L' art: revue hebdomadaire illustrée (1.1875 (Teil 3))

SALON DE 1875

(FIN '.)

XXIV.

GACHIS.

'an dernier, le 7 août, M. le vicomte A. de Cumont étant ministre de
W>[ l'InstTuction publique et des Beaux-Arts, il fut procédé « à la distribu-
tion des récompenses aux artistes du Salon de 1874, » et le discours
ministériel découvrit, — on ne s'en doutait guère, — que « ce qui
distinguait ce Salon, » c'était « un retour marqué vers la peinture d'his-
toire. »

Il nous fut alors également donné d'apprendre que, « malgré des
lacunes et des imperfections inévitables, notre École des Beaux-Arts,
il faut le reconnaître, est dans un état florissant et de nature à satisfaire même les plus difficiles2. »
Qui n'a pas dû être le moins surpris, c'est l'homme d'élite qui dirige l'École, M. Guillaume, intel-
ligence éminemment distinguée, pleine d'élévation comme son talent, accessible à tous progrès que
sa légitime ambition serait de transporter promptement dans le domaine des faits par de fécondes
réformes; mais on sait les difficultés, les obstacles mesquins auxquels ne viennent que trop sou-
Vent se heurter ses nobles aspirations. Étant donnée la situation épineuse avec laquelle il a à
compter, il est indiscutable qu'il n'est pas possible de réaliser plus de bien que ne le fait M. Guil-
laume. Il n'en est que plus désolant de voir un artiste d'une aussi haute valeur empêché de mettre
à exécution bon nombre d'améliorations qu'il sait être du plus vital intérêt pour l'institution confiée à
ses soins vigilants.

Cette année, c'est le 6 août qu'a eu lieu, dans la salle de Melpomène, « la distribution des récom-
penses aux artistes du Salon de 187^ » c'est à dessein que je reproduis de nouveau la formule du
Journal officiel. Le ministre, aujourd'hui, est M. Wallon, le savant historien que l'École normale et la
Sorbonne ont eu l'honneur de compter parmi leurs professeurs. Ce très-excellent et très-galant homme,
qui n'a pas précisément fait des Beaux-Arts l'étude de sa vie, n'a pas moins eu l'heureuse fortune, qui
nous avait échappé à tous, de constater que « le mouvement qui ramène les jeunes peintres vers les
fortes études s'est manifesté cette année d'une façon plus sensible. Depuis longtemps on n'avait vu
présenter au Salon un aussi grand nombre de ces tableaux d'histoire, œuvres sérieuses qui ne peuvent
prétendre à des succès de mode et qui révèlent chez ceux qui s'y adonnent une application au tra-
vail, une aspiration aux choses élevées et, disons-le, un désintéressement dont on ne saurait assez faire
'l'éloge. »

Et il s'est trouvé des critiques assez aveugles, — quorum pars parva fui, — pour trouver le Salon
d'une rare pauvreté !

M. Wallon, qui est membre de l'Institut, n'a pas manqué de glorifier l'enseignement officiel et de
célébrer en ces termes la dernière création ministérielle, un nouveau rouage administratif, cela va

1. Voir tome II, pages 7, 35, 56, 77, 102, 137, 150, [78, 204, 222, 244, 269, 294, 318, 343, 369, 395: et 417.

2. Il y a vraiment des grâces d'état pour les harangues officielles. Elles seules sont de force ù se permettre de pareilles Jeannotteries.
Quelle trouvaille que « cet état florissant » orné de « lacunes et d'imperfections inévitables, » mais « de nature ù satisfaire même les plus
difficiles! » Mais pourquoi donc êtes-vous en place? Quelle est votre raison d'être si, possédant le pouvoir, vous ne vous empressez pas de
combler les lacunes et de supprimer les imperfections? Vous êtes d'autant plus coupable que vous en constatez publiquement l'existence.
Il est vrai que vous proclamez aussi vous-même lacunes et imperfections inévitables, mais c'est là un moyen par trop commode d'émarger
pour ne rien faire; il n'a pas cours auprès des gens sérieux.