plus
tard, Frans Hais se laissera aller à sa fougue, il ira jusqu'aux
plus belles violences. C'est ce qui lui est arrivé, par exemple,
dans le portrait de van den Broeeke et dans le Jeune pêcheur de
Scheveningue. Mais il y a des grâces d'état pour les maîtres bien
doués qui joignent à leurs dons naturels les leçons d'un intelli-
gent apprentissage. Hais reste fort alors même qu'il semble
s'exalter outre mesure : il est impossible d'être plus spirituel
dans la brusquerie.

« Si les amateurs ont toujours placé très haut les Frans
Hais de M. John Wilson, ils savent aussi ce que valent ses

Rembrandt. L'un des plus beaux est un portrait d'homme,
peinture admirable qui nous fait entrer dans le secret du maître,
à la fin de sa vie, à l'époque où il songeait aux Syndics des
Drapiers. Le personnage, au visage pâle, au masque intelligent,
au regard chargé de pensées, a posé, non chez lui, mais sans
doute dans l'atelier de Rembrandt lui-même. Et, en effet, le
peintre, pour meubler les fonds du tableau, a placé dans la
pénombre un buste antique qui lui appartenait et dont il s'est
parfois servi à titre d'accessoire. Certains détails, les mains pat-
exemple, sont admirables de liberté et de puissance; mais c'est
surtout la tète du modèle qui appelle et retient les yeux du
spectateur comme elle concentre la lumière. Rembrandt va
volontiers au-delà des réalités visibles et, quand il rencontre une
personnalité sympathique, il ne nous parle pas seulement de son
attitude et de son costume : il dit son âme.

« Cette préoccupation d'exprimer la pensée, de chercher le
drame, est visible dans tous les Rembrandt de la galerie de
M. Wilson. Le maître est grand môme dans l'improvisation,
même dans l'inachevé. Le Rabbin n'est qu'une tète humaine
enlevée en quelques coups de pinceau, mais elle est étincelante
dévie; le Golgotha n'est qu'une esquisse, la vision vague d'un
Christ crucifié au milieu des horreurs d'un ciel douloureux. Le
visage est à peine indiqué, les formes s'ébauchent à grands
traits, le paysage flotte dans le rêve, et l'impression est tragique..)

« J'aime à croire que la critique moderne jouira bientôt de
ses conquêtes et que nous n'aurons plus la superstition des
grands noms. L'étude désintéressée de l'école hollandaise
démontre que les artistes ont été si nombreux au xvu° siècle,
que, lorsque nos ancêtres ont procédé à la distribution des
couronnes, il n'y en a pas eu pour tous ceux qui les méritaient.
Ils ont oublié Pieter Codde. Voilà dix ans à peine que ce maître,
longtemps confondu avec les Palamèdes et les Leduc, commence
à prendre son rang. Nous serions heureux de travailler à sa
gloire. Chez M. Wilson, nous avons le tableau qui est vraisem-
blablement le chef-d'œuvre de Codde. On se rappelle celui du
Musée de la Haye, la Bal, où l'auteur nous introduit dans le
demi-monde de son temps. La Courante a une bien autre
importance, et la scène se passe chez des gens de bonne compa-
gnie, fort élégamment vêtus à la mode de 16;6. On s'amuse
aussi dans la peinture de la galerie de M. Wilson, mais correcte-
ment et avec décence. Toutes les ligures, fortement marquées
d'un caractère individuel, ont l'air d'être des portraits. Elles sont
peintes d'un pinceau soigneux, sans petitesse cependant, et elles
s'enveloppent d'une lumière loyale qui permet de voir, ici la
finesse des visages, là le goût curieux des costumes. Vraiment,
quand on songe aux impertinences des faiseurs vulgaires, on est
presque touché de la longue patience et de la volonté intraitable
avec lesquelles ces bons Hollandais de la grande époque
peignaient leurs chefs-d'œuvre si délicats et si fins. Ce Pieter
Codde, dont la vie est encore ignorée, paraît avoir été un historien
fort bien informé des mœurs de son temps, et, comme portrai-
tiste, il a la précision d'un peintre de miniature. Tout semble
dire que l'auteur de la Courante obtiendra dans quelques jours
la célébrité un peu tardive que lui mérite son talent.

« Pour beaucoup d'autres, la gloire ou la notoriété sont
venues dès le premier jour. Voici Adrien Van Ostade, si brillant
et si chaud dans l'Homme à la fenêtre rustique, Palamèdes, dont
les œuvres sont si rares et dont la Claveciniste s'enlève sur un
fond gris qui fera la joie des raffinés... Mentionnons encore
parmi les maîtres de la vie familière. Van der Meer de Delft, le
peintre de la Servante endormie, et même Corneille Dusart,
qu'il ne faudrait pas prendre pour un inventeur imprudent,
puisqu'il se tient d'ordinaire à la suite de Van Ostade, mais qui,
dans la collection de l'avenue Hoche, se permet d'avoir une
couleur personnelle et de l'esprit.

« Les paysagistes hollandais occupent dans la galerie de
M. Wilson une place considérable et brillante. L'un des plus
 
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