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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 1)

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Jouin, Henry: Intailles et Camées, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18877#0298

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Un autre phénomène se produit quand les ondes lumineuses baignent une pierre gravée.
C'est de l'œuvre elle-même que semblent jaillir les rayons. On dirait d'une flamme intérieure,
d'un foyer subtil et pénétrant sur lequel la main de l'homme, ajoutant à celui du Créateur, a jeté
comme un manteau d'âme. L'émeraude et le jaspe ne cessent de brûler. Ce sont des pierres
incandescentes , dont les teintes chaudes et mobiles font songer aux laves des volcans. Mais la
lave passe éternellement du rouge vif au rouge blanc, tandis que les gemmes projettent toutes
les couleurs du prisme.

Il était, toutefois, nécessaire que l'artiste pût fixer le ton d'une draperie en opposition avec
le nu, le caractère d'un accessoire faisant équilibre au héros principal d'une scène compliquée.
Il importait, en un mot, que les teintes fusibles et scintillantes de certaines pierres demeurassent
immobiles sous le regard. La sardonyx a permis de résoudre ce problème.

Formée le plus souvent de trois couches, la sardonyx est brune, blanche et noire. Mariette
a cru pouvoir dire que Crozat avait possédé une sardonyx à quatre couches. Millin nous apprend
que Mariette s'est trompé. Cependant, les anciens ont travaillé des sardonyx à quatre et
cinq couches.

Au reste, trois couches bien distinctes, d'épaisseur régulière, d'un grain serré, d'une teinte
nette et pure, quelle fortune pour le graveur ! Il peut concevoir son drame sur deux plans, et le
fond du tableau tranchera par sa couleur avec la gravure. Certaines variétés de sardonyx n'ont
que deux couches. Ce n'est pas moins cette pierre que préféreront toujours les artistes pour
sculpter un camée.

Malgré la ressemblance du nom, la sardonyx ne doit pas être confondue avec la sardoine,
qui est une agate monochrome, tandis que la pourpre de la sarde et le blanc de l'ongle (ovuÇ)
sont les tons majeurs de la sardonyx.

Ce que j'admire en face des pierres précieuses, ce n'est pas la fécondité de la nature.
Celle-ci est l'œuvre de Dieu, et chaque jour, à chaque heure, ses merveilles, à peine pressenties,
confondent l'intelligence humaine. La nature n'a pas besoin d'éloges. La célébrer, ce n'est pas la
grandir, c'est témoigner de notre impuissance. Ce que j'admire, c'est le génie de l'homme qui
s'est emparé des gemmes et les a travaillées.

Il était à craindre qu'après avoir fouillé le lit des fleuves, percé les flancs de la montagne
pour en extraire ces constellations terrestres, le diamant, le rubis, la topaze, l'homme voulût
borner son effort à se faire une parure de brillants. Son génie ne l'a pas souffert. La glyptique
devait prendre place dans ses découvertes. La topaze fut gravée. Un ornement exquis vint se
surajouter à l'éclat de ses feux. C est la main de l'homme qui l'a parachevée.

Certes, l'artiste a chèrement payé son audace. Il a dû tracer son dessin à la pointe de
diamant, dégrossir la pierre et la sculpter lentement à l'aide du touret et de la bouterolle. Tâche
difficile, je vous le jure. Et quand on songe que quatre années, dix années peut-être, d'incessant
travail seront exigées par un camée de quelques millimètres carrés, la patience humaine apparaît
dans toute son énergie. La sardonyx est-elle de grande dimension? La difficulté se déplace sans
cesser d'être. Le poids de la pierre est un nouvel obstacle. Il n'est plus permis au graveur de la
tenir à la main; un outillage compliqué devient nécessaire, et des agents mécaniques inconscients,
disciplinés par l'artiste, devront pendant des années seconder ses doigts sans dévier jamais.
Horace, je le suppose, n'avait pas connu ces poètes du diamant quand il a dit : Offendit poetas
limœ labor.

Le graveur en pierres fines est vraiment le frère du sculpteur. Tous deux ont à vaincre la
matière. Le peintre conduit son pinceau sur une surface lisse. D'un geste sans fatigue, il formule
sa pensée. Semblable au semeur qui, dans sa main fermée, porte les moissons prochaines et dont
les doigts, lorsqu'ils s'entr'ouvrent, laissent échapper la vie, le peintre fait sourdre la couleur du
moindre de ses mouvements. Le repos de son bras n'est pas toujours l'indice d'un temps d'arrêt
dans son œuvre. C'est à peine s'il effleure sa toile, et la ligne se révèle dans son ampleur, le
velouté des chairs, le moelleux des draperies ont reçu de ses touches légères, presque insaisis-
sables, le charme et la grâce.
 
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