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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Jouin, Henry: Intailles et Camées, [1]
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Quoi de plus instable que ces menus objets trop légers pour fatiguer même une main
d'enfant? Aussi les produits de la glyptique ont-ils rempli les écrins des consuls, orné les doigts
des joueurs de flûte, et brillé dans la chevelure des patriciennes. Alors que Minerve veillait au
Parthénon, Jupiter à Olympie, les dames romaines portaient à leur cou, gravée sur l'améthyste
ou le saphir, l'image de ces divinités.

Ce que chez nous le lithographe, secondé par une presse, essaye sur la pierre tendre, les
maîtres de la glyptique l'ont su faire autrefois sur la pierre dure. Mais, outre le mérite du
travail, ces patients « lithoglyphes » ont dû produire, sans aucun secours mécanique, chaque
exemplaire de leurs œuvres.

Ce furent néanmoins des maîtres féconds. Les pierres gravées que nous a léguées l'antiquité
sont presque innombrables. Précieux privilège de la glyptique. Non seulement elle a reproduit
et propagé les chefs-d'œuvre de la sculpture ancienne : elle devait lui permettre de se survivre.
La pierre gravée a été comme le denier d'or qui passe de mains en mains inaperçu du
conquérant. Elle est le diamant que le chercheur retrouve dans les ruines au lendemain de
Tincendie. Elle est l'épave de l'art antique, épave inaltérée que le temps n'a pas atteinte.

Il y a trois siècles, Jean Goujon sculptait sur la terre de France ses nymphes immortelles.
C'est à la pierre de liais qu'il demandait leurs profils délicats; or les reliefs de notre sculpture
s'effritent. L'épiderme des déesses fluviales s'est gercé. Encore un peu et ces chefs-d'œuvre de
notre art national sous la Renaissance auront perdu tout modelé.

Et voilà plus de deux mille ans que Glycon gravait dans une île lointaine sur une sardonyx
le Triomphe d'Amphitrite. Cependant on dirait tracée de la veille cette scène mythologique1, le
taureau marin qui porte l'épouse de Neptune, le génie ailé qui tient les rênes; l'Amour planant
dans les airs, armé d'un fouet, qui semble presser la marche, les enfants posés sur la croupe du
monstre, tous les personnages de ce drame sont parvenus intacts jusqu'à nous. Ici pas de relief
appauvri et dénudé. Il semble que le pur soleil de la Grèce ait constamment baigné de sa chaude
lumière le camée de Glycon. Les méplats, les saillies n'ont rien perdu de leurs nuances. On
serait tenté de, croire que ce joyau sort de la cella du temple de Neptune à Corinthe, où sans
doute l'artiste l'avait offert.

Quelle est donc cette merveille ? De quelle sorte est l'argile de ce maître d'œuvres, le
graveur en pierres fines ? Comment se nomment son marbre et sa pierre plus durables cent fois
que le marbre ou la pierre d'un Praxitèle et d'un Jean Goujon ?

Sa pierre s'appelle le diamant. Limpide comme l'atmosphère de l'Attique, le diamant qu'aucun
minéral ne peut entamer rebuta longtemps la patience des artistes. C'est au xve siècle de notre
ère que Louis de Berquen découvrit à Bruges l'art de tailler cette gemme. De la poudre de
diamant fut son outil. Chose curieuse, rebelle à tout contact étranger, c'est en lui-même que
le diamant porte la substance qui permet de l'assouplir et de le graver.

Le saphir vient ensuite. Il a presque la dureté du diamant. Imprégnée d'azur, comme le ciel
de l'Asie, cette gemme porte aussi le nom de pierre orientale. La nature l'a-t-elle trempé dans
un bain de pourpre, le saphir prend le nom de rubis.

Éclatante et radieuse, telle est l'émeraude. Verte, elle resplendit avec un éclat que ne
saurait atteindre la plus riche végétation. Pline nous apprend que la force radiante de l'émeraude
pénètre l'air et lui prête sa couleur. Elle donne à l'eau dont on la recouvre sa teinte d'herbe vive.
La lumière du jour, celle d'un flambeau, l'ombre nocturne, rien n'altère la vivacité de ses rayons.

De toutes les pierreries, ajoute Pline, l'émeraude est la seule dont l'œil se repaisse sans
se lasser jamais, soli gemmarum contuilu oculos implent, nec satiant'1.

L'aigue-marine, ou vert nuancé de bleu, a été gravée par les anciens. Evodus, artiste grec
du i" siècle, a signé le portrait de Julie, fille de Titus, que possède notre Cabinet des
Antiques3. Vous connaissez comme moi cette intaille. Le front diadème, la chevelure bouclée de

1. Au Cabinet des médailles et anliques, n° 86.

2. Pline. Histoire naturelle, liv. XXXVII", xvi, ■>.
j. Cabinet des médailles et antiques, n" 2089.
 
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