Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

DOI Heft:
Les ventes d'art et de curiosité
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0289

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
263

L'ART.

grands maîtres de l'école, c'est Albert Cuyp, et il est là avec un
bijou. Son tableau, l'Artiste dessinant d'après nature, montre
bien que Cuyp eut, mieux que tout autre, la notion des perspec-
tives fuvantes et le sentiment de la lumière vraie. Le peintre a
mis pied à terre, et pendant qu'un serviteur tient son cheval, il
s'est assis et il dessine la vue de la vaste campagne qui s'étend
sous ses yeux. Ciel léger et qu'on dirait fait avec de l'air respi-
rable, horizons lointains qu'inondent les clartés sereines d'un
beau jour, puissants contrastes entre les vigueurs du premier
plan et les lumineuses profondeurs des fonds, tout est admirable
dans ce tableau qui, en un cadre restreint, semble contenir
l'infini.

« Ceux qui ont fait quelque étude des œuvres de Van
Goyen trouveront dans la collection de M. Wilson une peinture
qui caractérise excellemment la manière du maître, alors qu'il
se plaisait à chercher la mélodie des tons roux. Cette Vue de
Dordrecht est celle qu'un des biographes, on dirait presque un
des amis du peintre, a signalée avec complaisance, d'abord parce
qu'elle est belle et ensuite parce qu'elle présente une singularité.
La Vue de Dordrecht porte en effet deux fois la marque de
Van Goyen, avec deux dates différentes, 1644 et 1653. Cet excès
de chronologie a jadis surpris quelques amateurs : on pourrait
en citer plus d'un exemple. Van Goyen commence son ébauche,
et il la date : après un intervalle de plusieurs années, il reprend
son tableau, il l'achève et il y inscrit un nouveau millésime.
Van Goyen aurait été digne d'être archiviste; mais il a eu
d'autres mérites, et la Vue de Dordrecht prouve bien que ce
greffier, si exact à prendre des notes, avait le sentiment profond
des nuages en mouvement et du flot clapotant sous la caresse
des brises....................

« Il faut peut-être consacrer un bout de commentaire au
grand tableau d'un maître pour lequel la justice a été un peu
tardive, Salomon Ruysdaël. Evidemment, c'est dans Van
Goyen que Salomon a puisé les premiers éléments de son idéal ;
mais on voit bien dans son beau paysage, le Bac, que, tout en
s'inspirant de ses méthodes, il ne l'a pas toujours suivi dans son
système de colorations monochromes, qu'il s'impose un effort de
composition, qu'il cherche la variété des contrastes et l'élégance
des silhouettes.

« La vie, encore peu connue, de Salomon Ruysdaël mérite-
rait d'être racontée.

« L'école flamande est représentée chez M. Wilson par quel-
ques pages d'une haute valeur. Rubens est là avec un portrait
d'une grande dame, que Smith n'a point oublié dans son catalogue,
et aussi avec les bustes desRois Mages, trois peintures où l'accent
personnel de son pinceau est bien lisible, où son coloris s'exalte
dans tout son éclat. Rubens n'est pas moins intéressant à étudier
lorsque, comme dans Mercure et Argus, il consent à restreindre
la dimension de ses figures aux proportions du tableau de che-
valet. On connaît cette mythologie pour laquelle Rubens semble
s'être passionné, car il l'a plus d'une fois reproduite. Mercure,
nu, jeune et bien portant, s'apprête à trancher la tète d'Argus
lourdement endormi. A côté d'eux, Io métamorphosée en vache,
déguisement incommode pour une princesse, paraît s'intéresser
beaucoup au résultat d'une surprise qui doit la délivrer de son
gardien. La scène se passe dans un paysage superbe, sans
doute parce que Rubens s'est donné la peine de le peindre
lui-même.

« L'un des Teniers de M. Wilson est exceptionnel : c'est la
Cuisine de l'archiduc Léopold. On ne mourra pas de faim dans
une maison aussi richement approvisionnée. Sur le carreau, s'en-
tassent de grosses pièces de gibier, animaux à bon droit mélan-
coliques dont le peintre s'est complu à reproduire exactement
les formes, le pelage et on dirait volontiers le mouvement, si ces
pauvres bêtes n'étaient immobilisées parla mort. On sait quelle
est chez Teniers la virtuosité de la touche. Son pinceau a couru
agile et preste au milieu de cette cuisine qui est un cimetière, et
il a su donner de l'esprit à des cadavres.

« Avant de parler des maîtres anglais, il faut dire un mot du
beau portrait d'Etienne Gardiner. évèque de Winchester et
grand chancelier d'Angleterre. Le personnage est intéressant.
Collaborateur de Henri VIII et mêlé à plus d'une sinistre aven-
ture, Gardiner fut employé aux négociations qui précédèrent le
divorce du roi et de Catherine d'Aragon. Ce portrait, auquel nous
attachons une importance considérable, provient de la collection
de Fonthill-Abbey et il a toujours passé pour l'œuvre de Hol-
bein. 11 est superbe. Les plans du visage sont établis avec une
fermeté magistrale, les lèvres sont d'un dessin précis et mena-
çant; les mains, étudiées avec une admirable patience, accen-
j tuent, par le naturalisme du détail, la physionomie morale du
redoutable personnage. La coloration est forte et montée.
Quels historiens que ces portraitistes du xvi° siècle, et comme
ils soulèvent courageusement le masque pour nous montrer
l'homme !

« Revenons aux maîtres anglais dont l'effigie de Gardiner
nous a éloigné pour un instant. Ici encore, il y a beaucoup à
apprendre. M. Wilson possède, en effet, quelques productions
de cette école anglaise dont la France n'apprécie peut-être pas
assez l'originalité et la valeur. Paris est un lieu de délices, mais
il faudrait chercher beaucoup pour y trouver un Reynolds.
M. Wilson en a un. La Veuve et l'enfant est le tableau qui a été
gravé par Jules Jacquemart, et qui piqua si vivement la curio-
sité publique lorsqu'il parut au Palais-Bourbon, à l'exposition
ouverte au profit des Alsaciens-Lorrains. Nous savons le nom de
la charmante femme peinte par le président de la Royal
Academy : c'est M"' Seyforth. Si nous ne craignions de man-
quer de respect envers Reynolds, nous dirions peut-être que la
tète de la petite fille n'est pas étudiée avec toute la sincérité
désirable. Mais le visage de la mère s'enveloppe de la lumière la
plus délicate et la plus fine, et l'ensemble, y compris le paysage,
est traité d'un pinceau robuste, dans une tonalité chaude que
Reynolds avait empruntée aux Hollandais du bon temps.

« La manière inaugurée par l'auteur de la Veuve et l'en-
fant ne survécut guère à la fin du xvinc siècle. Sir Thomas
Lawrence changea le procédé, il chercha les colorations claires
et s'aventura jusqu'aux tons roses. Le portrait de lady Ellenbo-
rough est une étude, une œuvre inachevée, en ce sens, que la
tète s'enlève sur un fond qui n'a pas été peint. Mais ce jeune
visage est plein de charme dans sa fraîcheur fleurie et dans son
élégance de keepsake.

« M. Wilson possédait, il y a quelques années, plusieurs
tableaux de John Constable, le rénovateur du paysage. Il en a
donné deux au Louvre, l'esquisse de l'Arc-en-ciel et l'admi-
rable Baie de Weymoitth. Mais cette générosité, pour laquelle
le remerciement reste constamment à l'ordre du jour, ne l'a pas
tout à fait appauvri. Il a encore deux Constable. L'un et l'autre
ont été gravés par David Lucas, dans un recueil qui est, à sa
manière, une sorte de Liber veritatis. Ces tableaux, la Ferme
et la Vue prise dans le comté de Suffolk, ne répondent peut-être
pas à l'idéal des amateurs qui aiment que les feuilles des arbres
soient strictement comptées et cataloguées. Pendant une longue
période de sa vie, Constable a fort négligé le détail : de même
que Daubigny l'a fait chez nous, il ne voulait voir que les grandes
masses et l'effet d'ensemble. Les deux paysages de la collection
de l'avenue Hoche sont d'une allure étrangement vigoureuse et
d'une inspiration originale et mélancolique. »

Bien que tout soit à citer dans cette préface, œuvre excel-
lente de lettré et de raffiné des questions d'art, il faut nous
arrêter et compléter la liste des ventes importantes de la saison.
I M0 Charles Pillet est encore chargé des suivantes :

— Vente des tableaux anciens et porcelaines de la Chine,
appartenant à M. le baron van Hoebroek de Ten Huile, le
18 mars.

— Vente d'objets d'art et de haute curiosité, les 21 et
22 mars.

— Vente de la collection de tableaux anciens de M. Roxard
 
Annotationen